A l’occasion de la conférence GTC qui se déroule à Washington, Nvidia s’est projeté dans l’avenir en s’intéressant à la 6G (en réalisant un investissement d’1 Md$ dans Nokia) et au quantique. Sur ce dernier point, la société dirigée par Jensen Huang a annoncé une extension du support de sa plateforme de développement dédié au quantique Cuda-Q et une solution d’interconnexion nommée NVQLink.
Extension du support de Cuda-Q
Sur Cuda-Q, elle est désormais supportée par le système Seeker basé sur la technologie dual rail. Cette prise en charge donne la possibilité aux développeurs de combiner l’informatique quantique et l’IA. La plateforme de Nvidia peut fonctionner sur n'importe quel matériel et prend en charge à la fois les langages C++ et Python. Elle est basée sur le projet open source Qantum Intermediate Representation (QIR) associé à la fondation Linux. Son comité directeur comprend Microsoft, Nvidia, Oak Ridge National Laboratory, Quantinuum, Quantum Circuits et Rigetti Computing. « En réalité, c'est QIR qui est le projet porteur dans cette équation », a précisé James Sanders, analyste sur le marché des semi-conducteurs chez TechInsights. « Mais QIR n'a pas d'équipe marketing, et comme la mise en œuvre est stable et complète, il n'en a pas besoin. »
Cuda-Q est déjà pris en charge par IonQ, QuEra, Quantinuum, Rigetti et plusieurs autres fournisseurs. Nvidia affirme qu'il s'intègre actuellement à 75 % des systèmes quantique disponibles sur le marché. Nvidia a annoncé la prise en charge d'AWS Braket à la fin de l'année 2024. La plateforme est également disponible sur Quantum Cloud de Nvidia, laquelle combine des GPU et des processeurs quantiques avec l'IA. Son plus grand concurrent est Qiskit d’IBM supporté par plusieurs constructeurs. Si il est plus ancien, « Qiskit n’est disponible que pour Python et non pour C++ », observe Andrei Petrenko, responsable produit chez Quantum Circuits. Il ajoute qu’il « n’a pas l’ADN nécessaire pour être utilisée dans le domaine de l’IA. Il est davantage destiné à écrire du code quantique autonome, et peut-être à y intégrer un programme CPU classique, mais pas un GPU ». Il reconnait que les choses pourraient changer avec « le récent partenariat entre IBM et AMD ».
Le pari de l’approche dual rail
En apportant Cuda-Q au système de Quantum Circuits, Nvidia parie sur une technologie en devenir le dual rail. Il est basé à la fois sur la supraconduction et sur des cavités de résonnance. Seeker « allie la fiabilité des ions et des atomes neutres à la vitesse de la plateforme supraconductrice », souligne Andrei Petrenko. Cette méthode améliore un élément clé du quantique : la détection des erreurs. « Aucun autre ordinateur quantique n’est capable d’informer en temps réel lorsqu’il rencontre une erreur mais le nôtre le fait », glisse le responsable. Cela signifie qu'il est possible de corriger les erreurs avant la mise à l'échelle, plutôt que de procéder d'abord à la mise à l'échelle, puis d'essayer de corriger les erreurs par la suite. « À court terme, la haute fiabilité et la correction d'erreurs intégrée en font un outil extrêmement puissant pour développer de nouveaux algorithmes », a poursuivi M. Petrenko. Selon l’analyste James Sanders, cette approche est différente de celle adoptée par d’autres fournisseur et salue le fait qu’elle combine le meilleure de deux types de qubit en allongeant le temps de cohérence et en intégrant la correction d’erreurs.
Pour l'instant, Seeker n'est disponible que via la plateforme cloud de Quantum Circuits et ne dispose que de huit qubits. « Nous sommes en phase d'accès alpha et nous travaillons avec des partenaires sélectionnés », a indiqué Andrei Petrenko. Avec seulement huit qubits, l'entreprise est loin derrière les leaders du secteur. Mais si d'autres entreprises spécialisées dans l'informatique quantique disposent de plus de qubits, le nombre d'erreurs augmente rapidement à mesure qu'elles se développent. « Le secteur de l'informatique quantique ne peut pas se permettre d'attendre une méthode aussi brutale », a estimé M. Sanders. « Il faut adopter des approches différentes pour construire un qubit. » L’initiative ouvre des perspectives pour les entreprises qui expérimentent d'autres approches, comme c’est le cas de Quantum Circuits. « Cette approche pourrait s'avérer bénéfique, mais il reste encore beaucoup à faire dans l'ensemble du secteur pour mettre au point un ordinateur quantique polyvalent et pleinement qualifié », a conclu M. Sanders.
NVQLink, une passerelle entre le quantique et les GPU
Toujours lors de la conférence, Nvidia a présenté le système d’interconnexion NVQLink. Il s’agit d’une architecture pour connecter directement les systèmes quantiques aux clusters basés sur des GPU. Jensen Huang a qualifié NVQLink de « pierre de Rosette » pour les approches hybrides mêlant quantique et supercalculateur sur GPU. Dans le domaine du réseau quantique, Nvidia est en concurrence avec Cisco, via son incubateur Outshift, qui a annoncé récemment des avancées sur la partie logicielle.
Pour tester et optimiser NVQLink, Nvidia a multiplié les partenariats avec les fournisseurs des systèmes quantiques. Parmi eux, on retrouve les français Alice & Bob et Quandela. Ce dernier explique que la collaboration vise à accélérer les flux de travail hybrides IA-quantiques avec une communication à faible latence entre les nœuds de calcul GPU classiques et les contrôleurs quantiques. NVQLink doit aussi assurer l’interopérabilité sur différents procédés quantiques (supraconduction, photonique, ion piégés,…) avec une pile logicielle unifiée.