A l'époque où Cisco a lancé son premier système de téléprésence haute définition avec la vidéoconférence à 1080p - c'était en 2006 et magistralement mise en scène dans la série 24 Heures - d'autres vendeurs proposaient déjà des plates-formes offrant des caractéristiques immersives très au point. Depuis, les offres du marché - chez Polycom ou plus récemment Vidyo - ont continué à se développer. Reste que, réaliser des systèmes multi-écrans travaillant ensemble peut être compliqué, du fait des nombreuses technologies mises en oeuvre, depuis l'ouverture de session jusqu'à la commutation qui permet d'afficher tour à tour les sites en fonction du conférencier qui prend la parole. Le protocole TIP de Cisco a été conçu pour normaliser ces processus et pour faire travailler ensemble les systèmes des différents fabricants sans besoin d'établir à chaque fois une nouvelle configuration. Cisco a annoncé qu'elle se proposait de céder sa licence TIP sans réclamer de royalties. Pour l'instant, seuls trois fournisseurs ont répondu à l'appel : LifeSize, le fabricant de systèmes de téléprésence et de vidéoconférence grand public; Radvision, un vendeur de solutions de conférences multipoints (MCU), et Tandberg, une société de vidéoconférence norvégienne avec laquelle Cisco a conclu un accord de rachat l'an dernier. Mais les grands rivaux de Cisco, à savoir Hewlett-Packard et Polycom, se tiennent en réserve. Garantir l'interopérabilité ou un meilleur fonctionnement du système ? Ira Weinstein, analyste chez Wainhouse Research, rappelle que, lorsque Cisco a introduit son système de téléprésence, l'entreprise a davantage favorisé ses propres produits réseaux pour garantir la meilleure qualité possible dans les salles de réunion que l'interopérabilité de son système. « Cisco, critiqué pour le manque de compatibilité de ses produits, a finalement changé son fusil d'épaule. » Selon Ira Weinstein, l'entreprise traite aujourd'hui la question de l'interopérabilité « en prenant le problème par les cornes » au lieu de considérer que c'est devenu un besoin du marché. Selon Wainhouse Research, le forcing pour assurer la compatibilité des systèmes arrive à au moment où de nombreuses entreprises ont déjà choisi leur équipements en matière de vidéoconférence. Ainsi, entre 2008 et 2009, le nombre de grands systèmes de téléprésence est passé de 1 150 à 1 475. Et l'analyste estime leur nombre à 4 225 en 2014. Alors que les recettes liées à la téléprésence ont augmenté d'environ 28% en 2009 pour atteindre 325 millions de dollars US, les recettes cumulées du vidéoconférencing ont augmenté d'à peine plus de 5%, atteignant 1,7 milliards de dollars. Cependant, le nombre de systèmes de vidéoconférence installés a augmenté de plus de 30%, dépassantr les 444 000 unités. Radvision, qui réalise des MultiConferencing Units (MCU) capables, dans une certaine mesure, de faire communiquer entre elles les plates-formes de fournisseurs différents, prévoit d'ajouter le TIP à ses plate-formes MCUs. Bob Romano, vice-président du marketing d'entreprise chez Radvision, estime qu'avec le TIP de Cisco, le système multi-écrans d'un fournisseur quelconque pourra être relié à un système de conférence Cisco. Pour lui, comme pour certains fournisseurs de systèmes, le TIP est la clé de l'interopérabilité parce qu'il offre la possibilité d'avoir une image de haute qualité sur trois écrans, « ce qui donne aux utilisateurs le sentiment de se trouver dans la même pièce ». Reste qu'un débit de 6 Mbit/s est toujours indispensable pour garantir un bon fonctionnement du système. [[page]] LifeSize, qui revend déjà, comme Cisco, les MCUs de Radvision sous sa propre marque, prévoit également d'implementer le TIP sur ses propres systèmes de vidéoconférence et de téléprésence « généralement moins chers que ceux de Cisco, » précise Matt Collier, vice-président senior en charge du développement chez LifeSize. Selon lui, le TIP rendra au entreprises le choix plus facile. Elles pourront installer quelques salles Cisco haut de gamme dans leurs principaux bureaux et mettre en place des équipements LifeSize ailleurs, indique t-il. « Aujourd'hui, il existe bien des systèmes permettant l'interopérabilité, mais ils ne permettent pas la participation de chacun à qualité égale, » précise Matt Collier. C'est le cas par exemple de la restitution d'image : souvent, avec un système tiers, la qualité est plutôt moins bonne. « Le TIP permettra d'équilibrer ces disparités, » affirme Matt Collier. Même si du côté de LifeSize, on souhaite voir l'interopérabilité entre tous les fournisseurs, Matt Collier pense que Cisco devra s'asseoir autour d'une table avec ses principaux rivaux pour s'entendre. «Personne n'a l'intention de mettre au panier les propriétés spécifiques de son de système pour adopter celles de l'autre ! » a t-il déclaré. Ainsi de Polycom, qui a rejeté l'offre de Cisco. Joe Sigrist, directeur général des solutions vidéo du groupe Polycom reconnaît qu'il y a encore du travail à faire en matière d'interopérabilité, mais revendique une normalisation par le biais d'organismes tels que l'ITU (International Telecommunication Union). "L'approche de Cisco ne vise pas à fournir un standard à l'industrie. Elle propose aux fournisseurs d'intégrer une technologie propriétaire utilisée pour l'essentiel dans les systèmes de téléprésence de Cisco », fait remarquer Joe Sigrist. Quand à Hewlett-Packard, le constructeur n'a pas pu être contacté pour obtenir son appréciation. Pour Ira Weinstein, de Wainhouse Research, il faudra du temps avant que cette question ne soit tranchée. «Dans l'avenir, il y aura sans doute des accords d'interopérabilité entre certains vendeurs. Il faut aussi s'attendre à ce que certains fournisseurs jouent un rôle majeur pour pousser dans un sens ou dans un autre, » estime t-il. Auparavant, au-delà de l'objectif de rendre compatible les systèmes de téléprésence concurrents, il reste, selon lui, à résoudre le défi de la connectivité des réseaux entre eux, notamment, celui posé par les firewalls, « pas encore très adaptés à ce type de trafic».