L'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet - dit Création et Internet, ou encore Hadopi - pourrait être plus compliquée que ne l'envisageait jusqu'alors le gouvernement. Le texte, qui prévoit de mette en place une haute autorité - l'Hadopi - chargée de réprimer le téléchargement illégal en suspendant l'accès à Internet des récalcitrants après les avoir avertis deux fois, semble faire grincer des dents au-delà des bancs de l'opposition. Plusieurs députés de la majorité font ainsi entendre leur voix, qui dissone avec la ligne officielle de l'UMP. Trois parlementaires issus du parti présidentiel - Lionel Tardy, Alain Suguenot et Marc Le Fur - ont ainsi déposé une batterie d'amendements que ne goûtera certainement guère Christine Albanel, la ministre de la Culture. Trois frondeurs à l'UMP Le plus gros pavé dans la mare est sans nul doute constitué par les amendements 121 et 122. Le premier tente d'amoindrir les pouvoirs de l'Hadopi en lui retirant la possibilité de prononcer des suspensions d'abonnement. Comme les parlementaires européens l'avaient fait l'an passé en adoptant le désormais célèbre amendement 138, les trois députés UMP estiment que la suspension de l'abonnement, en tant que sanction, ne saurait être décidée que par l'autorité judiciaire. L'amendement 122 suggère, quant à lui, de ne pas condamner les internautes à une suspension d'abonnement mais à une simple amende. Les élus considèrent que l'accès à Internet « doit être un service public universel » et qu'en priver les citoyens serait une hérésie au regard, par exemple, du nombre croissant de services public dématérialisés. En outre, les députés rappellent que « la coupure de l'accès Internet pose des difficultés techniques insurmontables ». Un dernier argument qui séduira les fournisseurs d'accès, qui ont souvent souligné les problèmes que leur poserait l'application de la loi telle que l'imagine le gouvernement. Mobilisation générale à droite [[page]]Pour ne pas rassurer les FAI, nos confrères des Echos révèlent que, selon un rapport du CGTI (Conseil général des technologies de l'information, dépendant du ministère de l'Economie), la mise en place des instruments permettant la riposte graduée coûterait quelque 70 M$ sur trois ans aux fournisseurs d'accès. Afin que les éléments soulevés contre le projet de loi ne sèment pas de doutes dans ses rangs, le groupe majoritaire à l'Assemblée mobilise ses troupes. Hier, Jean-François Copé réunissait ainsi autour de ses collègues parlementaires un aréopage d'artistes et d'industriels de la culture venus promouvoir la nécessité de sanctionner les fraudeurs. La veille, Christine Albanel faisait acte de prosélytisme auprès des élus du Nouveau Centre. Si les Sénateurs ont voté le projet de loi comme un seul homme, son adoption à l'Assemblée devrait donc être plus délicate. Gageons néanmoins qu'en dépit de débats qui s'avèreront certainement agités, d'amendements-surprises et de discours passionnés, les députés finiront par voter un texte proche de celui rédigé par le gouvernement. On se souvient que l'audace du Palais Bourbon lors des travaux sur la Dadvsi - les députés avaient adopté le principe d'une licence globale à la faveur d'un débat nocturne - avait fait long feu. La discussion sur le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet débutera le 10 mars.