Lors de son sommet Open Compute qui s'est tenu cette semaine à Santa Clara, Facebook a proposé un nouveau design pour la conception de serveurs qui, selon la firme, devrait apporter plus de choix aux entreprises dans la sélection des composants et de la remise à niveau des systèmes lorsque leurs besoins changent. Reste à savoir si cette proposition sera largement adoptée. La société cherche toujours à désagréger l'architecture de ses datacenters, ce qui signifie qu'elle veut standardiser les pièces détachées des serveurs pour réduire sa dépendance envers les fournisseurs et faciliter la maintenance. Ces initiatives pourront ensuite profiter aux entreprises pour la conception de systèmes informatiques répondant à leurs propres charges de travail.

Facebook a exposé l'avancée de ses travaux à l'occasion d'une rencontre sur son projet Open Compute sur laquelle la société travaille avec les principaux fournisseurs de composants et des entreprises afin de définir les caractéristiques de ces pièces interchangeables. L'idée principale est que les entreprises soient en mesure de choisir un type de serveur plus en phase avec leurs besoins. Elles pourraient commander leurs serveurs à un intégrateur de systèmes, qui s'approvisionnerait en pièces fournies par les fabricants de composants qui ont signé le projet. Cependant, il y a un débat sur la façon dont le modèle est applicable en dehors des sociétés Internet et des fournisseurs de services cloud.

Faire pression sur les constructeurs de serveurs 

Les machines des principaux constructeurs de serveurs partagent certains composants standards (processeurs, disques durs, mémoire...), mais la variété des configurations reste limitée, et de nombreuses pièces sont soudées à la carte mère de sorte qu'elles ne peuvent pas être changées facilement. L'un des résultats du projet Facebook sera peut-être de faire pression sur les fournisseurs pour qu'ils apportent plus de souplesse dans la conception de leurs produits. À l'occasion de cette conférence sur le projet Open Compute, Facebook a annoncé l'arrivée de nouveaux membres : EMC, Sandisk et Fusion-io pour la partie stockage, et les fabricants de puces ARM Calxeda, Applied Micro et Tilera. Hitachi a également rejoint le projet, tout comme Orange et NTT Data, qui ont rejoint la liste des entreprises qui utilisent des serveurs et contribuent au programme.

Facebook a également annoncé de nouvelles spécifications qui élargissent la gamme des systèmes disponibles et pourrait les rendre applicables à davantage de clients. La société développe par exemple une carte fille commune pour processeur qui permettra aux entreprises d'installer sur la même carte mère des puces provenant de différents fournisseurs (voir illustration principale). Pendant ce temps, Intel a déclaré qu'il apportera sa technologie Silicon Photonics, basée sur l'utilisation de silicium et de transmission par la lumière, afin de fournir une interconnexion rapide au sein des racks de serveurs.

Améliorer la modularité des serveurs 

L'un des arguments de Facebook est que les serveurs actuels reposent sur des concepts trop rigides. Les entreprises qui achètent leurs matériels à des fournisseurs tels que Dell ou Hewlett-Packard sont limitées dans le choix des composants qu'elles peuvent utiliser, et sont souvent dans l'impossibilité de changer les pièces détachées une fois qu'elles sont en place. «L'alimentation ne devrait pas être intégrée dans le serveur, sinon il est nécessaire d'architecturer le serveur autour d'elle, et si les besoins en puissance viennent à changer, vous êtes coincés », a déclaré Frank Frankovsky, vice-président de Facebook, dans son discours d'ouverture du sommet. L'alternative, c'est de déplacer les alimentations au niveau du rack, où elles pourront être mises à jour si les besoins l'exigent, a-t-il dit. Certains constructeurs le proposent déjà. De même, les modules d'entrées/sorties, les processeurs et les autres composants ne doivent pas être dépendants les uns des autres, a ajouté le dirigeant. « Cela nous permettra de proposer une approche plus souple pour la remise à niveau en changeant certains composants sans toucher ceux qu'il est inutile de modifier ».  L'utilisation du slot processeur commun permettra aux entreprises «d'évaluer différentes puces jusqu'à la dernière heure» quand elles sélectionneront un nouveau design de serveur, a-t-il dit.

[[page]] 

Il est facile de voir comment ce modèle pourrait permettre à de grandes sociétés Internet comme Faceebook, qui conçoit déjà ses propres serveurs, de réaliser de sérieuses économies d'échelle. Ce programme a également attiré des prestataires de services cloud tels que Rackspace, qui a aussi présenté de nouveaux modèles cette semaine. Mais certains participants à ce sommet ont indiqué que d'autres grandes entreprises peuvent bénéficier de ces innovations techniques.

AMD a indiqué qu'il avait défini un cahier des charges spécifiques pour fournir des cartes mères à destination des institutions financières. Ce design de carte mère baptisé Roadrunner a été développé pour répondre aux besoins du projet Open Compute mais également à celui de sociétés comme Fidelity Investments ou Goldman Sachs. Elle s'insère dans un rack serveur standard, à la différence des cartes mères conçues pour Facebook qui nécessitent un rack sur mesure. Le carte mère d'AMD intègre des puces Opteron 6200 ou 6300, mais elle permet au client de choisir le module E / S et si le client le désire un contrôleur SAS, a déclaré Bob Ogrey, évangéliste cloud chez AMD et l'ingénieur à l'origine du design Roadrunner. Cette solution fait également appel à une plate-forme d'administration low cost développée avec le concours de Broadcom. Des entreprises testent aujourd'hui cette carte mère dont la  production débutera à la fin du trimestre, a-t-il dit.

Les analystes divisés sur le projet 

Matt Eastwood, analyste chez IDC, a déclaré qu'il est logique pour les entreprises qui s'appuient sur l'informatique pour bénéficier d'un avantage concurrentiel de concevoir leurs propres serveurs. Les grandes banques sont prêtes à investir massivement dans des systèmes puissants pour exécuter leurs programmes de simulation - par exemple le logiciel Monte Carlo - qui sont utilisés pour évaluer les risques d'investissement. Le modèle de Facebook peut également convenir à d'autres sociétés où le calcul haute performance est essentiel, poursuit M.Eastwood, telles que les entreprises pharmaceutiques ou celles qui font de l'exploration pétrolière et gazière.

Pourtant, c'est loin d'être le cas de la plupart des grandes entreprises du monde. « On parle probablement de quelques centaines de compagnies » dans le monde qui peuvent avoir un usage des designs développés par le projet Open Compute, indique l'analyste. Ce dernier note également que, bien que Facebook parle de désagrégation, il y a une tendance opposée dans l'industrie informatique, avec des sociétés comme Oracle qui promeuvent des systèmes hautement intégrés pour augmenter significativement les  performances globales.

Frank Frankovsky, vice-président chez Facebook, durant la conférence Open Compute

Des prototypes Open Compute chez Dell 

Nathan Brookwood, analyste chez Insight64, est également sceptique au sujet du projet Open Compute qui lui semble peu exploitable en dehors des grandes sociétés Internet et des fournisseurs de services cloud. «Je ne suis pas sûr que les entreprises puissent en bénéficier», a-t-il dit. Peter Ffoulkes, analyste chez 451 Research est plus optimiste. « Je pense que ce projet sera utile à toutes les grandes entreprises qui souhaitent personnaliser leur centre de calcul pour l'adapter à leurs charges de travail », a-t-il dit. Même les grands groupes de distribution comme Target et Wal-Mart, qui ne font pas partie des entreprises les plus axées sur la technologie, commencent à analyser les données recueillies auprès de leurs clients afin de découvrir les tendances d'achat, a-t-il noté.

Les principaux constructeurs de serveurs ne veulent pas être laissés hors du train, et certains ont déjà indiqué qu'ils allaient soutenir les spécifications Open Compute dans certains produits. Dell a présenté deux prototypes de serveurs, l'un avec une puce x86 et l'autre avec un processeur ARM, qui partagent la même plate-forme d'administration développée via le projet de Facebook.

Répondre aux besoins de Facebook

Jay Parikh, vice-président de l'ingénierie chez Facebook, a déclaré que le passage à des systèmes plus souples ne pouvait pas venir à un meilleur moment. Les volumes de données sont devenus si élevés, a-t-il dit, que des sociétés comme Facebook ont besoin d'architecture complexe, avec des systèmes de stockage personnalisés pour gérer cette charge. Les utilisateurs de Facebook téléchargent plus de 350 millions de nouvelles photos par jour, a-t-il dit, consommant plus de 7 Po de capacité de stockage chaque mois. Ces chiffres peuvent sembler propres à Facebook, mais les volumes de données sont en expansion partout dans le monde, et, dans un proche avenir, d'autres entreprises devront faire face à des défis similaires, selon jay Parikh.

«Le défi des big data auquel nous sommes confrontés aujourd'hui sera certainement un des plus grands challenges auxquels vous serez confrontés demain » a-t-il dit.