L'enquête sur la réforme de la formation professionnelle menée par la Cegos auprès des salariés et des DRH, 3 ans après la promulgation de la loi du 4 mai 2004, fait état de perceptions différentes de la part des salariés et de leur hiérarchie. Premier enseignement : une bonne appropriation des dispositifs permettant d'appliquer la réforme par les DRH. D'ailleurs, ils y voient le moyen de mieux anticiper les évolutions, de développer les compétences opérationnelles, ainsi que l'employabilité et l'adaptation des salariés. De plus, période et contrats de professionnalisation font souvent l'objet d'une négociation d'entreprise et sont mis en oeuvre dans plus d'une entreprise sur deux. En outre, 71% des entreprises déclarent que leur pratique a changé en matière de recours aux fonds mutualisés. Enfin, grâce à la réforme, la formation est entrée dans le champ de la négociation : 27% des entreprises ont signé un accord et 11% prévoient de le faire, même si une grande disparité interbranche perdure. Des salariés avant tout à la recherche d'une stratégie individuelle : le DIF au coeur du débat Second enseignement : 54% des salariés déclarent rechercher des formations qualifiantes ou diplômantes. Les premières raisons invoquées pour se former sont la progression professionnelle, l'employabilité et la professionnalisation. Comme en 2006, 76% d'entre eux se déclarent prêts à se former hors temps de travail et 53% des répondants considèrent que la réforme leur permet d'être plus concernés qu'avant pour ce qui a trait à leur développement professionnel, 82% estimant que le DIF est une opportunité « très » ou « assez » intéressante. En ravanche, la confiance des DRH dans la réforme et le DIF comme un moyen de « favoriser le développement des compétences tout au long de la vie » diminue depuis 2003 (de 81% à 69%), alors que dans le même temps celle des salariés augmente (de 81% à 89%). Et finalement, l'enquête monte la défiance des salariés vis-à-vis de leur hiérarchie, alors que le droit du travail les a dotés d'un outil intéressant : seuls 41% d'entre eux pensent que l'entreprise va prendre en compte leurs besoins et souhaits de formation et indiquent qu'ils ne se sentent ni suffisamment informés, ni accompagnés par leur manager dans la construction de leur parcours professionnel ou la formulation de leur demande de DIF. [[page]] Cette situation est analysée par Hubert Barkate, président d'Adhara, qui connaît bien le problème puisqu'il propose des formations « spéciales DIF » dans son catalogue et milite pour que ce droit soit reconnu comme bénéfique, à la fois pour les entreprises et les salariés. « Même si certaines entreprises ont pris les devants et bien mesuré les enjeux du DIF, grand nombre de PME et plus encore de TPE ne disposent d'aucun service spécifique à la formation et ne sont donc pas encore armées pour faire face au DIF », indique-t-il. Un risque financier « apocalyptique » pour l'entreprise qui oublierait la mise en oeuvre du DIF Et de développer le triple risque auquel s'exposent les entreprises qui ne prennent pas en compte le DIF : « Tout d'abord, il y a un risque social en cas de non information des salariés. Ils sont en droit de se demander pourquoi dans le cadre même de leur entreprise ils n'ont pas été informés. Ensuite, un risque de désorganisation opérationnelle plane sur l'entreprise. Nous n'imaginons peut-être pas ce que 20 heures cumulables sur 6 ans peuvent représenter si elles ne sont pas « consommées ». Une PME de 14 salariés qui n'aurait pas incité la mise en place d'actions de formation dans le cadre du DIF aura, au bout de cette période, une « dette » en heures de formation représentant une année de travail d'un salarié ! Ce scénario « apocalyptique » viendrait cannibaliser tous les effets bénéfiques escomptés pour l'entreprise et pour le salarié. Enfin, il existe un risque financier car le budget formation pour l'entreprise risque d'exploser. Non seulement le volume d'heures de formation augmente puisque le DIF s'ajoute aux formations du plan, mais si trop de salariés cumulent leurs droits, les dépenses peuvent être très importantes à terme. La même PME de 14 salariés qui n'aurait formé aucun de ses salariés dans le cadre du DIF aurait, au bout de 6 ans, à financer 1 680 heures de formation ! » L'alerte d'Hubert Barkate n'est pas un fantasme. L'enquête de la Cegos révèle en effet qu'une majorité de salariés a une stratégie de capitalisation : 70% ont l'intention de cumuler leur droit annuel sur plusieurs années, et 30% de le prendre au fur et à mesure. Aux entreprises de montrer la voie pour tenter d'inverser la tendance afin d'éviter le bouillon financier annoncé !