Google lance en version bêta une technologie qui affine la personnalisation des messages publicitaires en pistant le parcours des internautes sur le Web. La société créée par Larry Page et Sergey Brin croit en la valeur informative de la publicité, rappelle son blog officiel à l'occasion de cette annonce. Nul n'en doutait, entre liens commerciaux rabattus par les requêtes sur son moteur de recherche et Google Adsense pour héberger sur les sites Web des publicités contextuelles, procurant dans le même temps un revenu subsidiaire à leur propriétaire. Mais le Californien passe à l'étape suivante. La technologie d'affichage de pubs qu'il a commencé à tester hier, sur les sites de ses partenaires et sur YouTube, tient compte des sites visités par les internautes. Elle associe des centres d'intérêt au navigateur Web de l'utilisateur, en fonction des types de sites fréquentés. Le géant des moteurs de recherche veut permettre à ses annonceurs de personnaliser leurs messages en s'appuyant sur les interactions qu'ils ont eux-mêmes enregistrées avec leurs visiteurs. Par exemple, si un internaute a butiné sur le site d'une boutique de sport, celle-ci pourra l'informer d'une promotion sur des chaussures de course alors même que la personne se balade les jours suivants sur un tout autre site. Un type d'action que les annonceurs lui réclamaient depuis longtemps, reconnaît Google, mais qui touche à la liberté de choix et au respect de la vie privée. Les associations de défense de la vie privée montent au créneau Plusieurs associations de protection de la vie privée sont justement déjà montées au créneau outre-Atlantique. « C'est une catastrophe », selon Marc Rotenberg, directeur du centre d'information sur la protection de la vie privée (Electronic Privacy Information Center). Il a déjà porté l'affaire devant la commission fédérale du commerce pour interrompre la démarche de Google : « On ne peut pas laisser à l'acteur Internet le plus puissant la possibilité d'utiliser les données de navigation des internautes à des fins publicitaires », estime-t-il. « Google a longtemps prétendu qu'il ne verserait pas dans la publicité comportementale, rappelle de son côté Jeffrey Chester, directeur du centre pour la démocratie numérique (Center for Digital Democracy). Voilà pourtant qui est fait. C'est la raison pour laquelle ils ont racheté DoubleClick. » (NDLR : en avril 2007, un rapprochement qui n'a reçu le feu vert de Bruxelles qu'en mars 2008). Un outil pour désactiver définitivement les cookies [[page]]Evidemment, le géant des moteurs de recherche a déjà prévu quelques parades, comme le fait d'afficher clairement la couleur en indiquant la provenance des publicités. Et se défend : « Google permet à des annonceurs de toucher des personnes qui ont déjà visité leurs sites, suivant des centres d'intérêt que ces personnes ont elles-mêmes définis », rappelle Christine Chen, porte-parole du géant. En pratique, la société californienne avance un outil, Ads Preferences Manager, à l'aide duquel l'internaute peut supprimer des catégories de publicités dans son navigateur pour ne recevoir que ce qui l'intéresse. Elle permet aussi aux utilisateurs de désactiver le cookie AdSense pour ne pas recevoir de pubs de la part d'un annonceur AdSense affilié. Pour une désactivation permanente, Google suggère un plug-in pour Firefox 1.5 et Internet Explorer (mais pas encore pour son propre navigateur Chrome, ni pour Safari). Pour Jeffrey Chester, du centre pour la démocratie numérique, tout cela est « très incomplet et n'apporte qu'une garantie approximative ». Il veut que Google laisse à l'internaute le choix de recevoir des publicités plutôt que seulement lui permettre de se désabonner du service. « Les utilisateurs doivent savoir si Google recourt au neuromarketing, au marketing viral (...) et aux réseaux sociaux. Il faut aussi que Google promette de ne pas cibler les utilisateurs de moins de 18 ans. » Proposer la publicité en option irait contre le modèle économique d'Internet, juge Google Du côté de Google, Christine Chen réplique qu'un modèle optionnel n'aurait pas de sens, d'un point de vue commercial. « Proposer la publicité en option, c'est aller contre le modèle économique d'Internet. Les utilisateurs préfèrent accéder à des messages publicitaires pertinents, ce qui, en retour, permet de faire vivre un certain nombre de services gratuits sur Internet. Nous pensons donner les informations et les outils nécessaires pour que l'internaute puisse faire son choix.» Mais, le choix est-il réel ? « Le système de désactivation des cookies ne fonctionne pas, c'est une mauvaise idée », juge Ari Schwartz, vice-président du groupe Droits numériques au Centre pour la démocratie et la technologie (Center for Democraty & Technology). Pour lui, les personnes qui activent ce genre d'outils pour protéger leur vie privée sont les mêmes que celles qui, déjà, prennent le soin de détruire leurs cookies.