Le projet de taxation des acteurs du Web pour financer le manque à gagner de France Télévisions en cas de suppression de la publicité se concrétise. La commission Copé, qui s'est réunie le 21 mai dernier pour étudier ce projet, présentera en effet les conclusions de son rapport au président de la République le 25 juin prochain. Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs lui-même évoqué lors d'une conférence de presse datée du 8 janvier dernier l'éventualité de la création d'une taxe qualifiée d'infinitésimale sur les nouveaux moyens de communication, telle que la téléphonie mobile ou encore l'accès à Internet. Encore flou à l'époque, ce projet de loi prend forme, chiffres à l'appui. La commission Copé suggère au gouvernement de supprimer la publicité sur les chaînes publiques en deux étapes : seulement après 20 H à partir du 1er septembre 2009, puis de la faire disparaître complètement du paysage audiovisuel à partir du 1er janvier 2009. Cette disparition entraînerait dans un premier temps une brèche budgétaire de 450 M€, puis de 650 M€ au total. Un déficit que la commission propose de combler en faisant appel au porte-monnaie de divers acteurs. Ainsi, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d'accès Internet verraient leurs chiffres d'affaires amputés de 0,5%, ce qui permettrait au service public d'engranger 210 M€. Une centaine d'autres millions d'euros seraient pompés sur le droit d'utiliser les fréquences hertziennes. Autres « mécènes » du service public malgré eux : l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et la RFI (radio publique), dont les parts de la redevance seront soufflées (respectivement 80 et 60 M€). La commission Copé prévoit toutefois de combler la perte de l'INA en instaurant une autre taxe, visant cette fois les chaînes de télévision privées, au titre grandiloquent du « financement de la mémoire audiovisuelle ». Une taxe qui risque se répercuter sur la facture de l'internaute [[page]]Interrogé par nos confrères de Réseaux et Télécoms, Yves Le Mouël, DG de la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques (FFT), dénonce les préconisations de la commission Copé, qu'il estime injustes et illégitimes. « C'est incompréhensible, critique-t-il. D'un côté, on nous demande de tirer la croissance en développant le numérique et en investissant dans le très haut débit fixe et mobile. Mais de l'autre, on nous inflige une taxe sous prétexte que notre activité dégage des marges importantes. Or ces 210 millions d'euros, ça correspond à 3000 stations de bases mobiles et plusieurs milliers de prises optiques qui ne seront pas installées. » Pour Yves Le Mouël, cette taxe pourrait avoir un impact désastreux sur les investissements des opérateurs dans la fibre optique, mais également sur la facture des internautes. Si le projet de loi était retenu, la FFT se déclare d'ailleurs prête à monter au créneau. Elle a d'ores et déjà consulté des spécialistes du droit communautaire et du droit constitutionnel, qui se sont montrés extrêmement réservés sur la légitimité d'une telle taxe. « Nous avons donc prévu d'aller à Bruxelles et d'instruire parallèlement la partie anticonstitutionnelle », prévient Yves Le Mouël. La FFT devrait d'ailleurs trouvé un écho favorable auprès de Viviane Reding, Commissaire européenne à la société de l'information, qui a déclaré : « on ne peut travailler à résoudre le problème du haut débit en France et en même temps ajouter une taxe supplémentaire ». Soulignons par ailleurs que cette taxe va complètement à l'encontre des bonnes résolutions de Nicolas Sarkozy et d'Eric Besson, qui ont déclaré que l'Internet haut débit pour tous représentait pour eux une priorité. Le président de la République l'avait mentionné début mars dernier, lors de sa visite au Cebit à Hanovre , et Eric Besson avait promis de s'attaquer dans les plus brefs délais à ce chantier lors de son investiture au poste de secrétaire d'Etat au numérique, quelques jours après.