Michel Rocard a remis hier à Ségolène Royal le rapport sur la société de l'information que la candidate lui avait demandé il y a deux semaines. Le rapport, intitulé 'République 2.0' et sous-titré « vers une société de la connaissance ouverte », formule 94 recommandations dessinant, explique son auteur, « les contours d'un véritable programme d'action gouvernemental ». On y lit quelques mesures concrètes, comme la mise en place d'un fonds numérique, afin de financer un « tarif social de l'accès haut débit [...] d'environ 5 € par mois », sur le modèle « du tarif social de l'abonnement au téléphone (6,49 € par mois) ». De même, ce fonds pourrait aider les opérateurs à fournir à la fois accès ADSL et équipement informatique, comme le propose déjà Neuf Telecom (mais pour près de 40 € par mois). « Un niveau cible de 15 à 20 € par mois tout compris semble atteignable dans le cadre du tarif social », écrit Michel Rocard. Dans le même chapitre, le député socialiste européen s'appuie sur les conclusions de l'association Renaissance numérique pour recommander lui aussi d'adapter la fiscalité afin de « faciliter la réutilisation des ordinateurs par donation et recyclage ». Le rapport se fait concret encore lorsqu'il s'agit de tacler des initiatives du gouvernement, comme la mise en place de la carte d'identité électronique, dont « les avantages en matière de sécurité (sur lesquels portent des doutes sérieux) ne justifient pas la constitution d'une base de données biométriques (centralisée, de surcroît) ». De même, Michel Rocard demande instamment de ne pas basculer vers le vote électronique, arguant que son principal argument, « l'augmentation de la participation électorale », « n'a jamais été démontré ». Alors que « l'opacité et la technicité du système rendent impossible son contrôle par les assesseurs et les électeurs présents dans le bureau de vote ». Surtout des principes généraux L'Europe n'est pas laissée pour compte. Ainsi, sur le chapitre consacré à la filière du jeu vidéo, qu'il faut aider plus largement, recommande le rapport, il est écrit: « Un crédit d'impôt a été voté par le Parlement français en janvier 2007 : sa mise en oeuvre est conditionnée à un accord de la Commission de Bruxelles, qui s'interroge gravement depuis plus d'un an sur le sujet. L'Europe semble sur le point de tirer contre son camp : la seule distorsion de concurrence réelle est celle qui oppose l'Europe et le reste du monde. » De même, Michel Rocard invite la candidate socialiste à se prononcer contre les brevets logiciels, et à demander de remettre à plat la directive Dadvsi. [[page]] La plupart des recommandations s'en tiennent toutefois à des principes généraux : « la France doit jouer un rôle actif dans la définition et la promotion de standards ouverts », « faire converger les leviers dont disposent les pouvoirs publics dans le domaine du logiciel », « adapter le dispositif de type Small Business Act prévu dans le pacte présidentiel aux spécificités des entreprises numériques », « encourager les logiques de type 'business angels' », « assurer la sécurité juridique des échanges sur Internet », « faire valoir nos atouts dans la concurrence mondiale », « assurer l'indépendance de la Cnil », « défendre des actions de diffusion en accès libre des contenus culturels européens »... Créer un poste de délégué interministériel aux technologies de l'information Au total, ce rapport de 73 pages « identifie cinq grands chantiers : - reprendre pied dans l'économie numérique - le numérique, une chance pour la culture - faire entrer les services publics dans le XXIe siècle - éducation : changer de logiciel - le progrès numérique pour tous, avec l'objectif de porter de 44% à 75% la part de foyers équipés d'un ordinateur et connectés à Internet ». Pour coordonner les actions à mener dans ces chantiers, le rapport recommande in fine la mise en place d'un « Conseil interministériel présidé par le Premier ministre ». Quant au pilote du programme d'action gouvernemental, Michel Rocard écrit : « l'hypothèse d'un secrétariat d'Etat aux technologies numériques a été envisagé. Par expérience, je suis plutôt réservé devant la multiplication des secrétariats d'Etat sans compétence claire, ni services, ni budget. Toutefois, je suis parvenu à la conclusion qu'un programme de cette ampleur, ancré comme il l'est dans les enjeux d'avenir, justifiait la création d'une Délégation interministérielle. »