Le Forum des droits sur Internet (FDI) vient de lancer le chantier du filtrage des contenus pédopornographiques sur Internet. A travers sa recommandation 'Les enfants du Net III', le FDI suggère ainsi une batterie de mesures visant à renforcer la protection des mineurs sur le Web, en rendant techniquement impossible la consultation de sites à caractère pédopornographique, y compris ceux hébergés à l'étranger. L'idée du FDI est « d'empêcher les accès involontaires et complexifier les accès volontaires » à ces contenus, tout en garantissant le respect de la liberté d'expression. Le Forum se défend d'agir dans un but répressif : au contraire, l'objet de ses recommandations est purement préventif puisqu'elles visent à « la préservation de l'ordre public pour faire cesser un trouble existant ». Le mécanisme imaginé par le FDI est constitué de quatre étapes. En premier lieu, les services de police et de gendarmerie sont chargés d'identifier les sites proposant du contenu pédopornographique, éventuellement après signalement par les internautes. A partir de ces données, une liste noire est ensuite constituée par l'OCLTIC (Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication), et remise à jour quotidiennement. Troisième étape, cette liste est chiffrée puis transmise, pour validation, à une autorité spécialement créée pour l'occasion. Laquelle se charge alors de la communiquer aux FAI, qui prendront les mesures techniques de leur choix pour filtrer les contenus précédemment mis en lumière. Le filtrage inefficace et dangereux pour la démocratie, dénonce La quadrature du Net [[page]] En plein débat sur le téléchargement de contenu illégal, l'apparition de la notion de filtrage risque de faire se dresser de nombreux cheveux sur les têtes des tenants des libertés individuelles. Car quand bien même son objectif est parfaitement légitime, le dispositif technique préconisé par le Forum des droits sur Internet pourrait tout aussi bien satisfaire les ayants droit, soucieux de protéger leurs oeuvres. Le FDI semble avoir conscience du risque de débordements que ses propositions peuvent entraîner : il propose en effet d'encadrer la mise en place de ce filtrage par une loi, afin d'en limiter la portée aux seuls sites pédopornographiques « sans extension du périmètre à d'autres contenus ». Reste à déterminer les méthodes de filtrage qui pourront être retenues. Le FDI, qui précise que les FAI pourront opter pour le dispositif de leur choix, rappelle qu'aucun mécanisme « ne se montre totalement imperméable par rapport à un éventuel contournement ». Pour Jérémie Zimmermann, co-fondateur de la Quadrature du Net, le filtrage est non seulement inefficace mais aussi « contre-productif et dangereux. Il entraînera obligatoirement des faux positifs, on va se retrouver à surfiltrer le Web, c'est un véritable danger démocratique. » A ses yeux, la solution la plus efficace consisterait à « faire en sorte que les accords de coopération internationale entre services judiciaires soient mis en oeuvre afin que soient retirés les contenus. » D'une façon plus générale, La quadrature du Net pointe du doigt la pertinence de la mission confiée au FDI : « Il est permis de s'interroger sur l'efficacité du Forum des droits sur Internet. S'il n'est qu'un instrument servant à légitimer une politique de contrôle et à cautionner la mise en place d'un dispositif répressif, on peut alors se questionner sur le bien-fondé de son existence. »