Selon un récent rapport d’Accenture, près de neuf responsables de la sécurité sur dix rencontrent des difficultés majeures dans la mise en œuvre de l’approche zero trust. La complexité inhérente à ce type de déploiement, la résistance de certaines directions métiers et le temps extrêmement long nécessaire pour obtenir un retour sur investissement tangible expliquent en grande partie la frustration des RSSI.
Changer de culture et clarifier le concept
Une part importante de la difficulté du zero trust vient de sa définition variable selon les entreprises. Comme le souligne Prashant Deo, responsable mondial cybersécurité chez Tata Consultancy Services : « Il s’agit d’une transformation stratégique, pas d’un simple déploiement tactique, et c’est pourquoi la méthoe trust reste un chantier complexe pour l’ensemble du secteur. » Karen Andersen, architecte identité chez World Wide Technology, complète : « Le terme est ambigu, certains pensent qu’il s’agit d’un produit, d’autres d’une stratégie. Il peut sembler être un buzzword, mais la stratégie derrière reste pertinente. » Chaque environnement est unique et exige une grande flexibilité : conformité, localisation géographique, secteur d’activité, partenaires et accès tiers varient fortement, tout comme les infrastructures on-premise, cloud, sites distants, IoT ou systèmes hérités.
Au-delà des aspects techniques, le zero trust impose un changement de culture majeur. « Pendant des décennies, la sécurité reposait sur la confiance implicite dans le périmètre réseau. Il exige l’inverse total : ne jamais faire confiance, toujours vérifier », rappelle Prashant Deo. « Faire évoluer l’ensemble d’une entreprise vers cette logique est un défi considérable. Pour Karen Andersen, il est même étonnant que seuls 88 % des responsables de la sécurité déclarent rencontrer des difficultés : « Je veux rencontrer les 12 % qui n’ont pas trouvé cela difficile », plaisante-t-elle.
Un parcours sans fin
Un déploiement complet du zero trust peut prendre plus d’une décennie, selon l’architecte « Quand je l’explique à la direction, je parle d’une feuille de route sur 10 à 12 ans pour construire une vraie base. On n’atteint jamais vraiment la fin du zero trust. » Saleh Hamdan Al-Bualy, ancien responsable sécurité du groupe The Four Seasons Hotels, insiste sur la complexité et l’absence d’incitations concrètes. « Il n’y a absolument aucun intérêt immédiat à le faire. Tant qu’on ne l’implémente pas entièrement, on ne retire aucun bénéfice », précise-t-il. Selon lui, le succès du zero trust passe par un soutien ferme de la direction, à l’instar de ce qui a été observé pour l’IA générative.
Will Townsend, VP et analyste principal chez Moor Insights & Strategy, souligne que la rémunération des RSSI ne favorise pas un déploiement enthousiaste. « La rétribution n’est pas alignée sur les objectifs zero trust. Les entreprises cotées vivent au rythme des trimestres, ce qui valorise surtout la productivité métier et la sécurisation du cloud. Difficile de mesurer un ROI immédiat sur l’hygiène sécurité. » Enfin, Prashant Deo ajoute que le manque de visibilité sur l’ensemble des flux de données et les menaces à l’échelle globale complique également l’adoption.