Quelques semaines après l'annonce tonitruante d'Oracle concernant la fin du développement d'applications (e-Business Suite, Hyperion, Oracle Database, Siebel ou encore Enterprise Manager)  pour la plate-forme serveur Intel Itanium et la menace de procès de Hewlett-Packard, qui est aujourd'hui le principal utilisateur de l'architecture IA-64, la tension est encore montée d'un cran avec le refus de l'éditeur d'Oracle de corriger des bugs et le dépôt d'une plainte par HP.

L'éditeur de Redwood aurait refusé de fournir des correctifs pour des bogues critiques à destination des clients qui exploitent ses logiciels sur des serveurs HP Integrity. Dans une plainte déposée le mercredi 15 juin, HP allègue qu'Oracle pousse ses clients à abandonner la plate-forme Itanium - et donc les serveurs Integrity - au profit de ses propres solutions matérielles héritées du rachat de Sun en janvier 2010.

Après la menace, l'attaque juridique

L'action juridique de HP fait suite à la décision d'Oracle en mars dernier de mettre fin au développement de nouvelles versions de ses logiciels pour les processeurs Intel Itanium. HP accuse en effet Oracle d'avoir violé ses engagements juridiques afin de miner la vente de ses produits. « La fin soudaine du soutien à long terme d'Oracle pour la plate-forme Itanium est une décision calculée pour contrecarrer la concurrence de HP et nuire à ses clients », a déclaré Hewlett-Packard dans sa plainte, déposée devant la Cour supérieure de Santa Clara en Californie (voir illustration principale). 

HP s'était déjà plaint la semaine dernière qu'Oracle déstabilisait ses clients en ne respectant par les accords conclus. Dans sa plainte, HP décrit en détail ce qu'elle considère les manoeuvres « coercitives » d'Oracle. Quand l'éditeur a annoncé son intention de mettre fin à tous les développements pour les systèmes Itanium, il a déclaré qu'il fournirait un support aux clients exécutant les versions existantes de ses logiciels sur la puce d'Intel. Au lieu de cela, selon HP, Oracle a refusé de fournir à ses clients sur Itanium des correctifs de bogues critiques pour ses logiciels. 

« Oracle a déclaré à ses clients que les correctifs ne sont pas disponibles et que pour résoudre le problème ils devront passer à la prochaine version des logiciels d'Oracle (voir tableau ci-dessous ou lien) »,  assure HP. « Parce qu'Oracle a annoncé que les prochaines versions de ses logiciels ne fonctionneront pas sur les serveurs Itanium, cette ligne de conduite d'Oracle force de facto les clients à abandonner leurs serveurs Itanium pour des serveurs qu'ils ne préféreraient pas ». Oracle ne supporte plus aujourd'hui que les processeurs Intel et AMD x86-64, les puces maison Sparc et les PowerPC d'IBM. Pour les OS, on retrouve Windows, Linux, Solaris et Aix.

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

[[page]]

Selon HP, Oracle aurait même été jusqu'à offrir les plates-formes matérielles à ses clients pour les pousser à abandonner les serveurs de HP. Suite au rachat de Sun et à l'arrivée de Mark Hurd (ex-CEO de HP) chez Oracle, la bataille s'est intensifiée entre les deux géants californiens. Impossible à ce jour de connaître le détail quant aux accords secrets passés entre HP et Oracle puisque la plainte rendue publique hier a été sévèrement caviardée pour éviter de dévoiler des informations confidentielles. Dans les parties visibles du document, HP accuse Oracle d'avoir rompu un accord tacite, de diffamations et d'interférences intentionnelles en vue d'exploiter un avantage économique potentiel. 

Un porte-parole d'Oracle a refusé de commenter les allégations spécifiques de cette plainte. Dans un communiqué, Oracle nie toute malversation et accuse au contraire HP de l'avoir incité à signer un accord en septembre dernier l'engageant à poursuivre le support des systèmes Itanium, même si HP savait déjà à l'époque qu'Intel avait prévu d'arrêter le développement d'Itanium.

Oracle menace de mouiller Intel

« Nous pensons que HP a expressément demandé à Oracle une garantie de support à long terme pour Itanium dans l'accord passé en septembre 2010 parce que HP savait déjà tout des plans d'Intel concernant l'abandon d'Itanium et que HP était préoccupé par ce qui se passerait si Oracle découvrait ce plan, » a précisé Oracle. 

Intel n'a pas annoncé l'abandon de la plate-forme Itanium. HP et le fondeur de Santa Clara insistent depuis plusieurs mois sur leur intention de poursuivre le développement de la puce IA-64. Kari Aakre, porte-parole d'Intel, a réitéré le mercredi 15 juin que le fondeur prévoit de livrer au moins deux générations d'Itanium, des processeurs connus sous les noms de code Poulson et Kittson. Pourtant, Oracle a déclaré mercredi que « les plans d'Intel pour mettre fin à l'Itanium seront a révélé au tribunal. »

À partir du document lourdement expurgé (la plainte de HP, voir ci-dessous), il est très difficile d'établir si Oracle a bien violé le contrat qui le lié à HP. Un porte-parole de HP a refusé de fournir tout commentaire supplémentaire. Certaines des injonctions demandées par HP sont également censurées. La firme de Palo Alto demande en effet au tribunal de contraindre Oracle à réviser sa position sur Itanium, de l'empêcher de faire des «déclarations fausses et trompeuses » sur Itanium, et de payer des dommages et intérêts, selon la plainte déposée.


Cliquez sur l'image pour l'agrandir