Bouygues Immobilier, Watteco, Alcatel-Lucent, l'Ecole des Mines de Nantes et Greenext sont les premiers récipiendaires des Prix de la croissance verte numérique, remis ce vendredi matin à Paris. Ce nouveau trophée a été imaginé et mis sur pied par Acidd (Association communication et information pour le développement durable), le Medef (Mouvement des entreprises de France) et la Fédération française des télécoms afin de distinguer les entreprises s'appuyant sur les NTIC pour oeuvrer à la fois dans le sens de l'écologie (réduction des gaz à effet de serre, diminution de la consommation de ressources naturelles, etc.) et dans celui des affaires. Comme l'a précisé sur la scène de l'amphithéâtre du Medef le maître de cérémonie Gilles Berhault, président d'Acidd, « il ne s'agit pas seulement de réduire l'empreinte carbone, mais aussi de proposer des produits, de créer de la valeur ». Sous le haut patronage de Michèle Pappalardo, commissaire générale au développement durable (qui dépend du ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du Territoire), se sont succédé les représentants des diverses organisations patronales et industrielles partenaires de l'événement : le président de Microsoft France Eric Boustouller en sa qualité de co-président du comité développement durable de Syntec Informatique, Gabrielle Gauthay, présidente d'Alliance TICS, Joël Karecki, vice-président de la Fédération des industries électrique, électronique et communication (Fieec), Marc Dufau, responsable du pôle environnement, énergies, transports d'Oseo, Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms, Daniel Clément, directeur de la recherche de l'Ademe, Marie Nouvel, chargée de communication de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), Henri Verdier, directeur de la prospective de l'Institut Télécom et président du pôle de compétitivité Cap Digital et Charles Beigbeder, président de la commission recherche, innovation et nouvelles technologies du Medef. Quatre prix, plus un « coup de coeur » Ce bel aréopage s'est assez maladroitement évertué à faire comprendre - à quelques jours de la réunion de Copenhague - que l'industrie et le gouvernement sont conscients des enjeux et font tout ce qui est en leur pouvoir pour y répondre. Il fut donc beaucoup question de futurs « capteurs intelligents », « réseaux intelligents » ou « smart grids », « transports intelligents »... Seul le bâtiment n'a pas eu l'heur de recevoir ce qualificatif d'intelligent ; il dut se contenter d'être « à énergie positive ». Heureusement, le jury, présidé par Claudie Haigneré (ex-spationaute, ex-ministre de la Recherche et des Technologies, aujourd'hui présidente de la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette), a retenu, sur les 98 dossiers soumis, 11 cas franchement exemplaires de ce que l'alliance entre écologie, business et NTIC peut donner (autrement dit, du Green IT). Le Grand prix numérique et développement durable de cette première édition a ainsi été décerné à quelqu'un qui n'est pas un inconnu pour LeMondeInformatique.fr : Christian Grellier, directeur de l'organisation et des systèmes d'information de Bouygues Immobilier, nous avait déjà exposé son « Green IT Center », un datacenter pensé - et facturé par l'hébergeur - en fonction de sa consommation énergétique. Christian Grellier explique qu'un datacenter représente environ 25% de la consommation d'un bâtiment de bureaux. « Et cela montera à 50% avec les immeubles à énergie positive. » Pour réduire la facture, le DSIO de Bouygues Immobilier a choisi la solution du container, où deux rangées de machines (serveurs, alimentation, climatisation) forment un corridor fermé protégé par un toit et équipé de portes à chaque bout. Combiné à « un pilotage temps réel de la performance énergétique », Christian Grellier estime atteindre les 30% d'économies d'énergie. [[page]] Le prix PME de l'innovation numérique pour le développement durable est revenu à Watteco, qui a inventé des micromodules permettant d'échanger des informations entre appareils sur le réseau électrique. Cette utilisation intelligente du concept de courant porteur en ligne laisse entrevoir des possibilités étonnantes : avec des capteurs intégrés dans les appareils électriques, les prises ou les compteurs électriques, Watteco se fait fort de pouvoir indiquer en temps réel la consommation électrique tant au consommateur, pour qu'il adapte ses comportements, qu'au fournisseur, pour qu'il régule au mieux la distribution. La PME sortira d'ailleurs d'ici peu un « barowatt », baromètre de la consommation électrique destiné aux particuliers, qui a fait sensation parmi le public de l'événement. Le prix Entreprise du numérique et développement durable, qui visait à récompenser une démarche « éco-engagée », a été décerné à Alcatel-Lucent, pour son projet de stations de base mobiles alimentées par énergies alternatives (solaire, éolien...). L'équipementier offre ainsi aux opérateurs une solution pour déployer des antennes relais dans des zones jusqu'alors impossibles à couvrir, ou « de rénover leurs sites existants avec des solutions permettant de réduire leur impact environnemental ». Alcatel-Lucent estime qu'il s'agit d'un marché de plus de 100 000 stations à déployer d'ici à 2012, « permettant d'économiser environ 7 millions de tonnes de CO2 par rapport à l'utilisation de groupes électrogènes ou de réseaux électriques classiques ». Mais il s'agit aussi d'une opportunité de business conséquente : ces 100 000 stations représentent quelque « 3 à 5 milliards d'euros ». Le prix Enseignement supérieur et recherche est revenu à l'Ecole des Mines de Nantes, pour le projet Entropy, fruit des travaux de Fabien Hermenier, post-doc, et Jean-Marc Menaud, maître assistant. Le but du logiciel Entropy est de réduire l'empreinte énergétique d'un datacenter grâce à une manipulation très fine des machines virtuelles. La première étape est déjà franchie : il s'agit d'allouer au mieux les ressources, et cela réduirait déjà de moitié la consommation électrique des serveurs. Le logiciel est actuellement testé en ce sens chez Orange, chez Bull et à la Direction générale des finances publiques. Beaucoup plus originale, la seconde étape, en cours, consistera à déplacer les charges des serveurs en fonction de la carte thermique du datacenter, de façon à réduire au maximum les besoins en climatisation. Le jury, qui avait initialement prévu quatre prix, a tout de même décerné un cinquième prix, « coup de coeur », à une start-up qui a su concilier questions environnementales et outils informatiques pour créer un nouveau métier. Fondée en 2007, Greenext a en effet anticipé l'obligation qui sera faite aux industriels et distributeurs d'afficher l'impact environnemental des produits de consommation dès 2011 (loi Grenelle de juillet 2009). La start-up a mis au point à leur intention une méthode de calcul du coût carbone des produits, « en s'appuyant sur une base de données unique comprenant le profil carbone de 500 000 produits de consommation courante ». Il n'est pas sûr que la mention « équivalent CO2 » sur les paquets suscite davantage l'intérêt que celle de la quantité de glucides ou de lipides, mais c'est déjà un début.