Une rumeur a récemment jeté le trouble sur la stratégie et les ambitions de SAP pour ses produits middleware, regroupés sous la bannière Netweaver. Suite aux bruits de cet été laissant entendre que SAP pourrait racheter Tibco, nombre de spécialistes du secteur ont supputé que SAP mettrait Netweaver en mode maintenance, et que des SSII partenaires se désintéressaient de la technologie. Jusqu'au cabinet d'analystes Forrester, qui a mis les pieds dans le plat, en publiant une note saignante il y a quelques jours. Dans son analyse, John Rymer écrit que SAP compte délaisser le marché des outils d'infrastructures, et transférer ses investissements sur le segment décisionnel de l'offre Netweaver. « Quiz : où va SAP avec Netweaver ? Nous ne pouvions pas non plus répondre à cette question, donc nous avons fait le déplacement à la conférence TechEd en octobre pour y voir plus clair. » Mais, ajoute John Rymer, « SAP n'a pas fourni d'indication claire sur la direction prise avec Netweaver ». Responsable des offres SOA (Architectures orientées services) chez SAP France, Thierry Pierre ne cache pas son étonnement, voire sa colère, face à cette analyse. « La feuille de route est annoncée jusqu'en 2012, la version 7.2 va être lancée à la fin de l'année, les plans de bataille sont arrêtés sur le BPM [Business process management, gestion des processus métier] et le MDM [Master data management, gestion des données de référence], l'offre ILM [Information lifecycle management, gestion du cycle de vie des informations] est toute nouvelle de cette année... On a des feuilles de route en quantité, donc je suis un peu surpris ! » « On a mis du temps à faire des applications agnostiques, mais là, ça y est, elles le sont » Thierry Pierre reconnaît quelques faiblesses, notamment sur la partie intégration, où SAP n'a pas la prétention d'aller concurrencer des 'pure-players', des spécialistes du secteur. « On est arrivé un peu en retard sur la bataille des portails ou des serveurs d'applications, par exemple. » Un point sur lequel appuie l'analyste de Forrester, en comparant les parts de marché de Netweaver - qu'il arrondit à 0% - avec des serveurs d'applications comme Tomcat, Jboss, WebSphere ou Weblogic. Du coup, John Rymer en conclut que SAP n'engagera pas de bataille pour gagner des clients en-dehors de ceux qui utilisent déjà son offre progicielle. De son côté, Thierry Pierre considère que c'est faire un faux procès à SAP que d'estimer que son offre middleware ne convient qu'à des environnements SAP. « Certes, on a mis du temps à faire des applications agnostiques, mais là, ça y est, elles le sont. Dans le MDM, on a même fait des affaires où il n'y a pas de progiciel SAP. » Quand l'analyste de Forrester dit ensuite que ce sont les gens venus de Business Objects qui guident la stratégie middleware de SAP, vers le décisionnel et la gestion des processus métier, Thierry Pierre s'insurge encore. « Le patron du développement chez SAP ne vient pas de BO, il y a vraiment eu un bon mélange de fait, au contraire. » Il reconnaît en revanche que cette année, le TechEd a fait la part belle aux outils orientés décisionnel, « car cela correspondait à la sortie d'Explorer ». Les responsables Netweaver de GFI et SQLI misent sur un rachat de Tibco [[page]] Les responsables Netweaver de GFI et SQLI misent sur un rachat de Tibco Le monsieur middleware de SAP réfute aussi l'idée que SAP n'innoverait plus dans le middleware. John Rymer illustre cette impression avec deux exemples : contrairement à Oracle et IBM, SAP ne propose pas d'outil de cache distribué ni d'outil de CEP (Complex event processing, traitement des événements complexes). Thierry Pierre explique au contraire que SAP continue d'investir dans de nouvelles offres, telles que l'ILM, le MDM ou la gestion des identités. La seule chose sur laquelle Thierry Pierre et John Rymer s'accordent, c'est le fait que SAP ouvre de plus en plus ses technologies. Mais là où Thierry Pierre parle de l'importance des partenariats et de la « co-innovation », l'analyste de Forrester estime qu'il s'agit d'une stratégie à même de préparer le futur : l'offre progicielle de SAP pourra ainsi de plus en plus s'appuyer sur des composants standards, éventuellement Open Source, plutôt que sur des couches d'infrastructure développées par SAP. « Il n'y a pas de raison de penser que le processus d'acquisition n'aboutisse pas » Témoins extérieurs mais ayant la lourde tâche de décider d'investir ou non dans les technologies Netweaver, Jean-Christophe Turlan, directeur de la division SAP de GFI Informatique, et Grégory Hermel, directeur de l'entité SAP NetWeaver au sein de EoZen (le pôle dédié SAP du Groupe SQLI), nous ont dit être totalement confiants. « On continue d'investir massivement, aussi bien en R&D, qu'en formation ou en développement des offres », indique par exemple Jean-Christophe Turlan. Toutefois, ce dernier considère plutôt la partie infocentre (entrepôt de données et outils décisionnels) de Netweaver que la partie infrastructure (reprenant sans le vouloir le distinguo de John Rymer). « SAP a toujours investi en R&D, et les gros efforts de convergence en infocentre ont été réalisés. » De même, Grégory Hermel explique : « SAP Netweaver, lancée il y a 5 ans, permet de donner une vision claire sur l'évolution des offres, s'appuyant sur un socle unique permettant des gains en TCO. SQLI EoZen reste confiant sur cette stratégie long terme. » Confiant, Grégory Hermel l'est aussi sur la capacité de SAP à racheter Tibco : « L'arrivée de nouvelles offres et potentiellement de nouveaux produits middleware comme Tibco nous permettrait de répondre encore plus largement aux besoins d'intégration de nos clients. » Un avis que partage Jean-Christophe Turlan : « Même si SAP est discret sur le sujet, il n'y a pas de raison de penser que le processus d'acquisition n'aboutisse pas ». Or, si SAP rachetait Tibco, ce serait bien le signe que l'éditeur allemand a renoncé à faire évoluer ses propres outils d'infrastructure.