LMI : Quelle est la place de Huawei sur le marché mondial du stockage, notamment face à NetApp, Pure Storage et les autres leaders ? 

Yuan Yuan : Le stockage n’est pas une industrie récente. Cela fait plus de 30 ans qu’elle existe, et Huawei y est impliqué depuis plus de 16 ans. Nous avons consolidé nos compétences et notre portefeuille de solutions. Aujourd’hui, nous sommes classés numéro deux mondial en volume et premier en croissance. Les rapports clients, notamment Gartner, nous positionnent comme choix privilégié dans le stockage primaire et secondaire. Cette progression ne vient pas de nulle part : c’est la conséquence de notre engagement pour l’innovation. 

Vous parlez d’une rupture autour de l’IA. Qu’est-ce que cela change concrètement pour la stratégie produit de Huawei ?

L’IA va transformer durablement la façon de concevoir les infrastructures et d’utiliser les applications. Pour les acteurs du stockage, cela signifie une transition du simple archivage vers une gestion complexe des données : il ne s’agit plus seulement de stocker, il faut organiser, qualifier, préparer les données pour rendre possible la création de corpus utiles à l’IA. Notre plateforme Dataverse illustre cette démarche : c’est un environnement conçu pour générer et gérer de la donnée qualitative, utilisable directement par des modèles IA. 

Cela signifie-t-il que Huawei va au-delà du hardware pour intégrer des couches logicielles plus avancées ? 

Absolument. La frontière entre infrastructure physique et gestion de la donnée devient poreuse. Nous proposons des fonctionnalités avancées, du data lake au catalogage unifié, jusqu’à des moteurs de base de données sémantiques, capables d’établir des relations complexes entre les objets. Le modèle est ouvert, compatible avec de nombreux outils tiers, et sera prochainement publié en open source pour favoriser l’intégration et la transparence. 

L’innovation concerne aussi les architectures matérielles ?

Tout à fait. L’architecture classique du datacenter, basée sur le CPU et le stockage traditionnel, est remise en question au profit de nouvelles logiques xPU (CPU, GPU, NPU, DPU…). Les usages IA imposent de nouvelles exigences, notamment des accès aléatoires ultra-rapides et des traitements très fins sur de petits volumes de données. Huawei travaille sur des accélérateurs et des SSD à densité très élevée, avec des combinaisons technologiques internes (SRAM, SLC...) pour minimiser la latence et maximiser la performance, que ce soit pour l’entrainement ou l’inférence. 

La question du modèle économique évolue. Où en est Huawei sur l’abonnement, le paiement à l’usage ?

Nous restons focalisés avant tout sur la vente d’équipements en direct à nos clients grands comptes, qui privilégient l’investissement Capex. Néanmoins, nos partenaires peuvent proposer des offres à la demande, avec des programmes spécifiques permettant de facturer au volume ou à l’heure, selon les usages. Pour l’instant, nous ne considérons pas que le marché du paiement à l’usage pour le stockage d’entreprise soit suffisamment mature. 

Quelles sont les spécificités des besoins européens par rapport à la Chine ?

Les attentes diffèrent : en Chine, on recherche avant tout la capacité et la performance brute, avec des projets de plusieurs centaines de pétaoctets. En Europe, l’enjeu principal demeure l’efficience énergétique, la conformité, le TCO global et les fonctionnalités avancées, sans oublier la question réglementaire. Notre croissance en Europe, notamment en France, est très forte, portée en partie par l’adoption de notre plateforme de virtualisation DCS en alternative à VMware, dont le modèle économique change. 

Pouvez-vous détailler la roadmap hardware autour du SSD et de l’innovation datacenter ?

 Nous travaillons sur des SSD à très forte densité, mêlant différentes technologies (SLC, SRAM...) pour réduire la latence et augmenter la performance, notamment pour l’IA. Notre feuille de route prévoit des capacités largement accrues (jusqu’à 512 To dans les prochaines années) pour répondre à l’explosion des volumes tout en optimisant la consommation énergétique et l’encombrement. En parallèle, la transition vers l’IA impose de repenser totalement la gestion des caches : nous bâtissons des systèmes intégrés RAM/HBM/SSD pour répondre à ces nouveaux besoins, avec des solutions dédiées à l’inférence IA et au data lake, offrant jusqu’à 95% d’économie d’espace et 80% de réduction de consommation énergétique par rapport aux solutions classiques. 

Derniers points à partager pour les décideurs IT ?

L’écosystème du stockage évolue très vite. Notre stack, de la gestion des données à l’hyperviseur, offre des alternatives robustes pour les entreprises en quête de performance et de maîtrise de leur infrastructure. Nous travaillons main dans la main avec les grands fournisseurs de serveurs (Dell, HP, Lenovo…) : notre solution est ouverte et compatible avec l’écosystème international.