« Les entreprises commencent à collecter des données de navigation, parfois issues des médias sociaux, mais sont globalement peu impliquées » déplore Édouard Servan-Schreiber, directeur « cross channel analytics » chez l'éditeur Terradata (en illustration). Pourtant, collecter, gérer, intégrer et interpréter les informations issues des comportements en ligne des consommateurs peuvent prévenir des pertes de chiffres d'affaires ou permettre de le faire croitre.

Plusieurs types de données sont à prendre en considération. Les plus classiques, ce sont bien sûr les données de navigation sur son propre site web : quels liens le client/prospect a suivi, combien de temps il a passé sur une page donnée, à quel moment a-t-il quitté le site web, quelle a été l'audience de telle page, qui est venu sur quelle page, etc. En paramétrant des « URL longues » contenant des données signifiantes, il est relativement facile d'extraire et d'analyser ce que l'on veut ensuite.

Édouard Servan-Schreiber mentionne ainsi un exemple d'exploitation de ces données : « il faut interpréter un arrêt de transaction. Ainsi, le consommateur qui a mis un article dans son panier et s'est arrêté juste avant de payer peut avoir obéi à des motivations très différentes qui appelleront des réponses différentes : la livraison était trop chère ; suite à un renseignement sur les caractéristiques et le prix du produit pris sur le site d'une enseigne, le client va acheter dans le magasin physique de l'enseigne ; le client hésite et va éventuellement faire la même manoeuvre trois ou quatre fois avant d'acheter ou de renoncer définitivement... »

Le poids social pour pondérer l'importance d'un prospect

Dans certains cas, associer une opération à un individu et à la connaissance que l'on a de cet individu peut être également très utile. « Dans le secteur des produits financiers librement cessibles, si un client se renseigne via le site web de sa banque sur un produit qu'il possède, cela signifie qu'il est en train de le comparer avec d'autres produits, éventuellement d'établissements concurrents, pour le remplacer, et qu'il convient donc de le fidéliser, par exemple en lui proposant d'autres produits plus conformes à ses attentes du moment ; à l'inverse, s'il ne possède pas ce produit, il faut tenter de lui vendre » expose Édouard Servan-Schreiber. La difficulté est de ne jamais donner le sentiment du flicage au client : le chargé de clientèle doit donc connaître les actions de son interlocuteur mais sans jamais lui faire sentir. Un client qui se sent surveillé aura en effet toujours tendance à fuir.

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D'autres données seront intéressantes à collecter : les relations sociales entre individus. Ce que n'importe quel commerçant du temps jadis faisait avec les clients de sa boutique doit être reproduit à l'échelle du e-commerce, avec des personnes que nul ne connait physiquement. « Il faut pondérer les relations avec les clients et les prospects en fonction de leur influence, c'est à dire de leurs relations de confiance avec d'autres clients/prospects à qui ils pourraient vous recommander ou au contraire vous déconseiller » stipule Édouard Servan-Schreiber. Il ne faudra pas hésiter à être généreux (promotions, cadeaux...) avec un client pouvant ramener de nombreux autres clients, savoir répondre en priorité à ses questions, etc. Cela suppose de savoir repérer le « poids social » d'un individu, ce que l'on mesure, par exemple, via son nombre d'amis Facebook ou son nombre de suiveurs sur Twitter. Mais travailler sur la base de Facebook est compliqué.


Facebook : le retour du réseau très privé

« Facebook, c'est le nouvel AOL ou le nouveau Compuserve : un réseau très privé qui fonctionne en circuit fermé et que l'on peut assez peu exploiter » regrette Hervé Kabla, président de l'association Media-Aces et directeur général de l'agence de communication 2.0 BlogAngels. Pour lui, multiplier les contacts ou les « amis » n'a aucun intérêt : « avoir quelques milliers de fans qui s'engagent, participent et interagissent avec votre marque est plus pertinent qu'avoir des millions de fans ». Un outil social doit être vu sous l'angle du qualitatif et pas du quantitatif.

La participation des clients et des prospects signe le fameux concept du « web 2.0 ». « Amazon, il y a presque dix ans, a été le premier à laisser les consommateurs apporter du contenu comme commenter des produits en vente et même commenter les commentaires » se souvient Hervé Kabla. On peut analyser par des outils sémantiques les participations ou, simplement, les textes déposés sur des forums ou des blogs au sujet des marques. Les commentaires sont-ils positifs ou négatifs ? Quels sont les qualités ou les reproches formulés ? Etc. « Le web 2.0, c'est le renouveau du café du commerce » admet volontiers Hervé Kabla. Mais les piliers et le patron du bar se connaissent bien et ont de l'influence.

Les nouveaux outils peuvent bouleverser des comportements anciens. Ainsi, Hervé Kabla illustre par un exemple : « le réseau social Linkedin est devenu le principal concurrent des associations d'anciens élèves qui doivent se réinventer pour survivre. Si une telle association fait payer une cotisation juste pour avoir un fichier de contacts, elle ne sert plus à rien : Linkedin (ou même Facebook) le fera mieux et gratuitement. Dès lors, de nombreuses associations de ce genre voient leur nombre d'adhérents s'effondrer et l'âge moyen de ses membres monter. »

Illustration principale : Édouard Servan-Schreiber, directeur « cross channel analytics » chez Terradata