(Source EuroTMT) Au-delà de la grave crise sociale traversée par l'opérateur, le mandat de Didier Lombard, son ancien PDG,  aura, paradoxalement, pêché sur un terrain où il aurait dû, sinon exceller, du moins faire bonne figure : celui de l'innovation technologique.

Ancien patron du CNET et du programme Télécom 1, Didier Lombard est un ingénieur féru de hautes technologies. Il avait fait de l'amélioration de l'efficacité du groupe en matière de recherche-développement (R&D) une priorité. Il avait ainsi tracé, notamment lors de la présentation du plan NexT en 2005, une feuille de route claire en termes d'innovation. Ce terrain de la R&D était bien connu du « père » de la Livebox, et à l'époque bras droit de Thierry Breton.

Cinq ans plus tard, force est de constater que le bilan n'est pas à la hauteur des ambitions. Et ce n'est pourtant pas faute d'avoir annoncé la couleur, parlant notamment de « réduire significativement le time-to-market » des nouveaux produits et de ne lancer que des innovations en phase avec les attentes du marché.

Une multitude d'initiatives


Pour ce faire, Didier Lombard a alors imaginé un concept de « Technocentre », inspiré de celui de Renault à Guyancourt, associant R&D, marketing et spécialistes du lancement opérationnel. Créé en janvier 2006, sa direction est alors confiée à Georges Penalver, un transfuge de Sagem, avec pour objectif d'obtenir rapidement des résultats en termes d'innovation et de lancement de nouveaux produits.Une autre structure d'accompagnement, l'Explocentre, davantage tournée vers les usages et le design et dont la direction est confiée à Marc Fossier, un proche de Didier Lombard, vient compléter le dispositif. Un contexte dans lequel la R&D du groupe s'en trouve alors profondément réorganisée.

Un an plus tard, exit France Télécom R&D et place à une quinzaine d'« Orange Labs » répartie dans une dizaine de pays sur quatre continents. Et pour être plus « agile » encore, le groupe crée, fin 2007, Orange Vallée, une structure légère fonctionnant en mode start-up et dont la direction est confiée à Jean-Louis Constanza, un agitateur d'idées, ancien patron de Tele 2 France et de Ten, opérateur mobile virtuel précurseur en matière de messagerie et de navigation sur internet.

Des remises en cause pour absence de résultats


Alors que l'existence d'Orange Vallée ne semble pas remise en cause, du moins pour le moment, l'Explocentre a été discrètement dissout début 2009. Autant d'éléments qui montrent le flottement de la stratégie R&D de France Télécom au cours de ces dernières années. Témoin, Unik, un téléphone mobile, conçu au sein du Technocentre, dont le lancement, directement piloté par Didier Lombard, s'est avéré peu concluant. Ce mobile permettait d'utiliser indifféremment un réseau fixe ou cellulaire, se branchant soit sur le boîtier ADSL du domicile afin de passer des appels fixes ou via le GSM pour des appels en mobilité. Le concept reposait sur un protocole spécifique, l'UMA, que seul France Télécom mit en oeuvre dans l'hexagone. Les résultats commerciaux d'Unik - pourtant lancé à la grande époque de la « convergence » - s'avèreront très en deçà des ambitions initiales.

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En matière de convergence entre le fixe et le mobile, SFR pour sa part avait opté pour une géolocalisation du téléphone mobile afin de facturer dans certaines zones des tarifs différenciés lors des appels.  Finalement, l'Unik avait des petits airs de be-bop, ce premier téléphone sans fil, lancé par France Télécom et qui avait été totalement balayé par le démarrage du GSM.

Ce constat globalement sévère sur la R&D de France Téélcom est partagé par un ancien membre du comité exécutif : « le problème réside dans l'absence de priorités clairement définies dans un contexte où l'absence de gouvernance du groupe a nécessairement rejailli sur la R&D. Quoiqu'on en dise, tout cela est resté extrêmement confus, mal coordonné avec une répartition des tâches particulièrement floue ».Un jugement sévère corroboré par celui des syndicats qui dénonçaient alors un fonctionnement en mode « prestataire » aboutissant à transformer FT R&D en une sorte de SSII interne. Et un syndicaliste de lâcher un jour en comité d'entreprise : « l'Explocentre, c'est le CPE [NDLR :Contrat Premier Embauche, type de contrat de travail à destination des moins de 26 ans en 2006. La contestation d'une partie de la population avait fait reculer le pouvoir exécutif qui enterra cette réforme proposée par Jacques Chirac] de FT R&D ».

Autant dire que le dispositif imaginé par l'équipe dirigeante passait mal. Autre maladresse, l'intervention de Didier Lombard, en janvier 2009, à Lannion, le berceau du groupe en matière de R&D, pour qui « la pêche aux moules, c'est fini ! ». Une boutade prononcée sur un ton badin mais qui illustre un manque de focus autour de la stratégie R&D du groupe.

Vers une reprise des embauches dans la R&D


Didier Lombard est désormais remplacé par Stéphane Richard, la situation n'est pas apaisée pour autant. Seule certitude, les Orange Labs ont perdu plusieurs centaines de collaborateurs en France au cours de ces dernières années et emploient aujourd'hui environ 3 000 personnes au total, dont 800 à l'étranger, y compris les 450 collaborateurs du Technocentre.

Il s'agit d'une force de frappe non négligeable avec un budget correspondant de l'ordre de 900 millions d'euros par an à condition d'en faire bon usage. Peu disert sur le sujet, hormis quelques banalités d'usage, on ne connaît pas grand-chose des intentions de Stéphane Richard en matière de R&D. Seul signal adressé aux chercheurs par le nouveau directeur général, visitant le centre de Lannion, il a promis qu'il resterait le coeur de la R&D du groupe et que la R&D bénéficierait aussi d'une partie des 10 000 embauches promises sur trois ans en France.