La semaine dernière, Google.cn, dont les visiteurs étaient, depuis le mois de mars, automatiquement redirigés vers le site non censuré de Google sur Hong Kong, a retrouvé sa page d'accueil. Mais la page Google.cn, qui a maintenu un lien cliquable laissant aux utilisateurs la possibilité d'être orientés « manuellement » vers le site de Hong Kong, permet uniquement d'effectuer des recherches sur des produits, trouver de la musique en ligne, ou utiliser le service de traduction. 

Une volonté évidente de contenter les autorités chinoises

C'est Google qui a décidé d'offrir des services limités sur son site chinois, « ceux qu'elle peut proposer sans avoir à en censurer les résultats de recherche, » comme l'a indiqué une source au fait du dossier. « Une manière pour l'entreprise de trouver un équilibre entre les exigences du gouvernement chinois et sa politique déclarée de ne pas censurer les résultats sur Google.cn, » a encore commenté cette source, sous couvert d'anonymat. Ainsi, les visiteurs qui accèdent à la page Google.cn peuvent bien effectuer des requêtes générales sur le Web dans la zone de recherche, sauf que, lorsqu'ils cliquent sur le bouton « Rechercher », ils sont dirigés sur le site de Hong Kong où tous les résultats sont affichés. Le lien permettant de se rendre directement sur le site de Hong Kong sans avoir à inscrire un mot clef dans la boîte de recherche a été maintenu. Les utilisateurs peuvent également utiliser les moteurs de recherche spécialisés pour trouver de la musique ou des produits figurant sous le domaine Google.cn, sans être redirigé, de même qu'ils peuvent avoir accès au service de traduction en ligne.

Sur la route de Canossa

Le gouvernement chinois n'a pas exigé de Google qu'elle cesse de proposer des services de recherche généraux sur Google.cn pour lui accorder le renouvèlement de sa licence. « Google a unilatéralement décidé de stopper la redirection automatique vers le site de Hong Kong, » a indiqué la source. Le conflit remonte au mois de janvier de cette année, lorsque Google s'est plaint publiquement avoir été l'objet de nouvelles attaques malveillantes menées en décembre depuis le territoire chinois, lesquelles avaient mis à mal certains de ses systèmes et visé les comptes mail de défenseurs des droits de l'homme en Chine. À l'époque, Google avait déclaré que, en représailles, elle cesserait de censurer les résultats de recherche sur Google.cn, même si cela allait à l'encontre des exigences du gouvernement chinois et pouvait mettre fin à ses activités dans le pays.

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En mars, Google mettait sa décision à exécution en instaurant une redirection automatique de Google.cn vers le site de Hong Kong, tout en faisant valoir que, d'une part elle tenait sa promesse de ne pas censurer les contenus de son site chinois, mais qu'elle respectait aussi les lois du gouvernement de Pékin. Cependant, le mois dernier, alors que l'échéance du renouvellement de sa licence de fournisseur de contenu internet se rapprochait, le gouvernement chinois a spécifiquement fait savoir que la redirection automatique vers le site de Hong Kong représentait un problème potentiel. Google a entendu le message, rétablissant la page de Google.cn la semaine dernière, mais en proposant un nombre beaucoup plus limité de services. Vendredi dernier, le gouvernement chinois renouvelait sa licence. « Nous sommes très heureux que le gouvernement ait renouvelé notre licence FCI et nous sommes impatients de continuer à fournir à nos utilisateurs situés en Chine des services de recherche Internet et des produits locaux, » a déclaré Google dans un communiqué.

Des concessions pour refaire du business

Selon Ben Sargent, analyste pour la société d'études de marché Common Sense Advisory, « Google s'est bien sortie de cette controverse, ce qui va lui permettre de retirer dès maintenant des profits importants. » Ajoutant que « le renouvellement de licence résulte d'un compromis tactique qui, apparemment, satisfait aux exigences du gouvernement chinois et permet à Google de rester en Chine et d'y accomplir sa mission sans se dédire, » a t-il déclaré. « Si il devait s'avérer que Google a fait d'autres concessions au gouvernement chinois, cela pourrait être embarrassant. Mais si l'entreprise a obtenu sa licence simplement en concédant un clic supplémentaire pour accéder au site de Hong Kong, elle a plutôt démontré des talents d'habile négociateur, » a t-il dit. «  Mais la bataille n'est pas finie. Google s'attend à 5 ou 10 ans de conflits à mener pour le respect de la vie privée et les questions de censure en Chine, » a t-il ajouté.

Un pari sur l'avenir

Sauf que, en maintenant sa présence en Chine, Google peut ouvrir les marchés et s'adresser à  la nouvelle population en quête d'information et de consommation. «À long terme, Google risque de gagner une position considérable en Chine, » a t-il estimé. « En fin de compte, le gouvernement chinois va continuer à cibler Google jusqu'à ce que la bataille se déplace sur d'autres technologies et d'autres enjeux. Mais la Chine ne perdra pas Google, et Google ne perdra pas la Chine, » a conclu Ben Sargent.