Le Sénat voulait rééquilibrer le projet de loi dit Création et Internet : à l'issue des débats, les élus de la chambre haute ont adopté un texte finalement très proche de celui présenté par la ministre de la Culture, Christine Albanel. Exit donc l'idée de sanctionner les actes de téléchargement illégal par une amende, le principe de la suspension de l'abonnement a en effet été largement adopté par les édiles. En résumé, la loi prévoit la création d'une Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), composée d'un collège de neuf membres et d'une commission chargée de prendre des mesures réprimant le téléchargement illégal. Les internautes récalcitrants recevront un avertissement par courriel, suivi, si récidive dans les six mois, d'une seconde recommandation, éventuellement sous forme de lettre recommandée. Enfin, en cas de nouveau manquement dans l'année suivant le premier avis, la commission de l'Hadopi pourra suspendre l'abonnement à Internet pour une durée allant d'un mois à un an. C'est ce mécanisme qu'on désigne sous l'appellation de riposte graduée. Les accords de l'Elysée, un canevas fidèlement respecté Sur la question de la suspension de l'abonnement, les amendements déposés en préalable aux débats laissaient penser que les Sénateurs auraient pu préférer la mise en place d'une amende administrative, présentée par ses partisans comme moins discriminatoire qu'une coupure de l'accès à Internet. Cette hypothèse aura finalement fait long feu, les élus choisissant de se ranger massivement derrière les accords de l'Elysée, signés en décembre 2007 par de nombreux représentants de l'industrie culturelle, et prévoyant la mise en place de la riposte graduée ainsi que le développement de l'offre de téléchargement légal. Et de fait, ce texte sans portée juridique a servi de phare aux Sénateurs, gauche et droite confondues. « L'amende est injuste : soit elle est insignifiante, donc inefficace ; soit elle est sensible et l'on crée une inégalité selon la situation de fortune », a souligné Christine Albanel, présente lors des débats pour défendre son texte. Au final, 297 élus ont rejeté l'idée d'une sanction pécuniaire, contre 15 seulement qui se sont prononcés en faveur de cette mesure. Les FAI jugent la suspension de l'abonnement inapplicable [[page]] Parmi les objections à la suspension de l'abonnement, figurait notamment le risque de priver les internautes sanctionnés de téléphone et de télévision. Une crainte balayée par la ministre : « je redis qu'il est possible d'interrompre le seul accès à Internet dans le cadre des offres triple play ». Une certitude que ne partagent toutefois pas les FAI, comme nous l'a expliqué Dahlia Kownator, la déléguée générale de l'AFA (Association des fournisseurs d'accès et de services Internet) : « Certains FAI ne sont pas sûrs du tout de pouvoir mettre en oeuvre cette distinction entre accès au Web, téléphonie et télévision. Cela impliquerait de revoir toute l'architecture des réseaux. D'autres fournisseurs d'accès affirment que cela est possible sous réserve de développements longs et coûteux, de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros. Les FAI de l'AFA [DartyBox, SFR, Orange, Numericable, Telecom Italia (racheté par Free), NDLR] soulignent donc que la suspension de l'abonnement pose des problèmes techniques, qui contribueront par ailleurs à des traitements différents selon les internautes : au sein d'un même parc d'abonnés, ceux habitant dans une zone pourront être suspendus alors que d'autres, résidant ailleurs, resteront à l'abri. » Parmi les autres points de la loi examinée par les Sénateurs, la question du sursis à exécution en cas de recours revêtait également une grande importance. Mais, là encore, les Sénateurs ont suivi l'avis de Christine Albanel, qui estimait que « le caractère systématiquement suspensif affaiblirait l'autorité de l'Hadopi ». Même position pour le rapporteur du projet de loi au Sénat, Michel Thiollière : « si le recours est suspensif, quelle valeur pédagogique aura la procédure suivie ? »