Après le ministère de l'Ecologie et du développement durable en France, qui s'est vu remettre son rapport sur les TIC et le développement durable le 12 mars, c'est au tour de l'Union européenne de publier un document sur le sujet (*). Celui-ci, à l'instar du texte français, constate que malgré son impact négatif important et croissant sur l'environnement, le secteur des TIC est aussi l'un des meilleurs moyens de réduire les effets néfastes des autres industries. Il fait ainsi mention de la désormais célèbre proportion de 2% contre 98% : les TIC représentent 2% des émissions de carbone en Europe mais, en conséquence, les autres comptent pour 98%. Or, les TIC ont les moyens de réduire le volume représenté par ces 98%. Pour autant, elles doivent rester attentives à leur propre impact, à sa mesure et à sa réduction. La communication de la Commission liste un ensemble de propositions destinées aux TIC mais aussi aux autres secteurs afin qu'ils exploitent les TIC pour réduire leur empreinte écologique. Des objectifs pour le secteur des TIC, des actions avec les autres secteurs et le changement de comportement « Il s'agit de définir un cadre d'action qui installe clairement les TIC au coeur des moyens mis en oeuvre pour faire face aux crises actuelles. (...) La présente communication présente un ensemble de mesures ambitieuses centrées sur des objectifs pouvant être réalisés à court terme, à la fois par le secteur des TIC proprement dit et en exploitant pleinement l'effet catalyseur des TIC dans tous les secteurs de la société et de l'économie. Elle dessine les contours d'une recommandation que la Commission devrait adopter au second semestre de 2009, et qui énoncera les tâches, les objectifs et les délais impartis aux acteurs privés et aux États membres pour accélérer les progrès dans ce sens. » La commission propose d'ores et déjà trois volets de mesures. En premier lieu, elle souhaite que le secteur des TIC « fixe ses propres objectifs et s'accorde sur des méthodes de mesure communes » pour réduire à la fois sa consommation énergétique et son empreinte carbone. Les TIC représenteraient environ 7,8% de la consommation électrique de l'UE, une proportion qui pourrait atteindre 10,5% d'ici à 2020. Ensuite, l'Union compte encourager les partenariats entre les TIC et les autres secteurs gros consommateurs d'énergie afin d'évaluer comment les premiers peuvent efficacement aider les seconds. Enfin, les Etats membres sont invités à déployer des outils basés sur les TIC dans l'ensemble de l'UE pour provoquer un changement de comportement. S'appuyer sur les instruments juridiques existants pour réduire l'impact des TIC [[page]]Pour ce qui est de l'impact stricto sensu des TIC sur l'environnement, l'Union compte développer certains instruments juridiques existants comme la directive sur l'écoconception des produits consommateurs d'énergie, Energy Star ou le label écologique. Mais le rapport met davantage l'accent sur l'aide que le secteur peut apporter au reste de l'activité économique pour laquelle il peut mesurer la consommation énergétique et les émissions de carbone, récolter ces informations, les analyser et optimiser la performance en retour. Et l'UE veut même circonscrire cette action en incitant le secteur informatique à travailler plus particulièrement avec les deux gros consommateurs d'énergie que sont le bâtiment et les transports. Les TIC devraient permettre de réduire la quantité d'énergie nécessaire pour fournir un service donné : jusqu'à 17% de la consommation des bâtiments et jusqu'à 27% de celle des transports (Rapport Smart 2020). Les TIC pourraient réduire l'empreinte carbone des autres secteurs de 7,8 milliards de tonnes. Le bâtiment et les transports concernés au premier chef Le secteur du bâtiment représenterait 40% de la consommation finale d'énergie dans l'Union européenne. La régulation électronique de l'éclairage, les capteurs intelligents, les logiciels d'optimisation de la consommation sont autant d'outils qui peuvent, en effet, augmenter la performance énergétique des bâtiments. Mais le communiqué invite aussi les acteurs de ces marchés à élaborer une vision globale et systémique de cette dernière, prenant en compte aussi bien les nouveaux matériaux que l'électronique et l'informatique. La Directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) prévoit déjà un cadre général pour une méthode de calcul globale. Du côté des transports (26% de la consommation européenne d'énergie), la Commission évoque par exemple le déploiement de Systèmes de transport intelligents (ST) avec « des mesures spécifiques destinées à favoriser le transport modal » (corridors pour les marchandises, planification d'itinéraires multimodaux pour les personnes). Là encore, le partenariat entre ce secteur et celui des TIC sera favorisé. Les compteurs intelligents réduiraient de 10% la consommation énergétique [[page]]Le document s'arrête également sur l'utilisation de l'électronique et de l'informatique pour une mesure plus efficace de la consommation énergétique des ménages et des entreprises. Les compteurs intelligents, par exemple, répondent directement à cette question. Mais le rapport évoque aussi des environnements logiciels plus pointus capables d'estimer les performances énergétiques de systèmes dans leur ensemble (une ville, un réseau routier) et non uniquement de chacun des éléments qui les composent. Déjà exploités, les « compteurs intelligents » font l'objet d'un chapitre à part entière. Celui-ci cite les résultats d'une étude réalisée dans plusieurs Etats membres selon laquelle de tels équipements réduiraient de 10% au maximum la consommation énergétique. Pourtant, comme le rappelle le rapport européen, ces compteurs ne sont pas encore exploités au maximum de leurs possibilités. La plupart du temps, ils ne sont utilisés que pour récupérer des informations pour le consommateur ou le producteur. Il serait pourtant essentiel d'exploiter ces boîtiers intelligents pour réguler la consommation énergétique en fonction des données récoltées. Pour finir, ces équipements constituent les premiers noeuds de ce que seront les réseaux énergétiques intelligents. Essentiels pour une meilleure gestion de la consommation d'énergie, mais aussi, comme nous le signalait Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'Economie numérique, pour intégrer des énergies renouvelables dans ce réseau. Une consultation publique et une structure de travail Pour la Commission qui a rédigé ce document, l'utilisation des TIC pour réduire l'empreinte carbone et la consommation énergétique pourrait de plus, donner un drôle de pionnier à l'Europe. Comme elle le rappelle, « dans le cadre de la politique de cohésion 2007-2013, un montant approximatif de 86 milliards d'euros est prévu pour des investissements dans la R&D et l'innovation, comprenant l'utilisation et le développement technologique des TIC. » Les États membres seront donc « encouragés à utiliser ces fonds pour soutenir le développement de solutions TIC améliorant les performances énergétiques. » Parmi les premières actions qui vont suivre la publication de ce document, l'Union européenne a prévu une consultation publique (dont les modalités ne sont pas communiquées pour l'instant), la création d'une structure de travail pour atteindre les objectifs, la mise en place d'un portail Web européen d'information et un guide pratique pour les autorités régionales et locales.