Les opérateurs télécoms et autres FAI font payer à leurs clients le service d'accès à des serveurs distants via le réseau Internet. Mais, depuis peu, ces fournisseurs se demandent comment faire aussi payer les propriétaires de ces serveurs distants fournissant parfois des services forts lucratifs, tels que Google par exemple. Gagner des deux côtés au lieu d'un seul suppose de différencier les flux accédant aux services qui payent et ceux qui refusent de se plier à de telles exigences. Or cette différenciation des flux se ferait au détriment des clients qui désirent accéder librement aux services de leurs choix et qui, déjà, payent cet accès.

Si les petites associations militantes (notamment dans le logiciel libre) se sont largement élevées contre ce projet, c'est désormais aussi le cas du Cigref, le Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises.

Les adhérents du Cigref (dont Accor, Arcelor Mittal, Areva, Bouygues, SNCF, Société Générale, Total...) sont, de fait, autant clients des opérateurs que le particulier lambda mais disposent peut-être d'un peu plus d'arguments, eu égard à leur poids économique. Microsoft fut le premier fournisseur à devoir céder devant leur pression à l'époque de la mise en place de la Software Assurance. Depuis, les plus grands fournisseurs transnationaux ont dû apprendre l'humilité face à ces très grands clients. Cette entrée du Cigref dans la bataille de la neutralité du Net est donc tout sauf anodine. Notons, pour l'anecdote, que France Telecom, Bouygues Telecom et SFR SI sont adhérents du Cigref.

Une position de principe très forte


Le plus souvent, le Cigref lui-même est très diplomate dans son expression publique, veillant à ne pas trop fâcher ses fournisseurs avec qui il faut bien composer au quotidien. Cette fois, la force de sa position réside aussi dans le ton extrêmement impératif de sa communication, ton absolument inédit jusque là.

En sept points (cf illustration ci-dessous), l'association fusille les prétentions des opérateurs. Comme l'indique l'association, le « développement [d'Internet] doit s'effectuer dans des conditions qui garantissent la pérennité, l'homogénéité et l'universalité du réseau mondial. Un réseau doit traiter tous les contenus, sites et plateformes de la même manière. Tous les acteurs économiques doivent donc pouvoir accéder aux offres de services et Internet doit garantir le libre partage des connaissances, des savoirs et de l'information. C'est la garantie de l'attractivité et de la compétitivité de nos économies et de nos entreprises. »

C'est une prise de position de principe qui indique clairement, dans sa forme comme dans son fond, que la négociation n'est pas envisageable. Le deuxième point en appelle même aux mânes des origines du Capitalisme : « [Le Cigref] rappelle que, historiquement, le capitalisme marchand s'est développé par l'encouragement à la libre circulation des marchandises. La remise en cause de la neutralité du Net constituerait une entrave sérieuse à l'exercice des métiers des entreprises. »

Fort d'un poids politique certain, le Cigref en appelle même au gouvernement pour qu'il réagisse face aux prétentions déraisonnables des opérateurs.



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Illustration : Bruno Menard, président du Cigref
(crédit photo : vidéo IT News Info)