C'est sous le titre énigmatique « Web 2.0 - soirée live Silicon Valley » que l'Institut G9+ a proposé sa dernière conférence hier soir, aux Jardins de l'Innovation Orange à Issy-les-Moulineaux. L'association, qui fédère les clubs IT des grandes écoles, invitait cette fois à discuter, en visioconférence, avec des entrepreneurs de la Silicon Valley, impliqués notamment dans les nouveaux modes de financement. Etaient conviés, côté parisien, « 150 cadres supérieurs du secteur IT et une vingtaine d'élèves des options IT des Ecoles Centrales ». Luc Bretones (à droite sur la photo), représentant G9+ Centrales et Essec Business & Technologies (et contributeur régulier de notre blog Experts), a réussi, en tant que directeur d'unité chez Orange, à obtenir qu'Orange mette en place cette visioconférence entre deux centres de recherches. Cerise sur le gâteau, quelques innovations, dont un écran LCD présentant des images 3D bluffantes, étaient exposées au public. Thierry Bonhomme (debout sur la photo), directeur exécutif d'Orange Labs, a accepté de prononcer le discours d'ouverture et de participer aux débats, Georges Nahon, président de l'Orange Lab San Francisco, faisant de même de l'autre côté de l'Atlantique. Des gens à la pointe de l'innovation, donc, mais qui n'étaient guère aidés par la technique, la salle n'ayant droit qu'à une image basse définition agrandie - et donc floue - pour tenir sur grand écran. Comme on l'explique du côté de l'organisation : la salle n'est pas faite à l'origine pour la visioconférence, il était donc déjà exceptionnel de pouvoir se réunir là. Premier conseil : ne pas se focaliser sur les capitaux risqueurs La qualité de l'image n'a toutefois pas handicapé les échanges, pendant deux bonnes heures. Si Thierry Bonhomme et Georges Nahon se sont contentés de rappeler le contexte et les évolutions en cours (arrivée prochaine du très haut débit fixe et mobile, crise financière, diffusion du contenu télévisuel sur le Web, déclin voir arrêt des publications papier...), les entrepreneurs ont pu, de leur côté, exposer leurs projets et la façon dont ils voient les choses. Premier constat, face à des Isséens d'un jour plutôt inquiets des possibilités économiques dans l'industrie IT française, ces Français exilés ont totalement assimilé la culture américaine décomplexée. Ils ont ainsi souligné combien il est simple aux Etats-Unis d'embaucher et de licencier, ou comment les échecs peuvent y être valorisés. Ils ont également insisté sur les solutions de financement existant en-dehors des investisseurs traditionnels. Marc Dangeard, banquier d'affaires et fondateur de entrepreneurcommons.org : « Sur la dernière enquête Top 5000 Fastest Growing Companies [NDLR : les 5000 sociétés à la croissance la plus rapide, cf. le commentaire de M. Dangeard ci-dessous], seulement 3% étaient financées par des VC [venture capitalists, capitaux risqueurs]. Pour les autres, en moyenne, l'investissement initial n'était que de 25 000 dollars. Les VC ne sont qu'une toute petite partie de l'équation. Tant qu'à avoir une démarche proactive pour chercher de l'argent, le plus simple aujourd'hui est de trouver des clients. » Un créneau porteur : le prêt entre particuliers grâce à Internet [[page]] Il n'en reste pas moins qu'il faut un peu de financement au départ pour transformer une idée en business. Renaud Laplanche a expérimenté le problème lorsqu'il a lancé sa première société, TripleHop Technologies (vendue à Oracle en 2005). « J'utilisais ma carte de crédit, mais je me suis aperçu que le taux d'intérêt était de 18% ! Un ami m'a dit qu'à ce taux-là, il voulait bien me prêter l'argent. Cela a été le déclic. » Désormais, Renaud Laplanche dirige lendingclub.com, service d'intermédiation pour le prêt entre particuliers. « Lending Club compte plus de 20 000 prêteurs, plus de 60 000 emprunteurs, gère environ 21 millions de dollars pour un rendement de 10 à 12% par an. » Conseil : ne pas compter que sur la publicité en ligne Autre aspect du financement, le marché publicitaire se tend. A entendre les invités de cette soirée, les éditeurs de sites comptant uniquement sur ce type de revenus ont du souci à se faire. Pour Daniel Laury, fondateur et dirigeant de l'agence LSF Interactive, les investissements publicitaires diminuent non seulement parce que les entreprises ont réduit leurs budgets de communication, mais aussi parce qu'elles craignent que de toute façon les gens n'aient plus grand chose à dépenser. Du coup, indique encore Béatrice Tarka, cofondatrice et dirigeante de Mobissimo.com, « il y a un focus sur le retour sur investissement et une évolution vers le modèle à la performance », où l'annonceur ne se contente pas d'un coût pour mille (impressions de rétines), mais veut pouvoir mesurer concrètement le revenu généré par dollar de publicité dépensé. Crise financière aidant, sans doute, il aura donc été davantage question de financement que d'innovation ou de Web 2.0. Le plus pur représentant de l'esprit Web 2.0 n'était en fait pas français : John D. Bergeron a exposé la philosophie de Kiva, qui organise le prêt de particuliers de tous pays vers des pays en voie de développement, à taux zéro. Kiva, qui compte beaucoup sur le travail des volontaires et se rémunère grâce aux dons, traite 1 M$ de prêts tous les 10 jours. Une belle histoire de microfinance, donc, mais sachant qu'il s'agit d'un organisme à but non lucratif, ce n'est pas forcément l'exemple de société Web 2.0 ayant réussi que les participants étaient venus chercher.