Demain 25 février, le forum international Tech for Food tiendra sa troisième édition au coeur du Salon International de l'Agriculture 2009. Organisé par Jean-Paul Hébrard, rédacteur en chef du magazine Agriculture et Nouvelles Technologies, cette journée met en avant des initiatives internationales utilisant les nouvelles technologies en général, et les TIC en particulier, pour aider l'agriculture. En 2009, c'est l'Inde qui est l'invitée d'honneur de la manifestation. Il faut dire qu'au pays de la vache sacrée, la très numérique Bangalore n'est pas la seule région férue de technologie. « L'Inde est très en avance sur l'utilisation des technologies et ce, au plus près des agriculteurs, insiste l'organisateur du forum. Et comme elle a une équation alimentaire très difficile, il faut que l'information descende jusqu'à l'agriculteur de la façon la plus économique possible. » Pour cette raison entre autres, l'Inde a décidé il y a plusieurs années d'installer des centres de ressources Internet sur tout son territoire. Aujourd'hui, de nombreuses leçons peuvent être tirées des différentes expériences locales, qui viennent aussi bien du secteur privé que de l'administration. Et plusieurs d'entre elles seront présentées mercredi 25. Du téléphone mobile à la télédétection de surface Le professeur Kesavan de la Fondation Swaminathan évoquera par exemple les centres de connaissance destinés à diffuser un savoir agronomique de haut niveau et respectueux de l'environnement, à un coût très faible, sur Internet. Nokia Inde montrera lui, un portail de services mobiles spécifiquement destinés aux « utilisateurs des zones rurales des pays émergents » : cours des denrées, météo, informations sur les semences, etc. Autre initiative, eSagu - Sagu signifie « culture » en langue telugu - dispense aux agriculteurs, via Internet, des conseils d'experts personnalisés dans des délais appropriés pour les accompagner dans leur travail. En dehors de la péninsule indienne, l'organisation non gouvernementale malgache Apromo/L'Action compte former les paysans à la meilleure façon de préserver les récoltes une fois réalisées. Elle veut tout simplement installer des cadres numériques alimentés par clés USB dans les marchés ou les gares routières par exemple. Selon la FAO (Food and agriculture organization, organisation pour l'agriculture et l'alimentation au sein de l'ONU), près de 60% des récoltes seraient perdues faute d'un conditionnement approprié. Si comme ceux-là, nombre de projets ne font qu'utiliser ou détourner des techniques et des outils très simples qui existent déjà, d'autres s'appuient sur des technologies nettement plus sophistiquées. Ainsi, le programme Indien d'Observation de la Terre et le programme d'estimation de la production et de la surface de culture (CAPE) couplent les informations de terrain avec la télédétection de superficies de production par satellite et la modélisation du rendement. Plus étonnant, parce qu'un téléphone portable marche moins bien quand il pleut, certains chercheurs envisagent d'utiliser cette corrélation d'informations pour prévoir les précipitations... Vers des diplômes d'ingénieurs agronomes spécialisés en TIC [[page]]Autant de démarches glanées par Tech for Food qui ont inspiré plusieurs écoles d'agronomie au point qu'elles envisagent la création d'un diplôme spécialisé. Le Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques de Montpellier (SupAgro) devrait ainsi lancer, en partenariat avec l'Ecole des Mines d'Alès, un master d'ingénieur agronome-TIC. « L'Institut Lasalle Beauvais et l'université électronique de Manille ont aussi le projet d'un master 'Tech for Food', ajoute Jean-Paul Hébrard. A noter que dans ce rapprochement, c'est Manille qui apporte la compétence en électronique et Beauvais les connaissances en agronomie... » Toutes ces idées, Tech for Food les récolte, les compile depuis un peu plus de 6 ans. « Nous avons eu l'idée du colloque en 2002, raconte Jean-Paul Hébrard. A l'époque, 860 millions de personnes souffraient de la faim dans le monde et aujourd'hui, elles sont 940 millions. Or, les trois quarts sont des agriculteurs ! Pourtant, seuls 4% des fonds de l'ONU et d'autres organisations qui luttent contre la faim dans le monde vont à cette catégorie de population. » En dehors de ce premier argument, deux autres raisons ont poussé l'organisateur à créer le forum. Pour commencer, pour lui, les agriculteurs doivent aussi pouvoir continuer à vivre sur leurs terres et ne pas être contraints à l'exil comme souvent aujourd'hui. Enfin, il est légitime de les accompagner avec les nouvelles technologies. « Aujourd'hui, 15% de la planète seulement a accès à Internet mais la moitié a un téléphone mobile, note Jean-Paul Hébrard. Il suffit d'imaginer de nouveaux usages pour ce dernier. » Les satellites pour mener les troupeaux là où se trouve la nourriture Tech for Food a donc commencé avec un tour du monde virtuel des initiatives qui se développaient autour de cette idée. Le colloque ne promet pas que les nouvelles technologies résoudront la question de la faim dans le monde, mais il a pour objectif le partage des bonnes pratiques dans le domaine de la collaboration entre agriculture et TIC. Parmi les démarches identifiées avant 2008, on trouve celle de l'ONG Action contre la faim en Espagne. Elle teste l'utilisation des images satellites pour guider les touaregs et les peuls au Mali. Les nomades s'orientent ainsi directement vers les zones de pâturage qui correspondent le mieux à la taille de leur troupeau. Les informations sont envoyées par les chambres d'agriculture, ce qui évite aux éleveurs maliens de trop marcher vers des endroits où ils ne trouveront pas suffisamment de nourriture pour leurs animaux, de voir mourir ces derniers sur le trajet et finalement d'en perdre jusqu'à 80% à l'arrivée. Ailleurs, c'est le téléphone mobile qui affiche le prix des céréales et permet aux agriculteurs de mieux négocier avec les intermédiaires. « En Afrique de l'Ouest, par ce simple moyen, les revenus liés à la production du riz ont augmenté de près de 20% en un an, raconte Jean-Paul Hébrard. » Un réseau social au service des technologies contre la faim L'initiative de Jean-Paul Hébrard est, selon ses propres termes, une fusée à trois étages. Le premier est le forum destiné à faire venir les acteurs et à partager les informations. Le second devrait prendre la forme d'une charte de partage des bonnes pratiques. Enfin, l'organisateur de Tech for Food aimerait lancer une plateforme e-TechForFood de rencontre entre des besoins identifiés et des personnes ou des sociétés capables d'y répondre. Une sorte de réseau social au service des technologies contre la faim. Il attend seulement de trouver un acteur avec la puissance de feu suffisante pour concrétiser sa dernière idée.