L'offre d'achat « amicale » de Microsoft sur Yahoo n'est plus. Microsoft a retiré le 3 mai son offre, qu'il avait surélevée dans un dernier sursaut à 33 dollars par action - valorisant Yahoo à près de 50 milliards de dollars. Dans une lettre ouverte à Jerry Yang, le patron de Yahoo, Steve Ballmer, patron de Microsoft, remercie les dirigeants de Yahoo pour l'attention qu'ils ont portée à son offre (l'un des buts d'une offre d'achat est d'ailleurs justement de distraire le conseil d'administration), et les met en garde contre une alliance avec Google - pour le propre bien de Yahoo. Cela renforcerait encore le poids du numéro un des moteurs de recherche, avance Steve Ballmer, au détriment de Yahoo, qui y perdrait du business mais aussi des « ingénieurs talentueux » qui ne verraient plus d'intérêt à travailler dans ce cas pour Yahoo. En outre, cela créerait des soucis du point de vue des autorités de régulation de la concurrence, dont « aucun acheteur » ne voudrait hériter. Façon de préciser, sans avoir l'air d'y toucher, que Yahoo n'a aucun avenir en tant que société indépendante. Les analystes boursiers s'attendent d'ailleurs à ce que les actionnaires manifestent aujourd'hui leur mécontentement d'avoir vu cette offre à près de 50 milliards retoquée par le management de Yahoo. Google grand vainqueur du dénouement actuel Cette lettre de Steve Ballmer à Jerry Yang marque la fin de la première saison du feuilleton Microsoft-Yahoo. Mais, à l'image des Feux de l'amour dont cette saga se révèle digne, ce n'est peut-être pas la fin de l'histoire. L'OPA lancée par le géant de Redmond sur le pionner de la recherche en ligne - pour la modique somme de 44,6 Md$ - date déjà de janvier dernier. [[page]] Depuis le lancement de cette offre d'achat, Yahoo a déployé toute une panoplie de subterfuges pour échapper à son potentiel acquéreur, en faisant par exemple appel à ses actionnaires (dont il a en partie reçu le soutien), en blindant les conditions de départ de ses salariés en cas de réussite de l'OPA ou encore en se rapprochant d'AOL et même de Google. Yahoo a en effet décidé de prolonger le partenariat qui le lie au grand rival de Microsoft, en continuant de tester le service de publicité en ligne AdSense. Google peut d'ailleurs se frotter les mains. Après l'annonce de l'OPA, le moteur de recherche s'était en effet offusqué de l'éventualité d'un rapprochement entre Microsoft et Yahoo. Ironie du sort, c'est Microsoft lui-même qui avait fait mine de rassurer Google. Et depuis le 9 avril dernier, Yahoo a noué un partenariat avec ce même Google. Le moteur de recherche pantagruélique a de quoi se gargariser : il reste numéro incontesté de son marché, et Yahoo apparaît affaibli aux yeux du marché. Jerry Yang décidé à obtenir plus de Microsoft Les discussions ont pourtant failli prendre une bonne tournure entre Microsoft et Yahoo. Des dirigeants des deux sociétés se sont en effet rencontrés à deux reprises au courant du mois de mars. Les préliminaires n'ont toutefois rien donné. Au début du mois d'avril, Steve Ballmer, PDG de Microsoft, a décidé d'accélérer la cadence en lançant un ultimatum : si Yahoo s'obstine dans son refus, Microsoft s'adressera directement aux actionnaires du portail, s'engageant ainsi dans un véritable « proxy fight » (bataille de mandats). Ce mécanisme stratégique consiste à obtenir les procurations des actionnaires de l'entreprise cible afin de peser davantage lors des votes en assemblée générale, en modifiant la composition du conseil d'administration. Outré, Jerry Yang, PDG de Yahoo, a répondu du tac au tac à Steve Ballmer, en lui adressant une lettre dans laquelle il précisait qu'il ne bougerait pas d'un pouce : « Nous ne sommes pas opposés à une transaction avec Microsoft, mais uniquement si elle se fait dans l'intérêt de nos actionnaires. » Un message clair : Microsoft sous-estime la valeur de Yahoo, et s'il veut mettre la main sur la société, il devra débourser quelques milliards de dollars de plus. [[page]] Et comme pour mieux étayer cette affirmation de « sous-évaluation de la société », Yahoo a publié mardi 22 avril des résultats trimestriels déroutant les prédictions des analystes : chiffre d'affaires en hausse de 9%, à 1,818 Md$, bénéfice qui bondit de 142 à 542 M$. Dans un premier temps, Microsoft a décidé de rester de marbre, et de ne pas relever son offre. Lors d'une conférence à Milan, Steve Ballmer a expliqué que le tarif proposé ne changerait pas. Et pour mieux enfoncer le clou, Microsoft a reçu l'appui de Ruppert Murdoch, le patron du géant des médias News Corp. Pour les analystes, le mariage Microsoft-Yahoo devait se faire L'ultimatum de Microsoft a donc expiré le samedi 26 avril, sans aboutir. Les deux parties n'ont pas trouvé d'entente et se sont murées dans le silence. Dans un dernier sursaut, Microsoft a toutefois renchéri le prix de l'action à 33 $, le 1er mai dernier (selon le Wall Street Journal). Deux jours après, le géant de Redmond jetait l'éponge. Il y a un an, des analystes estimaient qu'un rapprochement entre Microsoft et Yahoo ne pouvait être que bénéfique au marché. Plus récemment, ce sont 22 analystes sur 25 (interrogés par Reuters) qui affirmaient que tôt ou tard, le mariage se ferait. Les derniers événements semblent leur donner tort. Toutefois, l'expérience des multiples rachats d'Oracle montre que même après une première saison d'un feuilleton aussi riche en rebondissements, les saisons suivantes aboutissent au même dénouement : départ des dirigeants intransigeants et acceptation de l'offre par le nouveau management au nom des actionnaires.