De Patrick Bertrand, le très carré président de l'Afdel (Association française des éditeurs de logiciels) sont venus plusieurs rappels sur l'activité déployée en 2010 par l'organisation, renforcée par 60 nouveaux adhérents, parmi lesquels Sage, ESI Group et Isagri tout récemment, ce qui porte le total de ses membres à 230. « Une adhésion dont le retour sur investissement n'est plus à démontrer », devait lancer un président très en verve après le rappel de tous les services lancés par son association.

Versant débat public, Patrick Bertrand devait rappeler la procédure du grand emprunt qui a permis à l'Afdel de travailler aux côtés du Commissariat général à l'investissement dont les appels à projets peuvent intéresser  ses adhérents.  L'association  a également « planché »  aussi bien sur des revendications, comme la taxe professionnelle, que sur des projets, comme le cloud  avec l'édition d'un Livre Blanc, ou bien encore sur la neutralité du Net. Mention particulière pour le cloud qui a de fortes implications pour les éditeurs, un impact sur leurs développements de logiciels, leurs formes de vente et la composition de leurs résultats financiers (à un chiffre d'affaires immédiat succède un revenu étalé dans le temps).

Statut de la JEI : sa réforme fragilise 2 000 entreprises

L'évocation du statut de la Jeune entreprise innovante (JEI), révisé par l'adoption en décembre de la Loi de Finances 2011, a donné l'occasion à Patrick Bertrand d'insister sur plusieurs points. De souligner d'abord que dans tous les pays, l'idée est acceptée que les TIC favorisent une croissance élevée. De rappeler qu'en France, 70% des créations emplois viennent des PME. « Dès lors, comment peut-on raboter les PME et l'innovation en France ?  Comment peut-on abroger une règle ? Ce qui est engagé doit être mené à bien, sans méconnaître les éléments nécessaires » (sous-entendu les contraintes de réduction de budget). La réforme du statut de la JEI fragilise 2 000 entreprises innovantes ».


Patrick Bertrand, président de l'Afdel
(crédit photos : Stéphane Lagoutte)

En six ans, l'Afdel estime avoir dynamisé son secteur. Il lui faut maintenant réfléchir aux nouveaux enjeux, les approfondir, créer des éco-systèmes, revoir la chaîne de valeur et rassembler encore pour mieux peser sur les pouvoirs publics et sur l'échéance de 2012. Un ou deux rapprochements (« de bonnes nouvelles pour nous, de mauvaises pour d'autres ») devraient conforter la dynamique de l'association. Une dynamique soulignée à plusieurs reprises par l'acteur n°1 du secteur en France, Bernard Charlès, CEO de Dassault Systèmes qui a dressé plusieurs observations.[[page]]

Bernard Charlès, PDG de Dassault Systèmes
(crédit photos : Stéphane Lagoutte)

Les 5 idées du PDG de Dassault Systèmes

1ère observation : « on a tendance à séparer les logiciels et l'Internet, ils vont se rapprocher, former un seul secteur, avec l'essor des infrastructures très haut débit ». Bernard Charlès souligne au passage le rôle des centrales numériques (dont il est prêt à être actionnaire minoritaire) que l'Afdel réclame, elles joueront un véritable rôle de souveraineté économique en garantissant la sécurité et l'intégrité des données.

2ème idée, « le logiciel n'est limité que par notre imagination. A la fin, ce qui compte, c'est le niveau de services que l'on offre. Le logiciel est donc un élément majeur de transformation de l'économie et des processus d'innovation ».

3ème idée, on ne peut plus parler des pays émergents mais des  « pays en forte croissance ». Finie l'idée de pays à bas coûts salariaux, ils ont une foi incroyable dans l'avenir et dans les grands projets ». Et leur industrie est dans une logique d'autonomisation et non plus de sous-traitance. « La notion de coûts du travail nous empêche de voir leurs efforts d'automatisation et d 'industrialisation ».

4ème idée, l'importance du numérique pour toute transformation. La virtualisation des finances a transformé la finance, la virtualisation des services va changer de la même manière les services et une partie de l'économie. « Nous aurons des conséquences sur la valeur finale de nos offres et la manière dont nous les proposons ».

5ème idée, Bernard Charlès déplore les retards pris sur trois dossiers. La propriété intellectuelle et les brevets (leur dépôt coûte 10 fois plus cher qu'aux Etats-Unis), sujet où 23 des 27 pays européens sont pourtant d'accord. Le scandale du Small Business Act (SBA), où l'accord est général mais la traduction dans les pratiques administratives françaises encore à venir. Les dossiers fiscaux enfin (TVA, impôt sur les sociétés, publicité) forment trois autres sujets douloureux.

Les « cost killer» de l'Etat critiqués

Pour sa part, Pierre Gattaz, président de la FIEEC, à laquelle adhère l'Afdel, mentionne plusieurs points. D'abord, la pratique  du « bottom up » (du bas vers le haut ) qu'il a retrouvé dans les Etats généraux de l'industrie, lancés à l'automne par le ministère du même nom. Elle va dans le bon sens, Ensuite, la pratique, nouvelle pour les entreprises IT, de « chasser en meute » c'est-à-dire de se rassembler, comme l'ont fait l'Afdel avec la FIEEC, ou la FIEEC avec le Pacte PME et le comité Richelieu.  

Pierre Gattaz a également repris l'idée, qui est loin de s'être imposé, de procéder aux réductions d'achat par l'innovation. Il estime que l'Etat français utilise des spécialistes qui cherchent à réduire la dépense des ministères, sans voir plus loin (« comme des acheteurs de la grande distribution »). En Allemagne, ces « cost killer » de l'Etat demandent aux prestataires informatiques d'évoluer, d'innover, de réduire leurs coûts par ce biais plutôt que par des réductions brutales de leurs factures. Enfin, il n'a pas manqué de raviver le slogan de Laurence Parisot, celui du « besoin d'air » que l'on peut traduire par la nécessite de simplifier la règlementation.


Pierre Gattaz, président de la FIEEC
(crédit photos : Stéphane Lagoutte)

Illustration d'ouverture : Patrick Bertrand, président de l'Afdel