Déjà intégré à Teams, Zoom et Google Meet, Otter.ai vient de présenter une suite pour les entreprises, destinée à optimiser la capture, l’organisation et l’exploitation des conversations de réunion. Dans un communiqué, la société souligne qu’« en l’absence de référentiel centralisé, des informations précieuses ne sont pas exploitées ». Otter transforme les échanges en « une base de connaissances d’entreprise qui évolue avec la croissance de la société ». « Ce qui a commencé comme une application grand public est devenu un outil professionnel », rappelle Sam Liang, CEO et co-fondateur d'Otter. « Nous devenons un acteur B2B à part entière. »
La suite présentée comprend une API ouverte pour créer des intégrations sur mesure avec Jira, HubSpot, Salesforce ou Asana. La plateforme automatise les actions issues des réunions, comme l’envoi d’emails de suivi ou la création de tâches et de tickets dans Zendesk ou ServiceNow. Elle intègre aussi un agent IA qui analyse les notes et présentations de l’entreprise pour en extraire les informations clés et générer des résumés automatiquement. Les tableaux de bord offrent enfin une vue claire des tendances, sentiments et mots-clés stratégiques, donnant aux équipes commerciales une visibilité immédiate sur objections, blocages ou concurrents évoqués et leur garantissant d’ajuster leur suivi en temps réel.
Les tableaux de bord offrent une vue claire des tendances, des objections et des concurrents évoqués, aidant les équipes commerciales à ajuster leur suivi en temps réel. (Crédit: Otter)
Limites des outils IA
Ces fonctions ne sont pas sans zones d’ombre. Pour Thomas Randall, analyste chez Info-Tech Research Group, la course à la productivité prend souvent de vitesse les exigences de gouvernance et de fiabilité. Les hallucinations demeurent « une caractéristique structurelle » de ces systèmes, et leur usage reste limité par l’absence de connaissance tacite propre aux équipes humaines. Résultat : ces outils reflètent l’entreprise telle qu’elle est réellement, non celle qu’elle prétend être.
De son côté, Johannes Ullrich, doyen de la recherche au SANS Technology Institute, observe que l'outil suit la tendance des éditeurs qui branchent leurs agents IA sur les données métiers pour automatiser ventes, support et relation client. Une approche ambitieuse mais risquée. « Une fois les données importées, il devient très difficile de mettre en place un véritable contrôle d’accès », prévient-il. L’expert évoque même la possibilité d'injection de prompts garantissant à un utilisateur de contourner les protections et d’accéder à des informations sensibles, comme des conditions commerciales négociées avec d’autres clients. Par ailleurs, Thomas Randall met en garde contre la confiance aveugle : sans recul critique, notamment chez les employés récemment embauchés, les réponses de l’IA peuvent être prises au pied de la lettre. Pour réduire ce risque, il appelle à plus de transparence, une supervision humaine active et des cadres de responsabilité distribués.
Audit et supervision des agents IA en entreprise
Pour Adam Preset, vice-président analyste au Gartner Digital Workplace, la stratégie d’Otter.ai s’inscrit dans une évolution naturelle du marché. « Faire des réunions le centre de la collaboration d’entreprise, c’est une évolution logique », reconnaît-il. Mais les réunions ne représentent qu’un fragment du travail collectif, et en faire la fondation du système d’information crée des risques. Plus l’intégration est profonde, plus les entreprises doivent auditer l’authentification, les autorisations et le traitement des données, et éviter de s’en remettre uniquement aux promesses marketing. « Faites confiance, mais vérifiez », insiste-t-il.
Adam Preset appelle aussi à la prudence sur les contenus générés par l’IA. Un résumé erroné transmis à un client engage la responsabilité directe de l’entreprise, d’où la nécessité d’une validation humaine systématique avant diffusion externe. Il rappelle qu’Otter fournit un éclairage utile sur les échanges, mais ne doit en aucun cas devenir le centre névralgique du système d’information. Les CRM ou outils de gestion contractuelle restent les sources autorisées dans leurs domaines. « Les entreprises doivent se méfier des éditeurs qui veulent faire de leur plateforme la plaque tournante de tout le travail », avertit-il. Pour lui, la clé d’une adoption réussie repose sur des cas d’usage clairs, l’implication des équipes IT, juridiques et sécurité, et une vérification rigoureuse des engagements du fournisseur.