En accord avec les standards d'applications web, SharePoint 2013 vise à simplifier et à rendre la création et le déploiement d'applications plus souple et plus sûr, aussi bien pour les versions sur site que SaaS. Pour les 700 000 développeurs recensés de SharePoint, cette sorte de nouvel ordre mondial est considéré comme source d'opportunités intéressantes. Mais la refonte soulève également des inquiétudes. Notamment, le futur modèle demande moins de compétences et de connaissances pour développer des applications SharePoint. En théorie, toute personne capable de construire une application web standard pourra désormais développer pour SharePoint, et il n'est plus nécessaire de savoir créer du code SharePoint spécifique côté client ou côté serveur.

La concurrence pourrait donc devenir plus rude entre les développeurs de logiciels pour SharePoint. Le marché concerné est énorme puisqu'on dénombre 135 millions d'utilisateurs finaux de SharePoint dans le monde. En plus de la démocratisation de la plate-forme, Microsoft va ouvrir une boutique d'applications où les développeurs pourront proposer et vendre, s'ils le souhaitent, leurs logiciels. L'édition 2013 de la suite Office fonctionne également selon ces modalités. Pour SharePoint, c'est un grand changement par rapport à l'approche traditionnelle de vente de logiciels d'entreprise. Dans l'ancien modèle,  il s'agissait de créer des applications personnalisées pour les clients ou de vendre des licences pour des applications prêtes à l'emploi, soit en direct soit via des intégrateurs.

Des éditeurs prêts à utiliser la boutique SharePoint

Quest Software, un fournisseur de solutions SharePoint indépendant, récemment acquis par Dell, fait partie du groupe de développeurs ayant travaillé avec Microsoft pour créer une première série d'applications SharePoint 2013. « Nous sommes comme des pionniers débarquant dans un territoire vierge », a déclaré Chris McNulty, responsable de l'activité SharePoint au sein de la division Quest de Dell. Il se réjouit vraiment de ce nouveau modèle, mais il se demande quelles applications SharePoint choisir parmi la vingtaine que peut proposer Quest, pour la nouvelle boutique d'applications. Il ne comprend pas encore très bien si la plate-forme de vente en ligne offrira essentiellement des outils pour les salariés, ou des applications traditionnelles pour les entreprises, ou les deux. « Nous devons identifier quelles applications il convient de proposer dans la boutique »,  a-t-il déclaré. « Je ne suis pas sûr que cette boutique soit le lieu idéal pour proposer toutes les applications que nous développons ». Après la conférence SharePoint 2012 qui s'est tenue récemment à Las Vegas, Chris McNulty s'était entretenu avec plusieurs éditeurs de logiciels et tous étaient d'accord pour dire qu'« aucun ne voulait se retrouver à vendre un produit à 15 000 dollars dans une boutique d'applications en ligne inondée d'applications entre 5 et 10 dollars », a-t-il raconté.

Microsoft ne va pas obliger les développeurs à vendre leurs applications SharePoint 2013 dans sa boutique en ligne. Ceux-ci pourront les afficher dans la boutique et rediriger l'acheteur potentiel vers leur propre site web, ou ils pourront tout simplement les commercialiser de façon indépendante. Microsoft veut également conserver le modèle existant de développement des applications. « Il restera là. Nous ne pensons pas le supprimer. Il est donc toujours possible de l'utiliser et nous l'avons même étendu dans certains cas », a déclaré Richard Riley, directeur de Microsoft SharePoint. « Mais nous proposons maintenant une nouvelle approche, entièrement basée sur le web ».

Des outils web plus faciles à utiliser

Nintex, qui développe des applications SharePoint depuis environ 10 ans, a également travaillé avec Microsoft sur une première série d'applications basée sur le nouveau modèle de développement. L'éditeur est très emballé parce que son application Nintex Workflow ne fonctionnera pas seulement avec la version SharePoint sur site, mais aussi avec SharePoint en ligne. « Je me réjouis de l'avènement de ce nouveau modèle. Cela nous offre beaucoup plus de choix », a déclaré Mike Fitzmaurice, vice-président de la technologie chez Nintex. Jusque-là, l'éditeur n'avait même pas essayé de porter son application pour SharePoint Online parce qu'il trouvait la plate-forme de développement « terriblement limitée ».

Les développeurs travaillant dans des entreprises se sont également déplacés à la conférence SharePoint 2012 pour mieux comprendre le nouveau modèle de développement. Lorie Hobart, ingénieur systèmes chez Wells Fargo, a déclaré que son département, en charge des installations physiques de la banque - bâtiments et bureaux - a récemment migré vers SharePoint 2010, mais s'intéresse à ce que pourrait apporter la nouvelle version. « Mon groupe voudrait créer son propre environnement SharePoint pour mieux profiter de ce qui est disponible et développer davantage d'applications conviviales », a déclaré Lorie Hobart. « Par exemple, nous aimerions créer un entrepôt de données pour les données internes de SAP et d'autres applications dédiées, dans lequel les utilisateurs finaux pourraient puiser directement depuis Excel et SharePoint », a-t-elle ajouté.

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Kaveh Eshghi, développeur .Net chez Black Ninja Software, également présent à la conférence, a le sentiment que, dans le nouveau modèle, le développement et le déploiement sont devenus plus faciles. Mais il ne sait pas encore si ce modèle est adapté à son entreprise. « Jusqu'à présent, on nous a surtout montré des applications vraiment simples, mais que se passera-t-il dans des situations plus compliquées ? Est-ce qu'elles seront correctement prises en charge ? », s'est-il demandé. « La plupart des choses sur lesquelles nous travaillons sont plus avancées et plus difficiles ». Au mois de juillet dernier, Microsoft avait abordé cette question dans un blog, disant que « les nouveaux modèles ne seraient pas nécessairement capables de faire tout ce que faisaient les modèles précédents, et qu'il ne sera pas possible de transférer un grand nombre de solutions sur les nouveaux modèles. C'est une des nombreuses raisons pour lesquelles nous continuerons à supporter les solutions existantes », avait justifié Microsoft. Kaveh Eshghi espère que l'App Store ne sera pas « saturé » avec des tas d'applications du type widgets, qui noient les applications d'entreprise et les rendent difficiles à trouver.

Greg Moser, architecte SharePoint chez Magenic Technologies a aussi assisté à la conférence Sharepoint 2012 pour se familiariser avec le nouveau modèle de développement d'applications. Selon lui, son entreprise qui développe des applications SharePoint personnalisées pour ses clients aura besoin d'un temps d'apprentissage. « C'est un grand changement pour les développeurs SharePoint traditionnels, habitués aux outils côté serveur », a-t-il déclaré. Magenic Technologies devra déterminer dans quelle mesure le nouveau modèle s'intégrera à son activité et à ses objectifs, et répondra aux besoins de ses clients. « Il y a pas mal d'inconnues, mais c'est passionnant, et l'offre n'est pas incongrue aujourd'hui du fait que Microsoft et de nombreux autres fournisseurs de logiciels mettent l'accent sur le cloud », a-t-il ajouté. L'entreprise de Greg Moser ne vend pas d'applications dédiées, « mais la boutique en ligne pourrait l'orienter dans cette direction, en lui donnant accès à un marché potentiellement très important et à de nouvelles sources de revenus », a-t-il dit. « Je suis sûr que c'est quelque chose que les dirigeants de l'entreprise envisagent », a déclaré l'architecte SharePoint.

Quest va proposer Social Hub pour SharePoint 2013

Chris McNulty de Quest fait un constat similaire. Même si Quest estime que la boutique  SharePoint n'est pas forcément un bon moyen pour vendre des applications existantes, l'entreprise pourrait utiliser cette plate-forme pour s'introduire dans de nouveaux marchés, et créer de nouvelles applications en fonction de la demande et du type de clients. Selon Chris McNulty, ces deux éléments sont appelés à évoluer à mesure que la boutique en ligne va se développer. « Le marché va créer sa propre demande et nous devons coller à cette évolution », a-t-il convenu. La première application que Quest va proposer dans la boutique de SharePoint 2013 est toute nouvelle et s'appelle Social Hub. Elle permet d'intégrer le contenu des médias sociaux et des flux de services comme LinkedIn et Twitter dans SharePoint. « Nous avons appris beaucoup de choses sur le nouveau modèle d'application en développant Social Hub », a-t-il déclaré.

Maintenant que le modèle de développement d'applications de SharePoint est basé sur les technologies standards du Web comme le HTML, CSS3, JavaScript et REST, la plate-forme suscite l'intérêt de nouveaux fournisseurs de solutions indépendants. C'est le cas par exemple d'HelloFax, une start-up basée à San Francisco, qui a spécialement développé des versions de son application e-fax et de signature électronique pour SharePoint 2013, ce qu'elle n'aurait pas fait pour les éditions précédentes du produit de Microsoft. « Il n'y a pas de développeur SharePoint chez nous. Aucun de nos développeurs n'a de certification Microsoft d'aucune sorte », a déclaré Joel Andren, responsable du développement commercial et du marketing chez HelloFax. Il a fallu moins de trois semaines à HelloFax pour adapter ses applications pour SharePoint 2013 : il a tout fait en JavaScript. « Nous n'aurions jamais développé d'application SharePoint avec l'ancien framework », a-t-il ajouté. « Des applications qui, jusqu'ici, s'adressaient principalement à des « prosumers » - des utilisateurs semi-professionnels - pourraient désormais très bien intéresser une clientèle d'entreprise », a estimé Joel Andren. « L'App Store SharePoint va nous donner accès à un autre public susceptible d'utiliser nos services », a-t-il ajouté.