Teratec tiendra les 1er et 2 juillet son 9ème Forum consacré au calcul haute performance et à la simulation numérique, sur le site de l'Ecole Polytechnique de Palaiseau. Celui-ci traitera notamment de la diversification des cas d'usage de ces technologies dans le paysage industriel, qui s'étend aux ETI et aux PME. « Le monde du big data en particulier relève vraiment du HPC (High Performance Computing) », citait hier en exemple Gérard Roucairol, Président de Teratec. « Il y a de nouvelles générations de logiciels à mettre en place. Il faut ensuite ensemencer ce marché avec des actions pionnières dans les domaines de la santé, de l'agro-alimentaire, des systèmes urbains, de la simulation des matériaux ou du multimédia », a-t-il exposé lors d'une visite organisée sur le campus de l'association, installé face au TGCC, le très grand centre de calcul du CEA, situé à Bruyères-le-Châtel, dans l'Essonne.

Le Forum Teratec présentera les projets les plus avancés, ainsi que le Plan Supercalculateurs. Ce dernier s'inscrit dans les 34 plans de reconquête industrielle de l'Etat. Il a été exposé le 7 mai dernier au Président de la République par Gérard Roucairol qui en est le chef de projet. « Nous sommes face à deux ruptures majeures, l'une technologique et l'autre commerciale, et c'est une période bénie de ce point de vue-là. Si vous pouvez saisir les opportunités, vous pouvez changer le monde », a rappelé hier le président de Teratec. La rupture technologique, post loi de Moore, est amenée par les technologies multicoeurs et le parallélisme qu'il faut parvenir à maîtriser. Sur le terrain commercial, l'accès aux moyens de calcul via le cloud va généraliser les usages. Aujourd'hui, les grandes applications de la simulation, dans les secteurs de l'industrie, de l'automobile, de l'aéronautique, etc. et de la recherche fondamentale représentent 80% de l'utilisation de ces technologies . « Dans dix ans ce sera l'inverse et ce seront les nouvelles applications qui vont tirer le marché, d'où le Plan Supercalculateurs », a expliqué Gérard Roucairol. 

La France, l'un des rares pays en Europe à disposer de compétences HPC

Des initiatives sectorielles sont engagées, dans le domaine de la santé, pour personnaliser les thérapies, dans celui de l'agro-alimentaire et du végétal, pour modéliser le cycle de vie complet des plantes et prévoir les rendements, dans la simulation de nouveaux matériaux, pour prévoir leur vieillissement avant même qu'ils n'existent, dans la gouvernance des systèmes urbains, et jusqu'aux images de synthèse des applications multimédia dont les besoins en puissance de calcul ne cessent d'augmenter. Quant aux industries manufacturières qui font partie des utilisateurs traditionnels du calcul haute performance, il leur faut maintenant changer d'échelle pour passer à une simulation et à une optimisation globales. « Il faut ensuite diffuser ces capacités dans l'industrie », a redit Gérard Roucairol en imaginant avec un sourire, pour illustrer la ramification des usages, que le coutelier de Thiers devrait pouvoir lui aussi utiliser des outils de simulation.

« Ce qui nous intéresse, c'est aussi cela, de pouvoir atteindre des utilisateurs qui n'ont pas l'habitude d'accéder à ces technologies ». D'où l'importance de l'axe formation du Plan Supercalculateurs. Dernier point abordé : l'importance de maîtriser les technologies futures, l'Extreme computing et ses supercalculateurs exaflopiques. « Nous pensons que des entreprises étrangères vont être intéressées, et vouloir s'installer en France », a ajouté Gérard Roucairol en indiquant qu'il n'y avait que quelques pays dans le monde capables d'intervenir dans le HPC et la simulation numérique. En dehors des Etats-Unis, de la Chine et du Japon, la France est parmi les premières en Europe, sans doute même la seule, à disposer des compétences sur ces métiers. 


Le supercalculateur Airain exploité dans le CCRT du CEA. (crédit : LMI)

La puissance de calcul, un atout concurrentiel

L'objectif de Teratec, qui s'est créé en 2005 et compte aujourd'hui 86 membres, est en particulier de mettre les ressources du calcul haute performance au service de la compétitivité des entreprises en France et en Europe. Le campus que l'organisation a installé et le TGCC du CEA constituent ensemble la technopôle Teratec. Près du « computing center », deux bâtiments (un 3ème est prévu) accueillent des fournisseurs de technologie, comme Bull qui dispose sur place depuis 2005 d'une équipe de R&D et de support à ses supercalculateurs exploités par le CEA, ou comme les éditeurs de logiciels de simulation numérique et d'outils de prototypage virtuel Distene, ESI Group et Silkan. « L'intérêt de Teratec, dans le monde du HPC au niveau international, est de réunir au même endroit toutes les étapes de la chaîne de valeur », souligne son président, et de rendre ainsi possible un échange permanent et direct entre ses différents acteurs « pour être toujours à la pointe de l'usage de ces technologies essentielles qui permettent de gagner du temps et de l'argent et qui ont un effet immédiat sur la compétitivité hors coûts ». L'équipe R&D de Bull travaille notamment sur le passage du petaflopique à l'exaflopique, a indiqué hier Ben Bratu, manager R&D, en rappelant qu'en termes d'équipements, on parlera alors de dizaines de millions de coeurs contre des centaines de milliers aujourd'hui.


Gérard Roucairol, président de l'association Teratec qui compte à ce jour 86 membres. Teratec est dirigée par Hervé Mouren. (crédit : LMI) 

Le laboratoire de recherche industrielle Exascale Computing Research Lab au sein duquel sont engagés un industriel et trois entités universitaires, Intel, le CEA, Genci et l'UVSQ, s'est également installé sur le site pour préparer la montée en puissance du parallélisme massif. Le campus Teratec héberge aussi les laboratoires du programme HPC de l'institut de recherche technologique SystemX. Le site dispose par ailleurs d'un institut de formation et aimerait développer sa pépinière d'entreprises. Celle-ci compte déjà des sociétés comme Numtech, qui étudie la dispersion dans l'atmosphère des rejets de l'activité humaine (industriels, routiers, urbains) pour en estimer l'impact, et Cybeletech, une start-up issue de l'Ecole Centrale Paris qui propose des services et logiciels autour de la modélisation des végétaux et de leur croissance, par exemple pour l'optimisation du patrimoine forestier. Parmi les premiers clients de Cybeletech, les semenciers recourent à ces technologies pour valider la sélection de nouvelles variétés. Ces deux sociétés interviendront sur le Forum Teratec début juillet.

420 teraflops sur le supercalculateur Airain du CEA

Au sein de la technopole de Teratec, le TGCC du CEA gère deux centres opérationnels dont le CCRT mis en service en 2003 qui propose ses expertises HPC à des partenaires industriels. « L'un des objectifs est de les aider à passer à un niveau supérieur dans la simulation numérique en travaillant dans la durée, avec des contrats sur plusieurs années », nous a expliqué Christine Ménaché, chargée d'affaires CCRT. Le centre donne accès depuis 2012 au supercalculateur Airain, dont la puissance, augmentée à deux reprises (la dernière fois en décembre 2013), s'élève actuellement à 420 teraflops. Parmi les entreprises accédant aux ressources du CCRT figurent des industriels comme Safran, Snecma, EDF (partenaires historiques), Valeo ou, plus récemment, L'Oréal et Thalès. Utilisé par Snecma dans la conception des moteurs, la simulation numérique lui a par exemple permis de réduire la consommation en énergie de 15%. L'Oréal de son côté travaille dans le domaine de la cosmétique sur la modélisation des cheveux et de l'épiderme.

Sur la période 2012/2014, au CCRT, un budget de 100 000 euros par an donnait accès aux ressources de 256 coeurs, avec les services d'assistance associés. Le budget est revu à chaque renouvellement de machine. Les derniers noeuds de calcul installés dans le supercalculateur Airain exploitent des processeurs Ivy Bridge d'Intel (20 coeurs par noeud et 64 Go de mémoire par noeud, 2 noeuds par serveurs, 9 serveurs dans un châssis). Airain exploite 7 200 coeurs de calcul Ivy Bridge à 2,8 GHz, 9 504 coeurs Xeon E5-2680 à 2,7 GHz (16 coeurs par noeud) et 18 noeuds hybrides B515 avec des puces graphiques K20 de Nvidia. La durée d'utilisation d'une machine étant d'environ 4 ans, un appel d'offres sera lancé courant 2015 pour répondre aux besoins de calcul des partenaires et installer un nouveau supercalculateur en 2016, nous a indiqué Christine Ménaché.