« La question juridique a été un écueil que nous n'avions pas prévu lors de la mise en oeuvre de notre réseau social d'entreprise (RSE) » témoigne Valérie Blondeau, directrice de la communication chez Lagardère Publicité. En l'occurrence, un document interne, diffusé via le RSE, a été récupéré par un salarié mal intentionné et diffusé sur Facebook dans l'intention de nuire à une autre personne. Une procédure disciplinaire interne est en cours, gérée par la DRH, mais cet incident a refroidi l'enthousiasme des utilisateurs du RSE de Lagardère Publicité. La nécessaire promulgation d'une charte explicite de bonnes pratiques pour un outil à usage interne a constitué une surprise non seulement chez Lagardère Publicité mais aussi chez l'éditeur Mondadori. La BNP Paribas Personal Finance (Cetelem) avait, quant à elle, anticipé la question en prévoyant d'entrée de jeu une charte d'usage.

Ces trois entreprises se sont exprimées lors d'une réunion de clients et de prospects du prestataire de RSE en SaaS Yoolink Pro le 25 octobre 2011. Selon ce prestataire, la peur de s'exposer et de révéler des informations de façon inappropriée reste l'un des principaux freins à l'usage d'un RSE par les salariés d'une entreprise. Il n'est donc pas surprenant que l'incident chez Lagardère Publicité ait été mal vécu. De la même façon, le possible flicage des activités des uns et des autres par la hiérarchie via les contributions sur le RSE est un autre frein.

De la paranoïa aigüe

Des crises de paraonïa aigüe sont même parfois constatées. Yoolink Pro recommande donc de stimuler les contributions plutôt que de les modérer, même si une administration a posteriori est nécessaire pour régler le plus rapidement possible d'éventuels incidents. Enfin, bien entendu, le RSE étant synonyme d'exposition publique, un autre frein majeur est la réticence de certains à faire preuve de transparence vis-à-vis des autres services voire des collègues.

Au sein du groupe d'assurances MMA, le RSE a été construit autour de communautés privées pour lever cette peur de s'exposer. On ne peut accéder à une communauté que si on en est membre naturel (membre du personnel d'une direction donnée...) ou si on justifie auprès de l'administrateur de la dite communauté d'une bonne raison pour y accéder. « Nous n'avons recours à de telles communautés privées que dans des cas très limités, en lien avec l'organisation d'évènements par exemple » indique Gratiela Biltoc, responsable de l'innovation marketing stratégique de BNP Paribas Personal Finance.

L'animation et la modération sont à prévoir

Si la modération est bien sûr à prévoir, il convient donc surtout d'animer les communautés sur un RSE. En général, ces tâches d'animation et de modération sont confiées à des personnes membres de la communauté dont ce n'est qu'une fonction secondaire. Selon Yoolink Pro, cette personne n'est cependant pas victime d'un surcroit de travail : ce qui était auparavant mené par e-mail ou via d'autres canaux est simplement transféré sur le RSE avec une efficacité accrue.

Cette animation peut être simplifiée quand le RSE vient doter des communautés pré-existantes d'un outil de collaboration. Ainsi le spécialiste des cadeaux promotionnels Groupe Casaque (Anaïk, Stylea, Goodtime...), implanté mondialement, a-t-il construit un RSE pour que ses différents groupes de travail puissent mieux travailler en structurant les échanges et disposer d'annuaires des participants.

Mais le RSE ne remplace pas l'e-mail. « L'e-mail n'est pas mort » s'est ainsi exclamée Valérie Blondeau. Cependant, le volume des e-mails tend à baisser dans le cadre d'une reconfiguration des modalités d'échanges.

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Cette reconfiguration est d'ailleurs l'un des objectifs de l'installation d'un RSE. Ainsi, chez BNP Personal Finance, le RSE a été mis en place pour partager la veille en innovation au sein d'une communauté réduite d'une cinquantaine d'utilisateurs. L'objectif a été largement atteint et l'appartenance au RSE a été virale, sur invitation, permettant son développement en lien avec beaucoup d'autres sujets d'échanges. Aujourd'hui, le RSE a près de 500 utilisateurs.

Chez Lagardère Publicité, l'objectif de simplification des outils de communication et de leur réduction à une seule plate-forme s'est doublé d'une volonté de décloisonnement entre les services, chacun disposant de son propre outil. Le succès a été largement au rendez-vous : 85% des 700 collaborateurs sont utilisateurs actifs. Il est vrai que l'outil a été lancé avec un déménagement des bureaux. Les informations relatives au déménagement n'étaient disponibles que sur le RSE.

Selon Yoolink Pro, sur 100% de collaborateurs inscrits dans le RSE, on constate en moyenne 90% d'utilisateurs ayant au moins activé leur profil en remplissant leur fiche (notamment en mettant leur photographie). Mais il n'y a que 32% de contributeurs. L'implication dans le réseau est plus importante sur les managers et directeurs que sur les employés : la crainte de l'exposition est clairement ce qui explique cette différence.

Les DSI sont de forts contributeurs.

L'attitude des personnels varie beaucoup également selon le métier exercé. Ainsi, les commerciaux sont rarement contributeurs mais se servent du RSE (réseau social d'entreprise) comme outil de veille sur l'actualité interne. A l'inverse, les directions du marketing, de la communication et des systèmes d'information fournissent les principaux bataillons de contributeurs. En lien avec le niveau hiérarchique des principaux contributeurs, l'âge moyen des plus gros contributeurs se situe entre 35 et 40 ans. La « génération Y » est encore trop jeune, même si ses membres maîtrisent parfaitement ces outils.

Le RSE s'utilise plutôt en début de journée et de semaine. Il vise donc à préparer l'action plus qu'à l'accompagner ou la conclure. L'accès mobile est très marginal.

Enfin, le RSE remet les collaborateurs au centre des échanges, ce qui est symbolisé par le fait que 96% des contributeurs ont inclus leur photographie dans leur fiche. A l'inverse, l'intranet collaboratif ou la GED restent centrés sur les contenus.