Selon Safra Catz, co-présidente d'Oracle, Ann Livermore, qui dirige la division Enterprise Business d'HP, avait proposé, à un moment, d'inclure plusieurs engagements dans la négociation, lors d'une entrevue qu'elles avaient eu ensemble après l'embauche de Mark Hurd en septembre 2010. Parmi les demandes, figurait l'engagement d'Oracle de continuer le portage de son logiciel pour les systèmes Itanium, une plate-forme processeurs principalement utilisée par HP. « Je lui ai dit que c'était totalement hors de propos dans la négociation en cours ... et que nous ne signerions pas un tel engagement, point », a affirmé Safra Catz au juge James Kleinberg de la Cour supérieure de Santa Clara, à San Jose, Californie.

Quelques jours seulement après avoir été « démissionné » de son poste de CEO par le conseil d'administration de HP, Mark Hurd était recruté par Oracle comme co-président. La firme de Palo Alto n'a pas attendu pour porter plainte contre M. Hurd « pour l'empêcher de diffuser des informations confidentielles ». Lorsque HP a déposé sa plainte, « j'ai été vraiment choquée et surprise », a déclaré Safra Catz au juge. Pour elle, cette plainte visait autant Oracle que Mark Hurd.

Des liens importants à conserver

Presque aussitôt après le dépôt de la plainte, les deux entreprises, dont le partenariat se chiffre en milliards de dollars et en dizaines de milliers de clients communs, ont essayé de renouer des liens. « Il y avait urgence. Sans compter que HP avait réservé une keynote pour le salon OpenWorld 2010 d'Oracle à venir », a t-elle ajouté.  La présentation devait être faite par Ann Livermore et l'introduction par Safra Catz. Le 20 septembre, soit moins d'une semaine avant l'OpenWorld, les deux entreprises ont signé un accord et ont fait un communiqué de presse commun dans lequel elles réaffirmaient leur volonté de conserver un partenariat solide. Mais, au mois de mars suivant, Oracle a annoncé qu'elle cesserait le portage de son logiciel pour les systèmes Itanium et HP a, à nouveau, porté plainte contre Oracle.

Un élément clé de l'affaire opposant HP à Oracle est un e-mail concernant un projet d'accord, rédigé par Dorian Daley, l'avocate conseil d'Oracle. Dans ce document, l'avocate écrit que Safra Catz et Ann Livermore avaient discuté de la poursuite des partenariats entre Oracle et HP et de les maintenir tels qu'ils étaient avant le recrutement de Mark Hurd. « D'un côté, Oracle continuerait à porter ses produits pour les plates-formes HP et de l'autre, HP continuerait à supporter les produits compatibles, les deux parties s'engageant à mener des actions marketing conjointes ».

Un email peut-il tenir lieu de contrat ? 

Mardi, Robert Frank, l'avocat de HP, a interrogé Safra Catz dans le détail pour savoir si cet e-mail déformait ou non la conversation qu'elle avait eue avec Ann Livermore. Selon la co-présidente d'Oracle, Dorian Daley avait ajouté la référence à la poursuite du portage et à la commercialisation conjointe, en les séparant par des tirets. « D'une façon générale, le mail est assez conforme à notre échange », a déclaré Safra Catz. « Mais, l'avocate a ajouté la partie entre tirets. Voilà ce qu'il en est ». La réponse de Safra Catz correspondait au témoignage fait lundi par Dorian Daley elle-même au sujet de ce mail. Celle-ci dit avoir cité la portabilité et la commercialisation comme exemples des partenariats réalisés par HP et Oracle dans le passé.

Le Hurd Agreement final - c'est le nom donné à ce contrat - utilisait des termes beaucoup plus généraux, indiquant qu'Oracle « continuerait à proposer sa gamme de produits pour les plateformes HP... dans la continuité du partenariat tel qu'il existait avant le recrutement de Mark Hurd par Oracle ». Dans la phase actuelle du procès, les entreprises s'affrontent pour savoir si les termes employés sont assimilables à un contrat et si ce contrat-ci a été violé, comme HP veut le faire valoir.

La négociation de l'accord avait été tendue, et précédée pendant plusieurs jours de multiples appels téléphoniques, de rencontres et d'échanges de mails, y compris le week-end du 10 septembre. Les avocats d'Oracle ont dit devant la Cour qu'ils avaient toujours demandé à ce qu'aucun nouvel engagement ne soit pris par l'entreprise. Lorsque HP a fait circuler un projet d'accord dans lequel apparaissait des exigences spécifiques, par exemple qu'Oracle offrirait à HP des modalités équivalentes à n'importe quel autre fournisseur de hardware, la réaction de Safra Catz a été vive. Ces éléments ont été rapidement retirés du document de travail. « J'étais furieuse et je lui ai dit que l'affaire s'arrêtait là. Elle s'est excusée et on s'en est tenus là », a déclaré la co-présidente d'Oracle.

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Le témoignage de Safra Catz apporte aussi de nouveaux éclairages sur l'activité Oracle et ses rapports antérieurs avec HP. Au cours du contre-interrogatoire, Robert Frank a contredit Safra Catz sur le fait que, selon elle, à l'époque, Itanium ne représentait « pas une activité importante pour HP, parce que l'environnement concerné par la plateforme est assez limité ». Celui-ci a présenté document portant le sceau d'Oracle, détaillant les revenus annuels générés par la licence d'exploitation de sa base de données sur les serveurs Itanium HP-UX : 321 millions de dollars en 2010. « Il n'y a aucun moyen de connaitre ce chiffre, » lui a répondu Safra Catz. Selon elle, « Oracle ne répartit pas ses recettes logicielles par système d'exploitation ou par plate-forme matérielle dans ses comptes. Il lui serait impossible de le faire parce qu'un même client peut utiliser plusieurs plates-formes et systèmes d'exploitation, et qu'il modifie sa configuration dans le temps ». Selon elle, « cette analyse est totalement erronée. Elle ne reflète aucune réalité ».

« En dépit de ce litige, HP et Oracle continuent à travailler ensemble dans de nombreux domaines, et leur partenariat n'a pas fondamentalement changé à la suite du désaccord sur Mark Hurd », a ajouté Safra Catz. « Il y a une semaine à peine, les deux entreprises ont finalisé un accord de fabrication ».

Reste que, les principaux concurrents d'Oracle se nomment toujours IBM, un rival majeur sur le marché avec sa plate-forme DB2, et SAP, « un concurrent imprévisible », toujours impliqué - via une de ses filiales - dans une affaire de vol de données sur les serveurs d'Oracle pour assurer un service de support , et Microsoft, « notre concurrent historique depuis de nombreuses années », a ajouté Safra Catz. « Oracle et ces concurrents ont tous conclu des accords de portage de logiciels », a t-elle déclaré.