Directions informatiques et industrielles peuvent avoir des perceptions différentes des bénéfices apportés par les outils de Manufacturing Execution Systems, « maillon essentiel » du cycle de production des entreprises, ainsi que l'a illustré une enquête du Club M.E.S. lors des 4èmes Assises consacrées à ces solutions, la semaine dernière à Paris. La valeur ajoutée des MES est sans surprise mieux reconnue par les responsables industriels que par les équipes informatiques. En revanche, ces deux directions se rejoignent pour placer aux premiers rangs des besoins de production les fonctions qui permettent de suivre et tracer les flux de fabrication, de fournir des indicateurs précis et de garantir la qualité. Fiabiliser les données qui remontent des ateliers dans le système ERP est également cité par plus de la moitié des répondants. La capacité à gérer et planifier les ressources humaines et matérielles (machines, matières premières, opérateurs) constitue la priorité suivante.

En écho à cette enquête, Philippe Allot, vice-président du Club M.E.S, souligne que la prise de conscience de l'intérêt du MES, à la fois par les directions industrielles, informatique et générale, s'inscrit dans une perspective élargie. « Il s'agit d'une vision de la fabrication moins axée sur la recherche de coûts de main d'oeuvre de plus en plus bas, que sur la compétitivité globale des produits fabriqués », commente-t-il. Il cite l'exemple de l'Allemagne qui a pu montrer qu'orienter son développement vers une production plus performante permettait d'éviter des délocalisations.

Des solutions adaptées aux métiers

Le Manufacturing Execution System couvre une dizaine de fonctions, selon la définition de MESA International qui regroupe les fournisseurs de solutions IT du secteur de la fabrication. On y retrouve l'ordonnancement (cheminement des produits et des lots), la collecte et l'acquisition des données, la gestion des ressources, des documents, de la qualité, du procédé, de la maintenance, la traçabilité du produit et la généalogie, ainsi que l'analyse des performances, rappelle le Club M.E.S. sur son site. Ces systèmes sont développés par des fournisseurs spécialisés qui, suivant leur métier d'origine (certains viennent du monde de l'automate comme Siemens et Wonderware, d'autres de l'édition de logiciels) maîtrisent de façon plus avancées certaines des fonctions. La plupart des acteurs ont développé des compétences dans différents secteurs d'activité. Un éditeur comme Osys (du groupe français Bodet) propose par exemple des offres métiers au-dessus de son MES, « pour l'agro-alimentaire, la cosmétologie et l'automobile », énumère Fabrice Chausserais, managing director de la société. D'autres fournisseurs sont très présents dans le parapétrolier. Certains éditeurs ont standardisé leurs offres, d'autres font essentiellement du sur-mesure (*). « Dans le MES, il n'y a pas de besoins identiques », pointe Fabrice Chausserais qui précise que pour chaque projet qu'il conduit, Osys associe les compétences d'un binôme : un informaticien et un automaticien.

Agroalimentaire : gérer la qualité depuis le MES

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Lutte contre la contrefaçon dans la pharmacie

Sur les Assises du M.E.S, différents éclairages d'utilisation ont été apportées par des entreprises de tailles et de secteurs différents. Saint-Gobain Glass, par exemple, s'appuie sur la solution d'Apriso pour améliorer sa performance industrielle. De leur côté, les laboratoires pharmaceutiques Boiron, spécialisés dans l'homéopathie, ont recours au logiciel Pharmacim de Courbon pour lutter contre la contrefaçon. Chaque boîte de médicament peut être identifiée de façon unique avec le marquage Datamatrix (qui renferme un numéro de série aléatoire). Une agrégation est alors réalisée entre étuis, cartons, palettes et les différents circuits logistiques. Le chaînage du marque est réalisé dans le MES. « La traçabilité à l'étui permettra de clarifier et de maîtriser les canaux de la chaîne de distribution », explique André Soucille, directeur gestion de production des Laboratoires Boiron. Avec ce projet de sérialisation conduisant à agréger cartons et palettes, les produits pourront être suivis dans le monde entier.

Agroalimentaire : gérer la qualité depuis le MES

De son côté, la fromagerie Guilloteau a présenté l'usage qu'elle fait de l'application Qubes, de la société Creative IT, pour suivre le flux complet du lait depuis sa réception jusqu'à l'expédition des produits finis, en passant par la transformation, la fabrication, l'affinage et le conditionnement. « Avec ce flux, nous traitons l'ensemble des contrôles qualité qui sont reliés aux différents process », a expliqué Emmanuel Castelbou, directeur informatique de la PME. Via les workflows mis en place, les informations sur les fabrications en préparation (la température, le CH, par exemple) sont réceptionnées directement par le contrôle qualité. Guilloteau dispose aussi d'une GED dans Qubes pour accéder aux documents qualité. « Nous retirons de ce plan de contrôle une traçabilité matière en amont », explique Emmanuel Castelbou qui ajoute que son MES est entièrement interfacé avec SAP, l'ERP utilisé par l'entreprise. « Qubes pilote les ordres de fabrication et les envoie à SAP. Nous avons aussi des flux d'informations inverses, par exemple pour la création de références ». Qubes est par ailleurs interfacé avec les équipements industriels. 

Le directeur informatique de Guilloteau reconnaît que le déploiement d'un MES peut rencontrer des réticences par les équipes métier. « Faire abandonner le papier n'est pas évident », même si certains utilisateurs s'avèrent moteur dans l'adoption du logiciel. Au chapitre des bénéfices, il note un gain matière important, « jusqu'à 10% sur certains process » et une information beaucoup plus saine à exploiter dans l'ERP. Surtout, Qubes permet de disposer d'un seul système informatique pour gérer le MES et la qualité. « Cela nous a permis de diminuer très fortement nos non-conformités. Nous n'hésitons pas à faire visiter nos ateliers, nous sommes très sereins. Pour nous, il ne serait plus possible de revenir en arrière, nous ne pouvons plus nous passer de nos indicateurs ».