En décembre 2020, l’ancien président de la région Grand Est Jean Rottner avait salué la décision de Huawei d’implanter sa première usine de production hors de Chine dans le parc d’activité de Brumath situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Strasbourg. Dédié à la fabrication de technologies et d’équipements pour les réseaux 4G/5G, ce site - dans lequel le fournisseur chinois a investi 200 M€ - devait à terme créer 500 emplois en France et ouvrir dans quelques semaines. Ce vaste complexe industriel de 60 000 m2 implanté sur 8 hectares constituait un ambitieux projet pour Huawei : en décembre 2023, Minggang Zhang, le directeur adjoint de la filiale française du groupe, prévoyait de produire 1 Md € de marchandises par an destinées à être vendues dans toute l’Europe.
Mais l’avenir de ce site semble plus que compromis et une mise en vente serait même à l’ordre du jour : « D'après des sources proches du dossier, les recrutements de cadres qui avaient débuté ont été annulés et des visites de l'usine ont déjà eu lieu par des repreneurs potentiels », indique Ici Alsace. « Le groupe a différentes options sur la table, soit mettre une production sur le site, soit le vendre. Aujourd'hui les seuls à savoir c'est Huawei au niveau de la Chine. En même temps, je ne suis pas étonné, car le marché des antennes 5G se referme pour l'entreprise au niveau européen, leurs parts de marché sont passées de 20% à 13% », a expliqué le député Vincent Thiébaut interrogé par notre confrère. Contacté par la rédaction pour des précisions, Huawei n’a pour l’heure pas répondu à notre sollicitation.
Soupçons d’espionnage et accusations de corruption
L’incertitude qui plane sur l’usine de l’équipementier chinois intervient dans un contexte compliqué pour lui sur le vieux continent sur fond de soupçons d’espionnage et d’accusations de corruption. L’Allemagne a ainsi décidé de bannir Huawei pour lui fournir des technologies réseaux 5G, invoquant un risque pour la sécurité, tandis que la France prévoit d’en faire autant en 2031. Le fournisseur chinois évoque de son côté la mise en place d’un protectionnisme européen.
« Huawei aurait eu recours à de la corruption, sous couvert de lobbying pour défendre ses intérêts en Europe », fait savoir France 3 Grand Est. « Dans ce cadre, une perquisition a été menée dans les locaux du siège à Paris, en février 2024. Depuis 2023, une ancienne vice-présidente de la région Grand Est, Lilla Merabet, est visée par une enquête du parquet national financier (PNF) pour des faits d'atteinte à la probité. Ce sont ses relations avec Huawei, dont elle était une interlocutrice privilégiée en 2020, qui sont dans le viseur de la justice ».