Patrick Bertrand, le président de l'Afdel, a évoqué deux regrets hier, en présentant ses voeux aux adhérents de l'Association française des éditeurs de logiciels, à Paris, dans les locaux de l'organisation. Il aurait aimé annoncer à cette occasion la 300e adhésion à l'Afdel, rejointe l'an dernier par 60 sociétés et qui a atteint les 298 adhérents à ce jour. Il a par ailleurs rappelé la révision décriée du statut de la JEI, la jeune entreprise innovante, amendée depuis par le Sénat. Pour le reste, avant de céder la parole à Eric Besson, Ministre chargé de l'Industrie, de l'Energie et de l'Economie numérique, celui qui est aussi le DG de Cegid s'est attaché à présenter un bilan plutôt positif des actions menées ces dernières années en faveur des technologies de l'information et de la communication.

Sur fond de campagne présidentielle 2012, l'Afdel a diffusé hier soir « 20 propositions pour réindustrialiser la France grâce au numérique ». Consensuel, son président a également signalé d'entrée de jeu la venue hier soir de Guy Mamou-Mani, qui dirige la chambre syndicale Syntec Numérique, cette dernière réunissant elle aussi de nombreux éditeurs de logiciels. A son tour, Syntec Numérique a prévu de dérouler mardi prochain ses dix propositions aux candidats à l'élection présidentielle.

Des stages en PME de croissance pour les étudiants

Au nombre des efforts faits en faveur de l'industrie du numérique, Patrick Bertrand a rapidement énuméré les plans France Numérique 2012 et 2020, le Fonds stratégique d'investissement avec lequel l'Afdel a conclu un accord, et le lancement du Grand Emprunt (4,5 M€ pour le numérique dont 2,5 M€ pour les usages), qui a donné lieu au FSN, fonds pour la société numérique, et au Fonds national d'amorçage. La création de la Disic a installé, à l'instar des Etats-Unis, une fonction de direction des services informatiques de l'Etat. L'importance du dispositif du crédit impôt recherche a été renforcé pour les entreprises innovantes. « Un rapport de l'agence nationale de la recherche explicite clairement qu'aujourd'hui, c'est en France qu'on trouve les chercheurs les moins chers du fait de ce dispositif », a pointé Patrick Bertrand.

Mais le président de l'Afdel n'a pas oublié d'évoquer aussi  les PME qui peinent à recruter. « Si la culture entreprenariale a progressé en France, les étudiants demeurent encore trop souvent majoritairement attirés par les grands groupes. C'est pourquoi nous proposons qu'un stage en PME de croissance, et notamment du numérique, soit obligatoire dans les cursus supérieurs économiques et d'ingénieurs ». 

Amplifier les dispositifs d'aide efficaces

Dans la foulée, Patrick Bertrand est revenu sur le manque de champions français de taille mondiale dans les logiciels et les services web innovants. « Seule une politique industrielle de long terme permettra de conserver les pépites qui préfèrent se vendre aujourd'hui à l'étranger faute de consolidateurs nationaux ».

Certaines PME très innovantes n'ont pas les moyens de leurs ambitions, notamment en matière de financement de la R&D et de croissance externe. Le président de l'Afdel demande une fiscalité plus adaptée, en améliorant ou en pérennisant les dispositifs d'aide publique à l'innovation. « Nous ne demandons pas d'aides nouvelles, mais que l'on sanctuarise ou amplifie ce qui a été fait et ce qui a prouvé son efficacité, notamment sur le CIR ». Il a enfin rappelé la nécessité d'infrastructures de très haut débit et pour le développement du cloud. « C'est l'ardente obligation de l'Etat que de mettre en oeuvre et garantir un décor adapté pour que les acteurs que nous sommes jouent pleinement leur rôle. Ceci implique aussi une régulation mieux coordonnée et un droit de la concurrence et du contrôle des concentrations qui soit en phase avec les réalités du marché ».

Le consortium Andromède réuni le 20 janvier

A sa suite, Eric Besson s'est amusé de n'avoir plus rien à ajouter sur l'action des pouvoirs publics en faveur du numérique. Il a néanmoins rappelé les investissements consentis, via le Grand Emprunt, à la R&D dans des secteurs clés tels que le cloud computing et le logiciel embarqué. Le ministre est revenu sur les récents appels à projets qui prévoient  19 millions d'euros dans cinq initiatives de développement dans le cloud et 32 M€ dans six projets de logiciels embarqués, en citant comme exemples d'applications concrètes « l'assistance au freinage d'urgence ou la localisation par satellite ». 

Evoquant les 135 M€ prévus pour le développement d'une offre européenne de cloud computing (apportés par la Caisse des Dépôts), il a signalé qu'il allait réuni le 20 janvier le consortium porteur du projet Andromède afin de le remobiliser et analyser la situation après le retrait de l'un de ses acteurs majeurs [Dassault Systèmes]. « Il y a une ou deux autres options qui se dessinent, je suis raisonnablement optimiste sur les chances d'y arriver », a-t-il indiqué en soulignant que l'enjeu était majeur en termes de souveraineté sur le domaine et de compétitivité pour notre économie.

Deux réseaux d'initiative publique couvrant cinq départements
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Le Ministre chargé de l'Economie numérique a ensuite rappelé les 400 M€ attribués au Fonds d'amorçage des start-up et le triplement du crédit impôt recherche « atteignant désormais 5 milliards d'euros par an ». Le ministre a souligné que la mise en oeuvre du plan France Numérique avait permis un développement inédit des usages numériques au sein des services publics « 76% des procédures administratives sont aujourd'hui dématérialisées contre 30% il y a quatre ans et demi. Enfin, abordant l'Internet haut débit, il a pointé que la France était le 4e pays européen en termes de pénétration sur ce terrain, « même si pour rattraper la Corée du Sud, par exemple, ou la Finlande, nous avons il est vrai encore du travail ».

Deux réseaux d'initiative publique couvrant cinq départements

Sur les perspectives, Eric Besson a rappelé que l'utilisation généralisée du numérique était projetée pour 2020 dans les entreprises, de même que 100% des démarches administratives disponibles alors sur Internet. « C'est l'objectif fixé dans Plan numérique 2020. Le papier devra être définitivement abandonné dans l'administration. D'ici 2025, notre mission est de raccorder 100% des entreprises et des ménages au très haut débit fixe et mobile, les licences de téléphonie 4G ayant été attribuées pour y parvenir ». Dans le cadre des 2 Md€ attribués au programme national très haut débit, le ministre a enfin annoncé sa proposition de soutenir « deux premiers réseaux d'initiative publique qui couvriraient cinq départements ». Une disposition qui devrait être annoncée la semaine prochaine. « D'ici un an, ce sont douze réseaux d'initiative d'envergure départementale ou régionale qui seront aidés par le gouvernement », a-t-il conclu.

Parmi les intervenants de la soirée figuraient aussi Guy Berruyer, président de l'éditeur Sage au niveau mondial, et Séverin Naudet, directeur de la mission Etalab, chargée de l'ouverture des données publiques et de la plateforme française Open Data.