Chaque année, ADN Ouest publie une enquête qui mesure la situation de l’emploi IT en Pays de la Loire et en Bretagne. Contrairement aux éditions précédentes, cet observatoire 2025 ne repose pas sur étude quantitative par questionnaires mais sur des données qualitatives, basées sur la conduite d’entretiens et de focus groupes Dans ce cadre, une diversité d’acteurs, des entreprises utilisatrices, des prestataires, des organismes de formation et des cabinets de recrutement ont été interrogés. Premier constat : une diminution des embauches est observée sur le territoire en 2024-2025 en raison d’un climat d'incertitude économique, politique et géopolitique, qui incite les entreprises à la prudence. Après l’euphorie observée sur la période 2021-2023, le marché de l’emploi numérique confirme être entré dans une phase de stabilisation à l’échelle nationale et régionale.
Dans les Pays de la Loire, la dynamique est contrastée : « si les métropoles régionales (Nantes, Angers) restent particulièrement attractives, en revanche, dans les zones périurbaines ou rurales, le développement du secteur IT est freiné par le manque de viviers locaux de compétences et une faible implantation des structures », souligne Catherine Adnot-Mallet, directrice régionale de France Travail Pays de la Loire dans ce baromètre. Les salaires dans le secteur de l’IT ont néanmoins progressé de +1,61% en Bretagne et de +8,85% dans les Pays de la Loire sur les 12 derniers mois. Cette tendance s’inscrit dans un contexte global de diminution du sentiment de tension en profils IT. En Bretagne, la part des structures disant ressentir fortement une pénurie de compétences était déjà en en net repli en 2023, passant de 22% à 15,5% en un an. Sur la même période, la part des structures confrontées à cette situation en Pays de Loire restait stable à 21%.
Evaluation du sentiment de pénurie de compétences IT entre 2022 et 2023 en Bretagne et dans les pays de la Loire (Source :ORCN 2024)
Une demande accrue en cybersécurité
Pour autant, cela ne gomme pas l’existence de tensions fortes sur certains postes. Surtout sur les profils spécialisés en cybersécurité, cloud, IA, data. Cela s’applique à la région nantaise très dynamique. Dans les Pays de Loire en particulier, la cybersécurité reste en haut de la liste des besoins urgents, tirée par les investissements dans la défense. En Bretagne, Rennes a beau avoir l'Anssi, la DGA ou Orange cyberdefense, cette métropole n'est pas la place forte de la cybersécurité en France, cela reste Paris. Les besoins en compétences dans les deux régions sont concentrés dans les domaines suivants: support technique, systèmes et réseaux, développement, gestion de projet et direction des systèmes d'information.
Top ( des besoins en compétences IT en 2025 en Bretagne et dans les Pays de Loire. (Source: ORCN 2025)
Les développeurs en perte de vitesse
Face à la sélectivité accrue des employeurs, les opportunités pour les jeunes diplômés se raréfient, et les alternants, qui espéraient traditionnellement décrocher un CDI à l’issue de leur contrat, peinent davantage à trouver des débouchés positifs. De même, les développeurs, autrefois très recherchés, sont aujourd’hui moins demandés et connaissent une récession sur ces deux régions. Aujourd’hui, le Bac+2 en développement ne suffit plus. Pour être compétitifs, il faut savoir maîtriser des langages comme Cobol, Android, JavaScript ou Ruby. Les codeurs « leads » et les architectes logiciels sont les plus courtisés.
Les profils de développeurs les plus recherchés en 2025 en France. (Source: Seyos 2024)
Peu de femmes dans l'IT et toujours plus d'IA
De leurs côtés, les femmes du secteur numérique sont toujours peu représentées. « Dans les candidatures, nous voyons toujours une majorité d’hommes , soit environ 80 %. Dans les filières techniques, même en reconversion, nous plafonnons autour de 20 à 24 % de femmes formées », fait remarquer Géraldine Pinson responsable Grand Ouest Evocime et directrice de l’école 301 dans le cadre de cette étude. Autre sujet devenu incontournable : l’IA et son intégration dans les entreprises. Les acteurs sondés par ADN Ouest partagent la conviction que l’IA va induire une transformation profonde et inéluctable des secteurs d’activités et des métiers, à commencer par ceux de l’IT. Face à ces évolutions, des professions émergent et les compétences requises évoluent. Les entreprises interrogées identifient ou expriment une demande croissante pour des chefs de transformation IA , des ingénieurs en machine learning, des développeurs ainsi que des ingénieurs IA.
Les principaux usages des projets d'IA dans les entreprises françaises. (Source: Opiiec 2024)
Des alertes sur le manque de formations en interne
L'accent est mis sur la capacité à créer des assistants et des boîtes à outils personnalisées, à prompter efficacement pour exploiter de la data et à maîtriser les enjeux de cybersécurité entourant ces technologies. Avec l’IA, ce sont les rôles plus stratégiques et conceptuels qui ont le vent en poupe. Il est donc essentiel de former les bons profils pour passer à l’échelle. Reste que le manque de compétences en interne est criant. Selon Amélie Cordier, fondatrice du groupe de conseil Graine d’IA, peu d’ingénieurs sont capables d’intégrer de l’IA dans les processus métiers, de gérer les données, ou de faire le lien entre les modèles et les usages concrets. Selon elle, il devient urgent de former davantage d’intégrateurs IA. « En Vendée, il y a un manque de formations au-delà du baccalauréat, et il est difficile de recruter des alternants dans ce domaine »., rapporte la dirigeante.
Concernant les prévisions pour 2026, le mot d’ordre est la prudence. Pour bon nombre des répondants, l’année prochaine sera probablement une année dans la continuité de 2024-2025, placée sous le signe de la stabilisation des effectifs et d’une activité ralentie. Pour autant, peu formulent des inquiétudes majeures au sujet du secteur de l’IT en général. Cyclique, il est perçu comme suffisamment résilient pour repartir dès que la conjoncture politique et économique sera plus favorable.