Après SAP, c'est Oracle qui est directement visé de manière très violente par le Cigref. L'association, qui regroupe la plupart des très grands comptes privés et publics français (143 organisations), en lien avec l'association européenne EuroCIO (un millier de très grands comptes européens), tape du poing sur la table dans un communiqué particulièrement menaçant. « Le Cigref s'est d'ores et déjà engagé, à la demande de certains de ses membres, à accompagner ceux qui le souhaitent dans leur réflexion sur les différentes stratégies de sortie des contrats Oracle » note textuellement l'association dans son communiqué.

Depuis des années, les relations sont souvent tendues entre l'éditeur et certains de ses clients. Les audits de licence, comme avec SAP, sont souvent des sources de litiges voire de procès. La DGAC avait ainsi exclu l'éditeur de son SI devant son attitude anti-commerciale.

Echec des négociations

Le Cigref mène depuis des années des discussions avec les principaux fournisseurs du marché -IBM, Microsoft, Oracle, SAP...- pour défendre les intérêts à long terme de ses membres. Cela induit de comprendre également les intérêts des fournisseurs et, très longtemps, le Cigref a été réputé pour être particulièrement compréhensif. Mais force est de constater que la patience des grands comptes semble bien épuisée vis-à-vis des grands fournisseurs internationaux. Après SAP, c'est donc Oracle qui est dans le viseur.
Les reproches du Cigref sont factuels et chaque mot du communiqué est un boulet rouge tiré contre la stratégie de l'éditeur. Depuis dix ans, les relations se sont ainsi dégradées entre d'un côté l'éditeur et de l'autre ses clients et les associations représentatives. Cette dégradation est due à la fois à des pertes de qualité tant dans le service que dans le dialogue clients-fournisseur.

Le Cigref mentionne un exemple qui, visiblement, a mis le feu aux poudres : « Cette dégradation s'est notamment concrétisée par l'absence de réponse d'Oracle au dernier courrier du 25 février 2016, co-signé des présidents du Cigref et d'EuroCIO, pour parvenir à un accord entre Oracle et VMware sur le sujet de la virtualisation». A l'heure du cloud privé, Oracle est en effet connu pour rendre celui-ci purement impossible par une politique de licences aberrante en prenant en compte le nombre total de coeurs processeurs et non pas ceux réellement exploités par les machines virtuelles utilisant effectivement les produits.

Stop ou encore ?

Le Cigref a renoncé à mettre à jour son livre blanc sur la manière de gérer les relations commerciales avec Oracle. Et il va donc aider à quitter ce fournisseur. Cela pourrait prendre la forme de groupes de travail. Dans la dernière étude de satisfaction menée par EuroCIO, les résultats d'Oracle étaient particulièrement déplorables : « 80% [des DSI] considèrent que les contrats Oracle ne présentent pas suffisamment de flexibilité ; 75% que le modèle de licence ne présente pas suffisamment de flexibilité ; 60% préféreraient disposer d'un autre fournisseur pour leurs actuels produits et services » et, pire que tout, « 50% répondent travailler actuellement sur une stratégie de sortie. »

Quitter Oracle ? C'est sans doute plus facile à dire qu'à faire dans beaucoup de cas. Une mauvaise pratique classique est ainsi d'utiliser les fameuses procédures stockées dans les bases de données Oracle, rendant celles-ci fortement adhérentes aux applications. Dans les autres cas, un passage à une base libre comme PostGreSQL ou MongoDB est évidemment possible. Pour les utilisateurs de SAP, l'éditeur allemand aura beau jeu de rappeler la possibilité de passer à Hana. Les relations commerciales avec SAP n'étant guère meilleures qu'avec Oracle, ce choix risque d'être rapidement une impasse. Bien entendu, Microsoft possède aussi son offre.

Reprise de dialogue

Pour les autres applications Oracle, il existe de nombreuses alternatives sur le marché mais il est toujours délicat de justifier budgétairement une migration à iso-fonctionnalité. Sauf que la révolution numérique et l'attitude d'Oracle pourraient être justement des justifications. Pour une migration vers le cloud ? C'est une possibilité que des acteurs comme Salesforce pourraient saisir au bond.

Bien entendu, le Cigref espère une reprise du dialogue. Cette formule est, en l'occurrence, sans doute purement rhétorique. Bien entendu, nous reviendrons sur le sujet avec les réactions des uns et des autres.