Première à prendre la parole, hier à Paris, devant le Collectif du numérique(*) qui avait interpellé les candidats à la Présidentielle, Fleur Pellerin, responsable de l'économie numérique au sein de l'équipe de campagne de François Hollande, a d'abord souligné le travail de sensibilisation qu'elle-même et Nicolas Princen, responsable du projet numérique et de la campagne web de Nicolas Sarkozy, avaient, chacun de leur côté, accompli sur la question des TIC.

Elle a ensuite expliqué que, même si les mesures n'étaient pas détaillées dans le programme de François Hollande, le numérique y était présent à de nombreux endroits. « Il infuse dans le programme ». La méthode privilégiée a été l'écoute de l'ensemble de la filière, a-t-elle exprimé. « Qu'il s'agisse du déploiement de la fibre optique jusqu'à la création d'un écosystème, la stabilité du cadre juridique et fiscal, le droit sur Internet - « comment réguler sans mettre en place une surveillance généralisée »-  ou encore la réflexion sur le développement des contenus et des usages ».

Un habeas corpus numérique sur les données personnelles

Dans le programme socialiste, s'agissant des infrastructures, il est question de couvrir le territoire en très haut débit à un horizon de dix ans, avec une étape intermédiaire à cinq ans. « Pour qu'au terme du mandat, plus personne n'ait un débit inférieur à 1 Mbit/s » Le coût estimé de ce déploiement est estimé entre 25 et 30 millions d'euros.

Parmi les engagements de François Hollande, le remplacement de la loi Hadopi par un Acte II [de l'exception culturelle] est prévu. « Mais on en a beaucoup parlé au détriment du reste », a déploré Fleur Pellerin.

En matière de respect de la vie privée, le candidat a annoncé l'institution d'un « habeas corpus numérique », terme inventé par des chercheurs du CNRS, qui apportera aux internautes des garanties sur leurs données personnelles.

« Sur le sujet qui vous intéresse aujourd'hui, c'est-à-dire le soutien aux PME, il est prévu une banque publique d'investissement pour soutenir la création des emplois du futur », a poursuivi Fleur Pellerin face aux organisations du Collectif du numérique qui l'avaient invitée ce matin. « Une réflexion sera aussi engagée sur la façon dont le grand emprunt a été géré et sur le fonds national pour la société numérique dont une partie des fonds a été placé dans la Banque pour l'Industrie ». Elle a aussi rappelé que le capital risque se trouvait en France dans une situation compliquée puis évoqué la création prévue d'un Livret d'Epargne Industrie [qui doit doubler le plafond du LDD en le portant de 6 000 à 12 000 euros].
Le Crédit Impôt Recherche, dont des études ont montré que c'était un bon instrument, a créé un effet d'aubaine pour les grandes entreprises. « Nous souhaitons en redéfinir les critères et faciliter les démarches pour qu'il bénéficie plus largement aux PME ».

Former les élèves et les enseignants

Parmi les volontés du candidat socialiste figure bien sûr un meilleur accès de la commande publique aux PME. « Enfin, nous souhaitons faire du numérique une filière d'excellence et identifier les secteurs d'hyper croissance sur lesquels nous sommes en position forte, afin d'investir massivement dans deux ou trois secteurs, comme la e-santé et les jeux vidéos, par exemple, plutôt que de saupoudrer », a indiqué Fleur Pellerin.

L'éducation est une véritable priorité, a-t-elle poursuivi en rappelant la pénurie de compétences sur certains secteurs (développeurs sur certains langages, par exemple). Faire en sorte que la formation soit repensée depuis l'école primaire jusqu'à l'université, mais aussi créer une filière au lycée. « Cela ne peut se faire qu'en formant des enseignants », a-t-elle rappelé en insistant par ailleurs sur le rôle de l'enseignement pour aider les enfants à « coder »  et à « décoder » l'univers numérique. Enfin, Fleur Pellerin a abordé le rapprochement « physique » entre les entreprises, les universités et les acteurs de la recherche, avec une réorientation d'une partie des subsides du FSN dans un fonds d'incubation.

Equité fiscale : Nicolas Sarkozy reprend l'idée du CNN

A sa suite, Nicolas Princen a commencé par rappeler que Nicolas Sarkozy s'était personnellement beaucoup investi dans les actions autour des TIC. Pour que la France soit un pays de production du numérique et pas seulement de consommation, le programme du candidat président prévoit en premier lieu une TVA anti-délocalisations (aussi connue sous le nom de TVA sociale) qui apportera 13 milliards d'euros d'allégement de charges. Cette mesure est destinée à rendre les entreprises IT nationales plus compétitives face à la concurrence internationale. Dans les réponses qu'il a adressées au Collectif du numérique, Nicolas Sarkozy avait insisté sur les bénéfices du statut de la JEI en 2009, malgré la crise, et du CIR (crédit impôt recherche) qui a représenté « une économie d'impôt d'un milliard d'euros pour le seul secteur du numérique en 2011 », peut-on y lire.
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Le programme du candidat de l'UMP prévoit de renforcer le cadre juridique et fiscal suivant trois mots d'ordre : équité, stabilité et valorisation de l'innovation. L'équité vise à soutenir les sociétés françaises face aux « grands groupes internationaux qui se déploient et optimisent leur fiscalité », a expliqué ce matin Nicolas Princen en rappelant aussi à son auditoire que ces groupes étaient à la fois leurs concurrents et leurs partenaires. Nicolas Sarkozy propose de réfléchir à la création d'un statut d'établissement stable virtuel tel que l'a proposé le Conseil National du Numérique. Ce dernier préconisait d'adapter sur le longe terme le droit communautaire en créant ce concept « qui permettrait de refiscaliser les revenus de tous les acteurs établis fiscalement hors de France ».

« Nous souhaitons que les petits acteurs deviennent gros », a souligné Nicolas Princen. Le 2èmeprincipe, celui de la stabilité fiscale, visera à protéger les entrepreneurs des changements incessants de réglementation pendant cinq ans. Enfin, sur la valorisation de l'innovation, « il y a une vraie réflexion à ouvrir sur l'intéressement des salariés et les liens que cela peut avoir avec la croissance ». Dans sa réponse au Collectif du numérique, Nicolas Sarkozy précise que « valoriser la propriété intellectuelle, ce n'est pas remettre en cause le logiciel libre qui a son propre modèle économique » et ajoute que logiciel propriétaire et libre se complètent.

« Start-up France » : guichet unique et mise en réseau

Le candidat de l'UMP veut aussi faire confiance aux entrepreneurs. Son représentant ce matin a redit le succès du statut de l'auto-entrepreneur et présenté le projet « Start-up France », qui se veut un guichet unique à toutes les aides, ainsi qu'un portail d'informations pour se lancer et un outil d'organisation du réseau qui mettra « en relation les acteurs du numérique français en France avec les entrepreneurs expatriés ». « On ne montre pas assez nos talents », a estimé Nicolas Princen qui dit avoir été inspiré par le C100 qui regroupe des Canadiens installés dans la Silicon Valley, en lien avec des entreprises au Canada. « Le bénéfice de l'expérience et du partage, ce n'est pas très compliqué à mettre en place ».

Sur les emplois du numérique, il rappelle que, selon les chiffres, entre 40 000 et 70 000 emplois ne sont pas pourvus. Une campagne nationale sera menée sur les opportunités offertes par le secteur. Il est question de renouveler les journées du numérique et d'inviter les entreprises à faire des journées portes ouvertes. « Le secteur est caricaturé. On connaît les locaux de Facebook, pas les vôtres ». Mais il faut aller plus en profondeur, poursuit Nicolas Princen, « et nous comptons énormément sur le rôle des universités, grâce à leur autonomie. Déjà, une convention a été signée entre les acteurs de l'Education supérieure et de la recherche et des entreprises de votre secteur ». Il ajoute la nécessité de faire un point sur les secteurs demandeurs : cloud, Open Data, jeux vidéo. « Que l'on ne rate pas un domaine à développer par manque de dialogue. Il faut créer une filière dédiée au logiciel. » Il évoque le plateau de Saclay qui « quoi qu'on en dise est le grand centre potentiel pour porter le numérique ». Selon lui, dans dix ans, il comptera plus de 60 000 étudiants.

Un European Business Act pour compléter le SBA

« Il manque une culture de l'expansion à l'international. Nous voulons renforcer l'action d'Ubifrance sur la IT », a complété le représentant. Pour aider le développement des PME hors de l'Hexagone, le programme du candidat propose qu'une grande entreprise, qui bénéficie de garanties de type Coface, prenne sous son aile une plus petite pour l'aider à croître à l'étranger. Nicolas Princen évoque aussi la création d'un European Business Act pour que « l'argent des commandes publiques européennes bénéficie aux entreprises qui produisent en Europe » et un Small Business Act pour réserver 25% des commandes publiques aux PME.

Il est par ailleurs question de renforcer les moyens du Conseil National du numérique et de nommer des personnalités expertes de ces questions aux conseils d'administration des organes publics d'investissement. Le dernier volet abordé, celui de la formation, est jugé central : « D'abord la formation au numérique, avec une option au bac puis un vrai bac numérique ». Mais également une formation au numérique pour les demandeurs d'emploi, 10% seulement en bénéficiant aujourd'hui.