Quels avantages SAP va-t-il tirer du rachat de Sybase et, à l'inverse, quelles difficultés risque-t-il de rencontrer ? L'acquisition de l'éditeur californien peut être appréhendée suivant différents axes. « Le volet mobilité de l'acquisition me semble être le plus important, car il n'y a pas encore d'acteurs vraiment installés sur ce terrain dans le secteur informatique, estime Jean-Michel Franco, directeur des offres chez Business & Decision. Il y a des places à prendre pour les acteurs du logiciel dans ce domaine. En atteste l'agitation actuelle autour des technologies Adobe sur le mobile. » Il constate que les trois grands acteurs face à SAP (Oracle, IBM, Microsoft) ne sont toujours pas parvenus à se positionner comme des acteurs incontournables sur les équipements mobiles. « Or, il va y avoir un besoin croissant dans ce domaine, que ce soit en termes d'applications (m-commerce, CRM...) que de business intelligence (moteurs de recommandation par exemple). »

Ce rachat peut, à terme, perturber le marché des bases de données

En revanche, Jean-Michel Franco considère que le volet bases de données de l'opération apparaît plus compliqué. « Le marché des SGBD est concentré sur Oracle, IBM et Microsoft et c'est un domaine assez conservateur. Sur la partie BI, il y a certes un besoin croissant de bases spécialisées, en particulier des bases axées sur le stockage en colonnes. Sybase IQ y a sa place, de même que la technologie in memory de SAP. Encore faudra-t-il faire converger ces deux technologies pour vraiment faire la différence. »


Jean-Michel Franco, directeur des offres de Business & Decision
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On constate d'ailleurs un certain scepticisme parmi les réactions suscitées par le rachat de Sybase. Jean-Michel Franco relève que certains acteurs plus récents sur le marché, comme Workday (créé fin 2006 par Dave Duffield, fondateur de PeopleSoft), considèrent par exemple que la technologie SGBD de Sybase est relativement ancienne, et que le cloud computing nécessite des changements plus radicaux. « Ce qui peut être intéressant, c'est que ce rachat va mettre un peu de pression sur les trois acteurs principaux des bases de données. Sur la Business Intelligence, ceux-ci sont concurrencés par Teradata, Sybase et quelques nouveaux venus. Jusqu'à présent leur réponse passait par le hardware -Exadata pour Oracle, Smart Analytics pour IBM ou le rachat de Datallegro par Microsoft. Cette acquisition peut les amener à s'interroger sur leur stratégie... »

De fait, attaquer la question de l'optimisation des traitements par la base de données n'est pas une mauvaise idée. Le directeur des offres chez Business & Décision rappelle que les bases de données relationnelles reposent sur des technologies qui ont 25 ans et que, par ailleurs, les budgets de maintenance ne sont pas négligeables. « On peut penser, effectivement, qu'il existe là des éléments qui peuvent remettre en cause le marché des bases de données dans les prochaines années », considère-t-il. [[page]]
Pour SAP, sur les applications décisionnelles, Sybase IQ pourrait constituer une des options pour son application de datawarehouse BW. C'est, d'après Jean-Michel Franco, ancien collaborateur de SAP, quelque chose qui pourrait se faire assez vite. La base de données colonnes viendrait au-dessus de la base de données principale. « C'est ce qui semble le plus évident dans la probable feuille de route de SAP. Ensuite, il pourrait y avoir une solution hybride entre BW Accelerator et Sybase IQ. Toutefois, faire converger les deux technologies pourrait s'avérer plus compliqué. Il y a un intérêt à le faire, mais cela représente beaucoup de travail. »

Enfin, un autre aspect intéressant de l'acquisition de Sybase par SAP réside dans les développements réalisés par Sybase pour supporter les technologies de cloud. C'est un point que souligne notamment l'analyste Ray Wang, d'Altimeter, en rappelant que l'éditeur californien a noué un partenariat autour d'Amazon EC2. « Or, la possibilité d'avoir une application SAP qui fonctionne en mode IaaS (infrastructure as a server) pourrait  faire basculer les clients SAP vers des bases de données différentes de celles qu'ils utilisent historiquement, fait remarquer Jean-Michel. Dans les quatre à cinq ans, cela peut perturber le marché. On voit bien actuellement que tous les fournisseurs de cloud ne sont pas sur des bases relationnelles parce qu'elles manquent de puissance dans les montées en charge. » Les acteurs de l'Internet, comme Twitter ou Digg, misent aussi sur des bases NoSQL.  
« Je ne sais pas si Sybase dispose d'une véritable avance dans ce domaine, mais, si c'est le cas, cela pourrait aussi expliquer le rachat par SAP. Jim Hagemann Snabe a encore rappelé, il y a peu que SAP comptait être un leader dans le SaaS dans les cinq ans. Sybase constitue-t-il un pas en avant dans ce sens ? ».