Avoir de l'ambition pour les PME, c'est le credo de Systematic-Paris Région. Depuis trois ans, le pôle de compétitivité francilien, qui compte 435 PME et 24 ETI du numérique, décerne un label de Champion à ses membres qui se distinguent par la croissance de leur chiffre d'affaires et leur volonté d'expansion à l'international. Animé par Jean-Noël de Galzain, vice-président de Systematic, le programme Ambition PME l'a attribué à 7 nouvelles entreprises en novembre dernier : Bluelinea, Genymobile, Ijenko, OVH, Maintag, Silkan et Zenika (*).

Plus largement, avoir de l'ambition pour les PME, c'est par nature la vocation de tous les pôles de compétitivité répartis sur le territoire français. Leur tissu est, de fait, constitué de ces petites et moyennes entreprises qui peinent tant à trouver le chemin des directions achats des grands comptes. Jean-Noël de Galzain regrette qu'il y ait en France trop de structures « top down ». A l'inverse des pôles de compétitivité qui, eux, partent de la base. « La problématique est que nous avons un système qui a, d'un côté, favorisé l'émergence d'acteurs économiques et qui, de l'autre, maintient une sorte de tiers état qui va de l'artisan aux PME et jusqu'aux ETI », nous a-t-il exposé, lors d'un entretien informel, la semaine dernière à Paris.

Trop de contraintes administratives

Le vice-président de Systematic pointe évidemment l'excès de contraintes administratives. Après la relance de l'économie au milieu du 20èmesiècle, on a régulièrement procédé par dérogations pour traiter le cas des plus petites entreprises, rappelle-t-il. Or, partir des grands pour étirer jusqu'aux plus petits crée inévitablement des niches. « Je crois dans les pôles de compétitivité car on y part d'entrée de jeu avec de petites entreprises qui se cognent au quotidien. Et petit à petit, il faut adapter les dispositions pour qu'elles puissent se développer. Pour les y aider, il y a pour moi deux sujets principaux : le financement et l'accès aux marchés. »

Or, les choses ne sont pas toujours simples pour les entreprises en France. Du côté du financement, on trouve des systèmes pour les amorcer, mais on débouche ensuite sur un no man's land lorsqu'il faut passer à la vitesse supérieure, estime le vice-président de Systematic. On sait pourtant qu'il faut une équipe plus forte pour industrialiser son produit et, par conséquent, des investisseurs pour en financer le développement. Et pour les PME qui sont arrivées à porter leur produit vers la maturité et qui ont trouvé un retour sur investissement sur le marché français, tout est à recommencer lorsqu'elles veulent exporter leur savoir-faire et commercialiser leurs produits à l'étranger, explique Jean-Noël de Galzain qui est aussi PDG de l'éditeur de logiciels de sécurité Wallix.

Pouvoir affronter la concurrence internationale

Sur leur propre marché, les PME doivent aussi affronter la concurrence internationale, les grandes entreprises donnant souvent la préférence, dans leurs appels d'offres, à des solutions moins chères car fortement implantées au niveau mondial au détriment de technologies développées en France, dans le domaine des logiciels par exemple. Pourtant, dans certains secteurs, en particulier celui de la sécurité informatique, les expertises ne manquent pas. « Nous avons en France presque autant de médailles Fields qu'aux Etats-Unis », rappelle Jean-Noël de Galzain. Il cite l'exemple de Picviz Labs dont les solutions de datamining permettent de gagner un temps précieux pour sécuriser les réseaux sensibles, dans l'industrie, la banque ou l'administration. La société, dirigée par Philippe Saadé, a développé une technologie facilitant l'analyse rapide des gros volumes de données générés par les réseaux informatiques. Il y a un an et demi, son co-fondateur est parti rejoindre l'éditeur américain Splunk qui évolue sur le même secteur.

A l'échelle internationale, Jean-Noël de Galzain fait remarquer le soutien que plusieurs pays accordent à leurs acteurs nationaux. « Certains états se battent pour faire démarrer des sociétés autour de leurs écosystèmes d'excellence », souligne-t-il. « En Corée, en Chine, en Israël, aux Etats-Unis, il y a des écosystèmes ». Lorsque l'on va sur ces marchés, on peut s'y  cogner, ou bien y prospérer, souligne-t-il (**). Il insiste au passage sur le réalisme dont fait preuve un pays comme les Etats-Unis dans ses choix, avec les répercussions induites sur l'industrie et les usages. Depuis 60 ans, les Américains ont institué une loi, le Small Business Act (SBA), qui réserve une part de certains marchés publics aux PME. Une disposition que les entrepreneurs français réclament depuis des années.

Les directions générales doivent s'impliquer

En France, « si les choses ne se débloquent pas du côté du pouvoir politique, c'est à nous de les faire bouger », estime Jean-Noël de Galzain. « N'attendons pas la loi pour le SBA, faisons-le. » Notamment en entrant en contact avec les grandes entreprises pour présenter les technologies des PME sans intermédiation de l'Etat. Le vice-président de Systematic reconnaît qu'il y a néanmoins une meilleure écoute du côté des ministères concernés. « On sait qu'il y a des recettes qui n'ont pas fonctionné et que l'avenir passe par les PME », constate-t-il. D'où la nécessité de pouvoir accompagner ces entreprises à l'échelle mondiale sans devoir recourir à des investisseurs étrangers qui peuvent ensuite les entraîner à être rachetées hors de France.[[page]]

Dans le domaine de l'accès au marché, il y d'un côté le B-to-C, notamment sur l'économie Internet, et il s'agit de convaincre les consommateurs, avec des offres compétitives. Du côté B-to-B, la problématique pour les PME, c'est d'accéder à la commande publique. « Faisons un SBA en commençant par les domaines régaliens, comme la Défense. Et en essayant ensuite de porter cela au niveau européen. S'il y a des commandes, il n'y aura pas de problèmes pour trouver des financements », assure Jean-Noël de Galzain. Il faut, selon lui, que les directions générales des grands comptes s'impliquent pour construire un écosystème qui permettra de gagner. « Il faut qu'elles mettent la PME au coeur de leurs préoccupations dès qu'il s'agit de monter en gamme et de définir des critères d'achat », explique le vice-président de Systematic. Dans le domaine de la sécurité informatique par exemple, les éditeurs peuvent se regrouper pour répondre à l'essentiel des menaces. C'est sur ce principe qu'a été créée l'alliance Hexatrust fin septembre. Celle-ci regroupe 12 acteurs français de la cybersécurité et de la confiance numérique (Arismore, Bertin Technologies, Brainwave, Deny All, Ilex, InWebo, Keynectis-Opentrust, Netheos, Olfeo, Sistech, Vade Retro Technology et Wallix). Dans un autre domaine, celui de l'économie du web, d'autres acteurs se sont regroupés la semaine dernière au sein de l'association Efel Power, avec la même volonté d'accéder aux directions achats des grands comptes.

Il y a une fenêtre d'opportunité pour ces idées

Il y a en ce moment une fenêtre d'opportunité pour faire passer des idées, pense Jean-Noël de Galzain. Au Commissariat général à l'investissement (CGI), chargé de mettre en oeuvre le programme d'investissements d'avenir, il se trouve des intervenants ouverts pour s'engager auprès des PME. Le vice-président de Systematic évoque aussi l'action de Jean-Lou Blachier, le médiateur national des Marchés publics. Ce dernier a publié en octobre un guide pratique à destination des patrons de PME, intitulé « Osez la commande publique ». Du côté de BPIfrance, la Banque publique d'investissement, il s'est par ailleurs créé un fonds de 500 millions d'euros, Large Venture, avec l'objectif d'investir dans des entreprises innovantes en phase de capital-risque. Celui-ci interviendra le plus souvent en co-investissement avec des partenaires privés dans le cas de levée de fonds importantes « souvent difficiles à réaliser dans l'environnement français actuel », reconnaît le communiqué de BPIfrance.

« Les choses vont changer, je veux être là pour y participer », s'engage Jean-Noël de Galzain. « Nous allons nous structurer ». Cette semaine, les 18 pôles de compétitivité mondiaux ont, de fait, créé une association, sous le nom d'AFPC, avec l'intention de coordonner l'action de l'ensemble des pôles (il y en a 71 sur le territoire français) et de favoriser le financement des PME. Jean-Noël de Galzain devrait avoir un rôle à jouer sur ce terrain.

(*) Les 7 membres labellisés Champion 2013 par Systematic-Paris Région dans le cadre du Programme Ambition PME l'ont été en raison de la croissance annuelle qu'ils ont réalisée (plus de 30%), de leur volonté à se développer à l'international et de leur contribution à la création d'emplois en Ile-de-France. Outre l'hébergeur OVH, qui constitue déjà une ETI, les six PME -Bluelinea, Genymobile, Ijenko, Maintag, Silkan et Zenika- évoluent sur les secteurs de la santé, de la mobilité, de la maîtrise de l'énergie dans l'habitat, de la maintenance aéronautique, de l'usine du futur et de l'usine logicielle, orientée Open Source et Agile.

(**) L'une des actions du Programme Ambition PME de Systematic consiste à organiser des missions internationales en partenariat avec la CCI de Paris Ile-de-France, dans le cadre d'un programme soutenu par la Région, l'Etat et l'Union européenne. Dans ce cadre, 22 PME ont déjà été accompagnées dans leur projet d'implantation. Systematic dispose de trois points d'ancrage pour ses missions PME Export : aux Etats-Unis (à Boston), en Chine (à Shanghai) et en Inde (à Mumbaï).