En 2011, les logiciels d'intégration de données, de manipulation et de restitution de l'information, et les services qui leur sont associés, vont générer sur l'Hexagone un chiffre d'affaires supérieur à 2 milliards d'euros, estime Pierre Audoin Consultants. Le cabinet d'analyses a publié début août une étude sur « le marché de la BI et du Data Management en France ». D'ici à 2014, le secteur devrait afficher une croissance moyenne de 5,3%, supérieure de près d'un point et demi à celle du marché français des logiciels et services IT dans son ensemble. Déjà, en 2009, les outils du décisionnel avaient beaucoup moins pâti de la crise que d'autres domaines et enregistré en 2010 une croissance de 4%. La partie licences et maintenance a représenté près du tiers de ce marché l'an dernier.

Les outils d'ETL (extraction, transformation,  loading) destinés à l'intégration des données restent un gros marché qui présente une croissance assez forte. Au niveau mondial, on peut en juger par la progression d'Informatica (*). « Cela progresse de la même façon chez Talend et IBM », souligne Olivier Rafal, directeur Information Management chez PAC et auteur de l'étude.

MDM en France : des acteurs locaux ont évangélisé

De fait, au-delà des projets de Business Intelligence identifiés comme tels, qui nécessitent d'organiser les données et de s'assurer de leur qualité, de nombreux autres projets s'appuient sur les outils d'Information Management, liés à la manipulation et à l'analyse des données structurées. En France, il y a notamment une bonne croissance sur le MDM [Master Data Management, gestion des données de référence]. « C'est un peu une spécificité française, note l'analyste de PAC. Nous sommes au niveau des Etats-Unis dans ce domaine. Cela s'explique sans doute par le fait qu'il existe des acteurs locaux comme Orchestra Networks et Talend qui ont évangélisé le marché et sont bien présents. Il y a une prise de conscience sur l'importance de la qualité des données qui semble mieux se faire en France que sur d'autres marchés. C'est moins flagrant en Allemagne, par exemple. »

La croissance en 2011 va se répartir entre les outils d'ETL, qui représentent encore l'essentiel de la progression, et les logiciels analytiques. Il n'y a pas eu énormément de projets uniquement étiquetés BI. « Il s'agit davantage de projets tactiques tels que la mise en place d'un MDM dans un domaine particulier, explique Olivier Rafal. Si cela fonctionne, on l'étend ensuite dans un autre domaine. » De façon générale, il n'y a pas eu de projets mirobolants. Les déploiements restent très ciblés, les entreprises étant déjà bien équipées.

Outre le MDM, parmi les leviers de croissance du marché, PAC liste quatre autres axes. Les applications analytiques en sont un, ainsi que les outils de visualisation de l'information qui peuvent être d'emblée pris en main par des utilisateurs non experts, de façon interactive.

(*) +30% sur son chiffre d'affaires annuel en 2010, par rapport à 2009, à 650 M$.

Crédit illustration : PAC 2011
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Par ailleurs, le cabinet d'études estime prometteuse l'intégration entre les outils collaboratifs et les logiciels décisionnels. Enfin, les flux d'informations provenant du web et des réseaux sociaux, en développement constant, constituent une nouvelle source à analyser. Ces données, « de nature et de qualité très diverses », posent un défi à l'industrie qui doit les collecter, les corréler, les indexer et les analyser, souligne PAC. « C'est tout l'enjeu du phénomène Big Data », rappelle Olivier Rafal. 

Le recours à des technologies de moteurs de recherche dans le décisionnel a de l'avenir, mais cela reste anecdotique pour l'instant, note l'analyste, même si des éditeurs français comme Exalead (avec ses SBA, search-based applications) et Sinequa ont déjà à leur actif déjà sur des projets dans ce domaine (au Crédit Agricole, notamment pour Sinequa, chez Gefco et à La Poste pour Exalead). D'autres acteurs peuvent y prétendre. « IBM a tous les outils pour le faire, SAS et Microsoft aussi. »

Le réseau de partenaires, un soutien de poids

En France, cinq éditeurs (SAP, Oracle, IBM, SAS et Microsoft) se taillent  63% du marché, dont près de 1/5e pour le premier. Quatre d'entre eux ont présenté de belles croissances. Celle de SAP a pendant un temps un pâti de difficultés liées à l'organisation des équipes commerciales de Business Objects et l'éditeur n'a lancé que récemment sa nouvelle plateforme décisionnelle BI 4.0. Dans le même temps, il y a eu des innovations technologiques venant d'autres offres. Un acteur comme QlikTech, notamment, a beaucoup progressé, parfois victime de son succès, certains outils pouvant lui manquer au niveau architecture pour de gros déploiements ou du côté de gestion de la qualité des données, pointe l'analyste de PAC. « Oracle s'est également mis en ordre de bataille avec ses solutions Hyperion, une belle offre soutenue par les outils middleware de l'éditeur », expose-t-il en ajoutant qu'Oracle a par ailleurs commencé à vendre Exadata (**), sa solution de stockage adapté aux applications décisionnelles (« sans doute une petite dizaine en France »), Atos en étant l'un des premiers intégrateurs. SAS a lui aussi « mis le paquet » sur des partenaires privilégiés comme Accenture.

Microsoft, qui dispose d'une offre « bien intégrée », a renouvelé une partie de ses partenaires et s'applique à les choyer. « Son offre technologique tient la route y compris sur certains gros clients, même si la plupart du temps, elle est plutôt installée chez des clients moins importants. Un outil comme PowerPivot, par exemple, est très séduisant. Si le client a déjà déployé des logiciels comme SQL Server, SharePoint et Outlook, cela peut être intéressant pour lui », note Olivier Rafal. Chez IBM, « l'intégration avec  Cognos se passe plutôt bien et les rachats qui ont été faits ont du sens », aussi bien d'un point de vue technologique que pour renforcer sa présence sur le marché. Parmi les autres acteurs, outre des éditeurs comme Microstrategy, QlikTech ou Tibco Spotfire, qui ont réalisé des déploiements assez ciblés, il existe par ailleurs de « petits éditeurs intéressants comme le Français We are Cloud », avec son offre Bime. L'étude de PAC prend en compte plus d'une cinquantaine de fournisseurs (éditeurs et sociétés de services).

(**) Système de stockage de base de données, combinant matériel Sun et logiciels Oracle, optimisé pour le datawarehouse et les processus intensifs de requêtes. De son côté, SAP a lancé il y a quelques mois sa solution HANA (High-Performance Analytic Appliance) pour effectuer en temps réel des analyses haute performance.

Crédit illustration : PAC 2011