Quel a été l'impact de la pandémie sur les secteurs de fabrication ?

Artem Gimadiev : À mon avis, la pandémie a tiré la sonnette d'alarme pour de nombreuses entreprises manufacturières, en particulier pour celles qui n'avaient pas encore commencé à digitaliser leur système avant le covid-19. D’une part, il leur a été difficile de maintenir leurs usines en état de marche sans personnel sur le terrain. D’autre part, l'absence d'expérience en la matière, le retard des supports technologiques et les contraintes de trésorerie dues à la pandémie rendent difficile la reprise.

Selon l’étude Capgemini Research Institue, l’Industrie 4.0 pourrait apporter au moins 1,5 trillion de dollars à l'économie mondiale grâce aux gains de productivité, à l'amélioration de la qualité des produits et des services à la clientèle[1]. Et ne limitons pas l'impact uniquement aux améliorations de la productivité ! Les organisations voient de la valeur dans une rotation accélérée du portefeuille de produits et la rapidité du time-to-market, ce qui se traduira par une augmentation de la part de marché.

En ce qui concerne la numérisation, quels sont les domaines clés sur lesquels il faut se concentrer ?

A.G. : A mes yeux, il y a quatre domaines sur lesquels se concentrer principalement. Tout d’abord, le travail à distance : toute entreprise cherche aujourd’hui des solutions pour maintenir son activité sans personnel sur le terrain. Ensuite, les nombreux cas de rupture des chaînes d'approvisionnement et de pénurie de matériel, ont montré l’importance de la planification de la production et de l'optimisation de la chaîne d'approvisionnement. Cette dernière se doit d’être connectée de manière transparente à tous les acteurs des chaînes d'approvisionnement.

Je citerais également la robotique, tout particulièrement, les systèmes robotiques autonomes qui se développent de plus en plus grâce aux modèles de services flexibles. Les organisations se sont habituées à utiliser des logiciels ou des infrastructures as-a-service, alors pourquoi pas des robots ? Ces derniers permettent d'innover et de mettre à niveau ses lignes de production de manière stable et cohérente.

Un autre domaine sur lequel se concentrer est celui des jumeaux numériques, qui permettent le jumelage ou la création de copies numériques de ses produits ou la modélisation des lignes de production ou de l'usine entière.
Enfin, bien que ce ne soit pas vraiment un domaine mais plutôt un outil, la 5G me paraît aujourd’hui essentielle pour les applications modernes en temps réel et hautement fiables.

Toutefois, si tous ces éléments permettent d’améliorer le processus de base, ils créent aussi une forte pression sur les modèles informatiques.  Une telle stratégie entraîne de nouveaux défis en termes de maîtrise de l'intégration des équipements industriels existants, de cybersécurité de ces équipements et de préparation des données. Pour assurer la continuité numérique et permettre la collaboration, une convergence IT/OT efficace sera essentielle. Nous devons donc nous assurer que l'entreprise soutient correctement ces domaines, d’une part grâce à la convergence des technologies de l'information et des processus opérationnels, d’autre part par sa gouvernance et sa culture d'entreprise.

Quels sont les défis qui requièrent une attention particulière lors de la numérisation d'une industrie ?

A.G. : Selon une étude de PWC[2], seulement 6% des organisations industrielles considèrent que leurs usines sont " entièrement numérisées ". Il y a donc de la marge !
Comme je le disais précédemment, je pense que le principal défi réside dans la convergence IT/OT. Les entreprises doivent construire des capacités hybrides. Les organisations ne sont tout simplement pas préparées à intégrer les initiatives de l'usine intelligente dans leur systèmes existants.

Il existe ce concept du « Edge-to-Core-to-Cloud » qui doit se conformer aux exigences des machines au sol. Plusieurs défis se posent alors :

  • Comment traiter la data sur le Edge pour activer des opérations data-driven ?
  • Que faut-il pousser vers le Core pour assurer l'analytique intelligente et la maintenance prédictive ?
  • Et en ce qui concerne le Cloud – comment assurer la flexibilité nécessaire pour répondre à toutes les exigences opérationnelles ? Imaginons que vous ayez un nouveau robot qui nécessite une connexion à une application spécifique dans le cloud. Comment assurer la cohérence, la flexibilité, la sécurité ?

Enfin, pour mettre en place des usines 4.0, les organisations doivent appliquer un programme de gouvernance solide et développer une culture axée sur les données. Cela peut passer par la mise en place de responsables interfonctionnels ou de postes spécifiques liés aux objectifs commerciaux de l'entreprise. Mettre en place un cadre bien défini aide grandement les entreprises manufacturières à progresser dans leur digitalisation.

Quelles sont les différentes méthodes utilisées chez VMware pour numériser les industries ?

A.G. : VMware est fortement positionné pour établir la fondation numérique des organisations industrielles : pour les plateformes Edge de robotique embarquée ; pour fournir une connectivité sécurisée cohérente à l'infrastructure Core, et permettre des approches véritablement Multi-Clouds disponibles à la demande...

Par exemple, Alstom a récemment modernisé sa plate-forme de production en tirant parti de l'infrastructure hyper-convergée VMware, et en utilisant des réseaux étendus définis par logiciel. Alstom Digital Mobility a amélioré sa production avec des solutions VxRail et assuré une connectivité Edge cohérente sur 350 sites dans 60 pays à l'aide de VMware SD-WAN.

Le Multi-Cloud est également un sujet crucial. Pour reprendre le motto d’un de nos partenaires, fabricant de pneus italien : "le pouvoir n'est rien sans le contrôle" et je pense que cela s'applique aux stratégies de cloud. Le cloud offre de nombreuses possibilités, mais il n'est rien sans contrôle, sécurité ou vitesse. Ce fabricant de pneus italien a donc établi un partenariat avec nous pour VMware Cloud sur AWS.

Grâce à une gestion cohérente et au respect de la sécurité et des politiques de mise en réseau, nous permettons aux grands noms de l'industrie d'adopter toute la puissance du cloud public tout en assurant une réversibilité à 100% de toute migration. En effet, le déplacement vers un autre cloud et la réduction ou l’extension de l'échelle répondent aux demandes changeantes des initiatives de Digital Factory !

Enfin, VMware est reconnu pour son rôle dans le datacenter software-defined (SDDC). Nous permettons aux leaders du marché de l'industrie manufacturière de construire et d'exploiter des jumeaux numériques dans leurs infrastructures centrales. Par exemple, des jumeaux numériques permettent de modéliser et d’analyser le cycle de vie d’un produit ou optimiser ses paramètres. Certaines entreprises utilisent les jumeaux numériques pour modéliser les opérations de leurs lignes de production ou de toutes leurs usines.

Selon vous, quels défis l'industrie et les travailleurs des flux devront-ils relever à l'avenir ?

A.G. : A mon sens, les organisations doivent s'inspirer de ce qui se fait de mieux : Stellantis, Total, Pirelli, Alstom... ce sont des entreprises qui ont déjà fait évoluer leur Digital Foundation pour se préparer aux transformations de l'Industrie 4.0.

Je pense que le défi majeur réside dans la convergence entre les infrastructures informationnelles et opérationnelles. En effet, les entreprises ont le défaut d’avoir été trop cloisonnées, avec d’un côté les personnes qui s'occupaient des affaires, d’autres qui produisaient des choses et celles qui soutiennent l’infrastructure. Désormais il s'agit d'aligner leurs objectifs et de s'assurer que les différentes parties puissent se parler directement, afin de demander et de recevoir des services dans les temps.

Il s'agit alors de créer de nouvelles plates-formes numériques, d'intégrer les infrastructures informatiques aux robots ou aux machines que vous avez sur le terrain, de préparer les données, de s'assurer que la cybersécurité est cohérente sur tous les sites de production, mais aussi de mettre en place un système agnostique et sécurisé du Edge-to-Core-to-Cloud, dont nous venons de parler. Si une organisation s’inspire des meilleurs pour construire cette base, elle pourra accélérer et finalement réussir la transformation de l'usine numérique.

[1] https://www.capgemini.com/gb-en/news/smart-factories-set-to-boost-global-economy-by-1-5-trillion-by-2023/

[2] https://www.pwc.com/gx/en/industries/industries-4.0/landing-page/industry-4.0-building-your-digital-enterprise-april-2016.pdf