1/ En quoi l’IA est-elle une vraie révolution dans l’environnement de travail ?

SV : Avant toute chose, il est important de démystifier l’IA. Dans le cadre du poste de travail, c’est réducteur de ne considérer que l’IA Générative. On retrouve l’IA sur 3 grandes zones.

Tout d’abord, l’IA est embarquée nativement dans les machines pour simplifier l’accès, améliorer l’UX ou automatiser des tâches. Par exemple, équipés de capteurs de présence, les PC s’allument et s’éteignent en fonction de votre présence, et elle seule. La machine peut détecter que c’est bien vous qui êtes en face de l’écran, plus besoin de filtre écran. Elle s’optimise aussi toute seule, passe en charge lente, améliore le fonctionnement des applications ou gère les bascules de réseaux en fonction de l’activité.

PG : On retrouve cette « AI by design » de plus en plus intégrée dans les matériels.

SV : Exactement ! Ensuite, on voit l’IA se développer pour les équipes IT, pour la gestion de parc, la distribution d’applications, les mise à jour ou les sauvegardes. C’est du maintien en condition opérationnelle automatique. Ces fonctions sont très utiles dans des environnements de plus en plus hétérogènes et dispersés.

Et pour finir, l’IA pour les utilisateurs, intégrée dans l’OS et dans les applications. Sur ce point, même si nous avons des partenariats avec des éditeurs, nous sommes agnostiques.

PG : Ces outils de productivité personnelle, Alexa, Siri, Cortana… existent depuis quelques temps. L’arrivée de ChatGPT est un palier qui a permis de démocratiser l’IA. L’intégration de l’IA Générative dans les outils permet plus de productivité, amène de l’aide à la décision et libère la créativité. Ces nouveaux usages vont aussi permettre de faire émerger de nouveaux modèles et de nouveaux métiers.

« Productivité, compétitivité et optimisation »

2/ Les gains sont donc tangibles et rapides ?

SV : Nous avons fait une étude sur le sujet. En France, trois gains majeurs se détachent : hausse de la productivité, amélioration de la compétitivité et optimisation des processus d’entreprises. Cependant, nous sommes en retard sur la génération de nouvelles sources de revenus ou la création de nouveaux marchés.

PG : Nous voyons des gains importants sur le secteur du ecommerce pour améliorer l’UX. Parcours et ciblages utilisateurs sont bien plus efficaces. C’est le grand retour des chatbots avancés, qui ne remplacent pas le téléconseiller mais l’assiste pour filtrer automatiquement les demandes.

3/ On parle beaucoup des effets d’hallucination, quels sont les biais de l’IA ?

SV : Il faut absolument former les utilisateurs, au prompt notamment pour poser les bonnes questions, mais surtout les informer. Il faut désacraliser l’IA, elle peut commettre des erreurs et inventer ses réponses ! Les taux d’hallucinations oscillent entre 3% et 15%, ce qui est énorme. Un cas médiatique reporte des inventions de jurisprudence lors d’une plaidoirie d’avocats.

PG : Je rajouterais deux autres points de vigilance : la qualité de la donnée (garbage in/garbage out) et la qualité de l’algorithme. L’intelligence artificielle et le machine learning permettront de mettre en œuvre un dispositif efficace de contrôle et de maintien de la qualité.

« La DSI doit garder la main »

4/ Les outils sont directement accessibles aux utilisateurs, la DSI garde-t-elle encore la main ?

SV : Elle doit garder la main, mais ce n’est pas évident !  Elle doit se transformer pour intégrer et projeter l’IA sur les métiers. La DSI doit composer avec différentes briques en s’alignant aux besoins fonctionnels des métiers. Il faut absolument éviter l’effet bien connu du Shadow IT.

PG : la DSI pour finir est garante du maintien en condition opérationnelle, de la sécurité et de la compliance. Elle joue  un rôle clé pour accompagner et structurer ces sujets d’innovation IA.

5/ Quelle est la maturité de vos clients sur ces sujets d’IA ?

SV : Les niveaux de maturité sont très différents mais globalement les entreprises sont en phase exploratoire. Les DSI en mode agile, bien avancées sur le Cloud, seront rapidement prêtes. Les autres creusent le fossé qui les séparent de l’innovation mais peuvent rapidement se rattraper. Mais il faut absolument définir une vraie politique IA à l’échelle de l’entreprise. Il n’y a pas encore de CAIO, mais ça va arriver !

PG : En effet, les clients avancés sur les sujets data sont assez mûrs pour l’IA. Ils veulent maintenant de la capacité de stockage, des nœuds, de la cybersécurité. Les autres cherchent à appréhender le modèle, se baladent de colocations en colocations, sans vraie stratégie de déploiement. La bonne solution serait de définir les use case par métiers, un à un, afin de vraiment percevoir l’intérêt de l’IA pour chaque département de l’entreprise.

« L’IA à tous les étages »

6/ Les cordonniers sont-ils les plus mal chaussés ? Quels usages de l’IA dans vos structures respectives ?

SV : Nous sommes des cordonniers bien chaussés qui utilisons l’IA depuis quelques années. Dans nos usines tout d’abord pour de l’assurance qualité sur les chaînes de fabrication de PC. Dans la phase de montage, avant les tests, des caméras hautes fréquences font la chasse aux erreurs ou dysfonctionnements. Nous avons ainsi gagné 20% de productivité.

Il y a aussi tout ce qui est auto-diagnostique et anticipation grâce à la maintenance prédictive.

Au niveau commercial, nous utilisons l’IA pour optimiser nos processus de qualification d’opportunités. Avec 80% de prédictions d’affaires justes, l’IA est plus performante que l’humain (60%). Grâce à l’IA, la force commerciale se concentre sur les affaires les plus sûres. Et pour aller un cran plus loin, l’IA Générative va pouvoir prochainement conseiller l’équipe commerciale en analysant le marché et en envoyant par mail des pistes de réponses.

PG : Nous avons à traiter énormément d’informations produits, marché et business. Nous avons besoin de synthétiser, d’analyser plus en détail, afin de répondre de manière plus satisfaisante à nos clients et d’être nous-mêmes plus efficaces. Nous testons actuellement l’IA sur notre plateforme de ecommerce et dans notre centre d’appels, pour le service clients.

7/ Que sentez-vous venir une fois l’euphorie IA passée ?

SV : La question environnementale ! Peu d’entreprises se posent en effet la question de l’impact de l’IA sur le data center, et pas que sur la dimension énergétique. Et bien évidemment les questions de la sécurité et de la compliance.

PG : Une fois l’effet nuage passé, il va en effet falloir se pencher sur l’impact de l’IA sur le SI. Côté écoresponsabilité, je suis de l’école « small is beautifull », à savoir se concentrer sur le métier, faire les bons choix de LLM et maîtriser ses coûts.

Le marché mûrit... à vitesse grand V.