Des usages variés selon les secteurs

Les intervenants ont eu l’occasion de partager les retours d’expérience propres à leurs secteurs respectifs. Si certains exploitent déjà des modèles d’IA pour ajuster leurs processus – comme par exemple l’optimisation des approvisionnements de matériaux en milieu industriel ou l’analyse des causes d’absentéisme au sein des RH – d’autres en sont encore aux débuts de la démarche d’intégration de l’IA et de l’automatisation dans leurs processus  de gestion.

Le Responsable des Applications IT d’un groupe spécialisé dans l’emballage industriel a notamment mis en avant l’apport du Machine Learning dans l’anticipation des pertes de clients. En analysant les comportements d’achat, les délais de réapprovisionnement ou encore les volumes de commandes, ces modèles permettent d’identifier des signaux faibles indiquant un risque de désengagement d’un client. 

Néanmoins, plusieurs participants ont fait part de la difficulté à intégrer l’IA en raison de la coexistence de plusieurs ERP – installés depuis plus de 30 ans au sein du groupe précédemment cité. Pour y remédier, la centralisation des systèmes et/ou des données, ou le recours à des outils facilitant la communication entre ces derniers sont des pistes envisageables. 

L’augmentation des coûts et la gestion des ressources 

Un autre point soulevé au cours des discussions concerne la hausse des coûts des solutions Cloud, notamment chez des fournisseurs comme Microsoft Azure. Avec des augmentations tarifaires pouvant atteindre 30 à 40 %, les entreprises doivent réévaluer leur stratégie d’infrastructure IT. Cette évolution a un impact direct sur l’implémentation des solutions d’IA et d’automatisation au sein des ERP : certaines organisations choisissent de rationaliser leurs outils, en réduisant le nombre d’environnements Cloud ou en abandonnant certains services jugés non essentiels. 

Entre innovation technologique et optimisation des coûts, des arbitrages doivent donc être opérés : l’IA et l’automatisation offrent certes des gains de productivité et de performance, mais leur adoption implique une réflexion préalable sur les ressources disponibles et les priorités budgétaires. 

Analyser les contrats pour détecter les clauses à risque 

La gestion des contrats s’est révélée être un autre sujet clé. En s’appuyant sur les outils de gestion des contrats inclus dans certains ERP, l’IA pourrait automatiser l’analyse des clauses contractuelles, détecter celles qui présentent des risques et faciliter la mise en conformité. En identifiant plus rapidement les points sensibles, elle permettrait aux entreprises de mieux maîtriser leurs engagements contractuels et de limiter les litiges. 

Le Vice-Président des Ventes d’un éditeur d’ERP a confirmé la pertinence de cette approche, soulignant que certaines clauses sont parfois mal comprises et exposent les entreprises à des risques majeurs. 

Selon lui, l’un des défis majeurs réside dans la diversité des attentes contractuelles des clients. Les entreprises souhaitent parfois  adapter les contrats à leurs propres exigences, ce qui complique la gestion des obligations légales et administratives. Aux États-Unis, par exemple, la signature d’un accord de confidentialité (NDA) est une pratique courante, mais chaque entreprise utilise son propre modèle, avec des exigences spécifiques. Ces divergences rendent l’analyse et la gestion des contrats complexes et chronophages. L’IA pourrait répondre à ces défis en facilitant l’examen et la comparaison des clauses contractuelles. Des outils capables d’analyser automatiquement les risques liés aux NDA devraient bientôt voir le jour. 

Encadrer l’usage du Shadow IA 

L’utilisation non officielle d’outils IA (Shadow IA) a également alimenté les discussions entre les différents intervenants. Plutôt que d’interdire ces pratiques, ces derniers ont insisté sur l’importance d’une sensibilisation des équipes et d’un cadre clair pour en limiter les risques. Une chose est sûre : l’interdiction de certaines IA génératives amène beaucoup d’utilisateurs à contourner le problème en se tournant vers des solutions non encadrées, ce qui expose l’entreprise à des vulnérabilités en matière de sécurité et de conformité. L’instauration d’une charte d’utilisation et l’éducation des utilisateurs sur les dangers ont été mises en avant. L’idée n’est pas d’empêcher l’accès à ces outils, mais d’en assurer une adoption contrôlée et sécurisée. 

Sécurisation des infrastructures et IA 

Autre point soulevé par un DSI dans l’industrie verrière/luxendustrie verrière : la cybersécurité qui ne doit pas se cantonner à la protection des données, mais englober également la sécurisation des infrastructures physiques et des processus de production. Pour illustrer son propos, ce DSI a insisté sur les conséquences dramatiques d’un incident technique ou d’une cyberattaque dans son secteur d’activité, qui vont bien au-delà d’une simple fuite d’information : pertes matérielles, arrêt brutal de la production, mauvaises retombées vis-à-vis des partenaires… 

L’IA pourrait permettre d’anticiper ces risques en détectant des anomalies, en renforçant la surveillance des infrastructures critiques et en optimisant les mesures de réponse aux menaces potentielles. 

IA et évolution des métiers : complémentarité ou remplacement ? 

L’adoption de ces technologies suscite des réactions diverses parmi les employés. Dans certaines usines ou certains entrepôts par exemple, elles sont perçues comme une aide permettant d’économiser du temps sur des tâches répétitives. Ailleurs, elles engendrent des inquiétudes quant à la pérennité de certains postes, et nécessitent donc une démarche pédagogique pour expliquer que son rôle complémente celui des équipes. 

L’importance d’une familiarisation progressive avec ces outils a été mise en avant. Plutôt qu’un remplacement des effectifs, l’IA doit être vue comme un moyen d’optimiser le travail et de redéfinir certaines missions. 

Enthousiasme démesuré ou réalité freinée par les coûts ? 

La discussion a également porté sur l’engouement autour de l’IA. Une DSI d’un acteur majeur de la  maintenance industrielle pense que cet engouement ne va pas tarder à retomber. Le coût élevé et les difficultés d’intégration de l'IA freinent encore son adoption à grande échelle. Un DSI a souligné que même les grandes entreprises doivent modérer leurs investissements, les budgets dédiés restant conséquents. 

Certaines organisations disposent des ressources nécessaires pour développer ces solutions en interne, tandis que d’autres, plus limitées, préfèrent externaliser ces compétences. Dans tous les cas, l’IA reste un domaine en constante évolution dont l’intégration dépendra des priorités et des moyens de chaque entreprise. 

IA et programmation : deux disciplines complémentaires ? 

Le rôle de l’IA dans le développement informatique a été également discuté. Plusieurs intervenants ont comparé la programmation à de l'art : l’IA pourrait reproduire les œuvres basiques, mais l’intervention humaine reste essentielle pour réaliser une véritable œuvre d'art. 

Un potentiel qui reste à structurer 

Pour conclure, les différents protagonistes se sont accordés sur le fait que l’IA et l’automatisation transforment progressivement le rôle et le fonctionnement des ERP en optimisant les processus métiers et en améliorant l’analyse des données. Toutefois, des obstacles persistent, notamment en termes de coûts, de sécurité et d’acceptation au sein des équipes. 

Pour en tirer pleinement parti, les entreprises doivent structurer leur approche, former leurs employés et anticiper les ajustements nécessaires. L’IA continue d’évoluer, mais son intégration à grande échelle dépendra des stratégies mises en place et de la capacité des organisations à en tirer un véritable profit.