Comment appréhendez-vous les premiers échanges avec une PME qui souhaite se lancer dans un projet IA ?

Erwan Benech : Il n’existe pas un scénario unique : chaque projet IA démarre différemment selon le secteur, la maturité ou les objectifs. Cela dit, dans les PME, on observe souvent un besoin initial d’acculturation au cloud et à la donnée. Les dirigeants ont souvent des idées précises – parfois ambitieuses – mais sans toujours disposer du socle technique pour les mettre en œuvre. Il faut d’abord faire un état des lieux : est-ce que l’infrastructure est encore on-premise ? Y a-t-il une vraie stratégie de gestion de la donnée ? C’est la première couche, et elle est souvent manquante. Une fois cette base posée, on peut mettre en place un espace d’expérimentation pour faire émerger des cas d’usage utiles en fonction du contexte métier.

Quels sont les freins les plus fréquents auxquels vous êtes confrontés ?

E.B : Je dirais la complexité perçue. Beaucoup hésitent à s’engager dans un projet IA par crainte de ne pas avoir les compétences en interne, ou de mal évaluer l’impact budgétaire. Souvent, les équipes sont restreintes, les profils pas toujours acculturés aux enjeux cloud, et parfois réticents à s’aventurer sur un terrain qu’ils ne maîtrisent pas. C’est là que l’accompagnement complet de Devoteam prend tout son sens. Il faut aussi savoir cadrer les envies des porteurs de projets – certains imaginent des dispositifs très ambitieux alors qu’il faut viser une approche ciblée et pragmatique, avec des bénéfices mesurables.

Et pour passer du POC à la mise en production ?

E.B : C’est un vrai sujet. Beaucoup de POC ne dépassent jamais le stade expérimental. Chez Devoteam, nous avons développé une approche agile : en six semaines, nous pouvons livrer un premier outil en production. L’essentiel est d’avoir un besoin métier bien défini, des attendus clairs, et un périmètre maîtrisé. Par exemple, pour le magazine L’Équipe, nous avons conçu en moins de 30 jours un podcast quotidien généré par IA pendant les Jeux Olympiques, qui compilait les performances françaises, les classements et les perspectives à venir. C’était un projet exigeant – avec une deadline non négociable – et pourtant nous l’avons livré dans les temps. Cela prouve que des PME peuvent bénéficier de ce type d’approche agile.

« Un besoin métier bien défini, des attendus clairs, et un périmètre maîtrisé sont les premières briques à poser pour réussir un projet IA »

Cette approche, pensée pour s’adapter à des contraintes fortes, a également été déployée dans un tout autre cadre : celui du club de basket Levallois Metropolitans. Quelles ont été les spécificités de ce projet ?

Le club partait de zéro sur la data et l’IA. Nous les avons accompagnés de A à Z pour créer une plateforme d’aide à la décision, qui centralise différentes sources de données — performances individuelles, statistiques de matchs, état de forme, données biométriques — pour générer des recommandations. Concrètement, la plateforme permet au staff de prendre des décisions plus éclairées, d’anticiper plutôt que de réagir, et de valoriser pleinement les forces de l’effectif. Elle est notamment utilisée pour affiner le recrutement (profilage de joueurs), optimiser la composition du cinq majeur en fonction de l’adversaire ou encore analyser les causes d’une défaite grâce à des indicateurs objectifs. C’est un véritable outil opérationnel au service de la performance : le coach s’appuie sur ces analyses pour ajuster sa stratégie, avant et après les matchs.

Qu’est-ce qui rend ce projet particulièrement révélateur du potentiel de l’IA ?

C’est un cas d’usage très concret, qui montre que l’IA peut avoir un impact opérationnel et stratégique, même dans un environnement aussi « intuitif » que le sport de haut niveau, où le ressenti et la vision personnelle du coach comptent énormément. Mais l’IA ne doit pas se substituer à cette vision, elle permet plutôt de l’augmenter. En analysant des volumes massifs de données — historiques de performance, corrélations entre joueurs, tendances tactiques adverses — elle permet de mettre en lumière des éléments imperceptibles, même pour un œil aguerri. Dans la sphère du haut niveau, où chaque détail compte, c’est un véritable atout pour prendre les bonnes décisions.

« L’IA ne doit pas se substituer à la vision du coach, elle permet plutôt de l’augmenter. »

Comment avez-vous structuré l’architecture technique du projet ?

Nous avons construit une plateforme data sur mesure, dans laquelle nous avons intégré des briques d’IA générative via Amazon Bedrock. Ce service managé d’AWS permet d’accéder à plusieurs modèles pré-entraînés sans avoir à gérer l’infrastructure sous-jacente. Dans notre cas, nous avons utilisé le modèle Claude 3.5 Haiku. Concrètement, le coach peut interroger la plateforme avec des questions comme : « Face au club de Lorient, comment adapter ma stratégie en défense ? » L’IA exploite les données collectées — statistiques de matchs, indicateurs biométriques, historiques de performance — en appliquant des modèles d’apprentissage automatique adaptés, comme des algorithmes de clustering pour identifier des profils types de joueurs, ou des modèles prédictifs pour anticiper les performances individuelles et collectives. Ces traitements automatisés génèrent rapidement des recommandations fiables, notamment pour la sélection des joueurs et les ajustements tactiques. Tout cela est intégré dans une interface intuitive, ce qui permet au club de bénéficier des résultats sans avoir à gérer la complexité des algorithmes, des infrastructures de calcul ou de la préparation des données.

Ce cas d’usage est-il transposable dans d’autres secteurs ?

Absolument. Ce que nous avons réalisé avec le club de Levallois peut s’appliquer à d’autres environnements où la prise de décision rapide et fondée sur la donnée est cruciale. Nous avons par exemple travaillé avec le groupe Five Guys sur un outil d’aide à la décision, basé sur la donnée de consommation. Si un segment de chiffre d’affaires chute, l’IA peut aider à identifier les causes en analysant l’historique, les corrélations, etc. L’important, c’est que l’entreprise ait structuré ses données. Ensuite, avec les bons outils – et AWS en fournit de très puissants – on peut rapidement tirer des enseignements actionnables.

« Avec 30 jours-hommes, nous pouvons déjà construire un POC pertinent »

Et si un dirigeant de PME doute encore du retour sur investissement ?

Je lui dirais que l’IA n’est pas un mythe ni une technologie inaccessible. Cela peut sembler complexe au premier abord, mais en réalité, il s’agit surtout de reconnaître des schémas répétitifs, d’appliquer des calculs précis et de suivre une démarche structurée. Avec 30 jours-hommes, nous pouvons déjà construire un POC pertinent. Les outils sont là, les modèles sont prêts, il faut surtout définir le bon cas d’usage. Et c’est là que les équipes Devoteam interviennent, pour rendre tout cela concret, opérationnel, et aligné avec les enjeux métier.