Un secteur en mutation face à la dématérialisation
Si la numérisation a réduit les volumes d'impression traditionnels, elle a simultanément créé de nouvelles opportunités dans la gestion électronique des documents (GED). Des technologies comme la signature électronique ou la dématérialisation des factures redéfinissent les pratiques du secteur. Comme le résume Tanguy Bouffard, président du SNESSII : "Stocker l'information, y accéder de la manière la plus rapide et la plus sécurisée possible, tout en respectant les contraintes et l'impact environnemental, tel est le principal enjeu auquel la filière est aujourd'hui confrontée."
Cette transformation s'est accélérée avec la crise du COVID-19. Antoine Desnos, directeur communication de Xerox, note que "le monde du travail est devenu dématérialisé, hybride et décentralisé. L'enjeu aujourd'hui, c'est d'imprimer moins mais mieux."
L'intelligence artificielle : un tournant décisif, mais exigeant, en matière d’automatisation
L'intégration de l'IA dans les systèmes de GED représente un tournant majeur pour le secteur. Cette technologie permet désormais d'automatiser de nombreuses tâches administratives, de la reconnaissance de l'écriture manuscrite au traitement des factures.
William Biotteau, vice-président ventes indirectes et marketing de Toshiba, explique que "pour les TPE, le traitement des factures automatisées est généralement manuel et source d'erreurs. L'IA extrait l'ensemble des données d'une facture pour les intégrer directement dans les logiciels de comptabilité."
Cette évolution technologique s'accompagne d'exigences strictes en matière de traitement des données. William Biotteau identifie "trois piliers à respecter : la structuration de la data, la cybersécurité et la compliance." La maintenance prédictive, rendue possible par l'analyse en temps réel des données, permet désormais d'optimiser les interventions techniques et de "prévoir les pannes pour intervenir beaucoup plus rapidement."
En termes d'environnement de travail, les matériels d'impression deviennent de véritables assistants professionnels grâce aux applications métiers embarquées. Antoine Desnos souligne que "90% des tâches fastidieuses et répétitives peuvent être traitées grâce à l'IA en environnement de travail."
Loin des craintes initiales, les professionnels estiment que l'IA n'est pas une menace pour l'emploi mais plutôt une opportunité pour améliorer le quotidien des collaborateurs en les libérant des tâches répétitives. William Biotteau conclut : "Une IA bien intégrée transforme la productivité, anticipe le besoin et ouvre la voie vers une innovation durable."
Cybersécurité : un enjeu souvent négligé, mais critique
La sécurité des systèmes d'impression constitue un autre défi majeur mais souvent négligé. Philippe Pelletier, directeur marketing de Canon, rappelle qu'un système d'impression moderne "est composé d'un processeur, d'une mémoire, parfois d'un disque dur, d'une carte wifi, d'une carte réseau et donc s'apparente à un ordinateur." Or, pendant trop longtemps, ces équipements n'ont pas été considérés comme des environnements informatiques à part entière, les exposant à des risques critiques.
Les menaces sont aujourd'hui concrètes, comme l'illustre Benjamin Claus, directeur marketing de Kyocera, avec des exemples d'incidents réels : imprimantes détournées pour imprimer des documents non sollicités chez un constructeur automobile japonais, ou données confidentielles récupérées sur des disques durs d'imprimantes revendues.
Pour sécuriser ces systèmes, Benjamin Claus préconise le principe des "3A" : authentification, autorisation, accounting. Cette approche implique notamment l'utilisation de badges d'identification pour attribuer des droits d'accès précis. La sécurité doit également être intégrée dès la conception des équipements, avec des solutions comme le chiffrement des données et la destruction sécurisée des informations en fin de vie.
Malgré ces avancées, la sensibilisation reste un défi majeur, particulièrement auprès des PME. Une étude du SNESSII révèle que "pour 60% des dirigeants de PME, le système d'impression ne figurait pas parmi leurs premières préoccupations." L'évolution réglementaire, avec l'arrivée de NIS2 et du Cyber Resilience Act, obligera néanmoins les organisations à renforcer leur sécurité.
RSE : une préoccupation désormais centrale
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est devenue un véritable enjeu pour le secteur. Mickael Creche, directeur RSE de Ricoh France, observe que les entreprises ont pris conscience des conséquences concrètes du réchauffement climatique, qui ne sont plus perçues comme un simple argument marketing.
La pression s'intensifie sur plusieurs fronts : les clients exigent des informations précises sur les engagements RSE dans les appels d'offres, la réglementation se renforce avec des directives comme la loi AGEC et la CSRD, et les investisseurs intègrent de plus en plus l'écoresponsabilité dans leurs critères de décision.
Face à ces exigences, le secteur développe des pratiques plus responsables. "Dans le cycle de l'impression, la part du papier représente encore 80% des émissions de gaz à effet de serre," rappelle Mickael Creche. La sensibilisation des collaborateurs constitue également un levier important, tout comme l'écoconception des matériels intégrant des matériaux recyclés et optimisant la consommation énergétique.
Des initiatives comme le consortium Conibi, qui collecte et recycle les consommables usagés, témoignent de l'engagement du secteur. Magali Moreau, directrice marketing de Sharp France, souligne que "nos clients nous demandent de plus en plus des KPI très spécifiques" en matière environnementale.
"Nous sommes à un carrefour en termes d'éveil des consciences et de compréhension des impacts environnementaux," conclut Mickael Crèche, affirmant que "ce sont là des enjeux que les entreprises du SNESSII sont fières de porter."
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