En quoi le processus d'innovation dans le secteur de la finance diffère-t-il de ce processus dans d'autres secteurs ?

Artem Gimadiev : Alors que presque toutes les entreprises cherchent aujourd'hui à attirer et à fidéliser les clients grâce à de nouveaux produits et services, l'innovation dans le secteur financier est souvent contrecarrée par des contraintes de gestion des risques. Et si la disruption est un moyen de modifier la dynamique d'un marché, une organisation du secteur financier se méfiera d'une telle démarche en raison du poids et de la complexité de la conformité réglementaire.  En conséquence, le défi n’est pas tant de proposer une nouvelle offre, mais plutôt de faire preuve de rapidité dans la création de nouveaux services, l’amélioration de l’expérience client, l’optimisation des opérations de back-end…

De plus, les organisations ont collecté des térabits de données pendant des décennies, qui sont désormais stockées dans leurs applications et systèmes centraux hérités. Ces systèmes centraux ont été conçus pour être robustes et pour traiter d'énormes volumes de données et de transactions, mais ils n'ont jamais été destinés à se déplacer rapidement ou à évoluer facilement.

Ainsi, avant la pandémie, les taux d'intérêt bas ont accru la pression exercée sur les banques pour qu'elles réduisent leurs coûts informatiques. La pandémie a exacerbé ce problème, si bien que les banques se démènent aujourd’hui pour fournir de nouveaux services et des solutions informatiques plus rapidement et à moindre coût.

Quelle valeur la modernisation des applications apporte-t-elle au secteur financier ?

A.G. : Selon une récente étude Forrester, 90% des cadres du secteur des services financiers estiment que pour poursuivre leur croissance, ils doivent améliorer l’expérience client, et donc fournir de meilleures applications. Paradoxalement, seulement la moitié d’entre eux sont satisfaits de l’expérience clients qu’offrent leurs portefeuilles d'applications actuels ! Et plus de la moitié d'entre eux admettent également qu'ils n'y ont apporté aucune amélioration depuis près d'un an… Il y a un véritable fossé entre les aspirations et la réalité !

En modifiant le comportement des clients et leurs attentes, la fintech a transformé la banque. Pour satisfaire les nouvelles attentes des consommateurs, elle doit à présent offrir des fonctionnalités numériques innovantes et de nouvelles capacités. Aussi y a-t-il un véritable besoin de moderniser les systèmes centraux et les applications orientées utilisateurs. De plus, la modernisation des applications permet de mettre en place de nouveaux modèles de delivery. Ces derniers doivent être compatibles avec la technologie et les talents d'aujourd'hui, afin d'attirer des gens compétents, capables d’évoluer en fonction du changement.

Il y a trois ans, la plupart des entreprises financières dépensaient moins d'un million pour l'amélioration de leurs applications. Aujourd'hui, ce chiffre avoisine les 5 millions et les études menées prévoient que les banques dépenseront jusqu'à 10 millions par an pour développer des applications de qualité supérieure. La raison ? En améliorant l'expérience du client, en attirant de nouveaux utilisateurs et en réduisant les risques de leur plate-forme existante, ces investissements apportent une valeur tangible.

Pourquoi est-ce si difficile pour les banques de moderniser leurs systèmes ?

A.G. : Les plateformes bancaires d'aujourd'hui se répartissent en trois catégories : les systèmes hérités, les plateformes orientées services et les plateformes cloud natives.

En juillet dernier, la banque turque Akbnk a connu une sévère indisponibilité : pendant plus de 24 heures, les clients n'ont pas pu utiliser leur application bancaire ou retirer de l’argent au guichet automatique ! Il s’est avéré qu’il y avait des problèmes avec la couche de donnée de leur application centrale monolithique.

J'ai beaucoup discuté de la transformation des applications monolithiques en micro-services avec des DSI : tous s’accordent à dire que leur préoccupation principale est de garantir l'intégrité des transactions. Or la transformation des applications existantes en microservices cloud native comporte d'énormes risques pour l'intégrité des transactions, ce qui oblige les banques à ralentir le processus de modernisation pour faire preuve de prudence.

En conséquence, la majorité des institutions financières dotées d'infrastructures héritées ont du mal à franchir le cap de la modernisation et s'efforcent de trouver le bon équilibre entre vitesse et risques. Certaines s’étaient lancées dans d’ambitieux plans de modernisation et de migration vers les clouds publics mais n'ont pas réussi à livrer et à migrer les workloads vers des plateformes cloud-natives à grande échelle. Les inquiétudes liées aux risques sont tout à fait légitimes, mais en n'avançant pas assez vite, les banques augmentent les risques liés à leur plateforme existante, comme l’a montré l’indisponibilité d’Akbank.

Quelle est alors l'approche de VMware pour moderniser les applications ?

A.G. :  VMware, et en particulier VMware Tanzu, aident les banques à accélérer leur prestation de services et à moderniser leurs applications sans compromettre leur sécurité ou leur intégrité. Toutefois, la transformation numérique, ce n’est pas mettre des pneus neufs sur une vieille voiture ! Ainsi, nous avons développé cinq étapes-clés pour aider les infrastructures financières à mettre à niveau leur stratégie technologique :

  • Évaluez ce que vous possédez et où vous pouvez vous permettre de prendre des risques
  • Comprendre l'environnement réglementaire.
  • Se concentrer sur la sécurité et la stabilité
  • S'assurer que vous avez le bon type de talent
  • Construire un plan réaliste.

L'approche moderne du logiciel est celle d'un processus unique, continu et itératif. Les équipes produits doivent avoir l’opportunité d’innover, mais aussi d’échouer.
VMware propose un ensemble de services dans cette optique. Lors des Tanzu Labs, nous travaillons aux côtés des équipes de nos clients pour évaluer leur environnement et leur portefeuille de services grâce à notre App Navigator. Le but est également de clarifier les profils de risque pour ces workloads et de prioriser les applications pour la transformation future. Enfin, nous les aidons à renforcer les capacités et installer un processus de livraison cohérent. Parfois, nous recommandons aux équipes d'identifier les domaines dans lesquels elles peuvent se permettre de prendre certains niveaux de risques, parfois de s'éloigner des systèmes bancaires centraux et se tourner vers des applications bancaires mobiles… Cette évaluation est essentielle.

Concernant le deuxième point, la réglementation, c’est une évidence : quand on cherche à moderniser des applications, il est vraiment impératif de prendre en compte la sécurité dès le départ. VMware Tanzu est extrêmement bien positionné à cet régard, car notre approche multi-cloud garantit l’intégrité des processus existants et de la politique de sécurité et de mise en réseau dans des environnements privés et publics, quelle que soit l’infrastructure.

Enfin, les institutions financières et les banques ont toujours été très orientées “projet”, ce qui a conduit les employés à développer une approche " start and stop " au fil des ans. Aujourd'hui cependant, nous nous dirigeons vers un monde orienté vers les produits, avec des améliorations continues : les équipes doivent avoir une marge de manœuvre, une bonne culture et même le budget pour l'échec avec le soutien critique des cadres.

Pour conclure, j’aimerais citer Richard François, vice-président de JPMorgan Chase : "la qualité ne suffit pas, nous avons besoin de qualité à l'échelle ". Avec plus de 30 000 développeurs dans le monde et plus de 6 000 déploiements de code par jour sur plus de 6 500 applications, JPMC est une preuve en direct que pour vraiment réussir dans le monde moderne, les infrastructures de services financiers doivent devenir des entreprises de logiciels. C'est en cela que VMware aide les organisations de services financiers.