Quatre procureurs généraux de l'Arizona, de l'Oklahoma, du Nevada et du Texas ont demandé au tribunal fédéral de prendre une ordonnance restrictive temporaire et une injonction préliminaire contre le projet de transfert des fonctions de l'Internet Assigned Numbers Authority (IANA) à l'Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann), l’organisme chargé de gérer les noms, les adresses et les paramètres d'Internet au niveau mondial. L’Icann, sous contrat avec le ministère du Commerce, gère les fonctions de l'IANA, notamment la responsabilité de la coordination du serveur DNS racine, l'espace d'adressage IP et d’autres ressources partagées de numérotation requises soit par les protocoles de communication sur Internet, soit pour l'interconnexion de réseaux à Internet. Le mois dernier, la NTIA (National Telecommunications and Information Administration), l’Administration nationale de l’Information et des Télécommunications, qui dépend du ministère du Commerce, a déclaré que, conformément à un premier projet annoncé en mars 2014, elle mènerait à bien le transfert du contrôle des fonctions de l'IANA à un organisme multipartite au 1er octobre. 

Le procès fait suite à la tentative, échouée, des sénateurs républicains d’inclure une disposition bloquant le transfert dans une résolution sur le financement du gouvernement. Selon les Républicains, ce transfert revient à remettre la gouvernance de l’Internet à des régimes autoritaires qui censurent l'internet. Mais, selon leurs opposants, ces transferts ne concernent que des fonctions techniques comme la coordination de la gestion des DNS, lesquelles n’ont vraiment aucun lien avec la censure ou le blocage de l'accès à Internet des utilisateurs. Dans la plainte déposée devant la Cour de district des États-Unis pour le district sud du Texas, les procureurs généraux disent craindre que les États-Unis ne perdent le contrôle du domaine de premier niveau .gov, utilisé par les États. « Actuellement, c’est à la NTIA que revient le pouvoir d'autoriser les changements effectués par l'Icann. Si la NTIA ne parvient pas à renouveler son contrat et renonce à son pouvoir d'approbation, l'Icann pourrait prendre des mesures unilatérales affectant négativement l'adresse .gov », expliquent les plaignants.

Obama pressé de bouler ce dossier avant les élections 

Le seul contrôle que les États-Unis ont pour sauvegarder les domaines de premier niveau .gov et .mil est décrit par un échange de lettres, « non contraignantes et non certifiées par un contrat légal qui garantirait pour l’avenir le contrôle des États-Unis et la propriété de ces domaines », ont ajouté les procureurs généraux. Ceux-ci se disent préoccupés par la suppression éventuelle, par l'Icann, de ce premier niveau de nom de domaine .gov ou par son transfert à une autre entité. Dans l’échange de lettres, l’Icann affirme qu'il ne transfèrera pas les domaines de premier niveau .mil, .gov, .edu et .us, administrés par les États-Unis, « sans avoir préalablement obtenu l'autorisation écrite expresse de la NTIA ». Le groupe de Républicains, parmi lesquels on trouve le sénateur Ted Cruz, demande à ce que le gouvernement certifie au Congrès que les États-Unis disposeront de la propriété exclusive des domaines de premier niveau .gov et .mil et que, par contrat, le gouvernement jouira d’un contrôle exclusif et le droit d’utilisation de ces domaines à perpétuité.

Les procureurs généraux font également valoir que, selon eux, les fonctions de l'IANA sont la propriété du gouvernement des États-Unis et que leur suppression nécessiterait l'approbation du Congrès. Mais celle-ci n’a pas été obtenue jusqu'à présent. Pour appuyer leur demande, les procureurs font référence à un contrat conclu le 1er octobre 2012 par l’IANA, selon lequel « tout élément livrable fournit en vertu du présent contrat », y compris « la zone racine générée automatiquement » sont « la propriété du gouvernement des États-Unis ». L’U.S Government Accountability Office (GAO), un organisme d'audit, d'évaluation et d'investigation du Congrès des États-Unis chargé du contrôle des comptes publics du budget fédéral des États-Unis, a récemment déclaré dans un avis juridique fourni à la demande des législateurs qu'il « était peu probable que le fichier des zones de domaines - le carnet d'adresses public du système de nom de domaine Internet de premier niveau - ou le système de noms de domaine Internet dans son ensemble » soient la propriété du gouvernement des États-Unis.

Recours au 1er amendement 

Dans un autre volet de la plainte, les procureurs généraux d’État estiment encore que le transfert a des implications liées au premier amendement de la Constitution des États-Unis. « En acceptant ce transfert, le gouvernement américain cède le « contrôle des « énormes forums démocratiques de l'Internet » à des parties privées », et leur donne le champ libre ». Les procureurs généraux ont fait valoir que l’éventualité d’un préjudice l’emportait sur les dommages dont pourraient avoir à répondre les défenseurs. Cet argument pourrait peser en leur faveur au moment où le juge décidera de la suite à donner à leur demande d’ordonnance restrictive temporaire immédiate et d’injonction préliminaire pour bloquer la décision du gouvernement fédéral. Les procureurs ont également demandé un jugement et une injonction permanente contre le transfert. Si un juge du Texas vient de refuser de bloquer le transfert, un tribunal pourrait encore juger que la NTIA n'a pas le pouvoir de «renoncer à ses responsabilités» et pourrait ordonner à l'Icann et NTIA de négocier un nouveau contrat.

Les entreprises technologies comme Google ont soutenu la transition des fonctions de l'IANA à l'Icann. Le contrat du gouvernement américain avec l'ICANN a toujours eu un caractère temporaire, et depuis la création de l'Icann en 1998, les États-Unis « ont invité la communauté mondiale de l'Internet à décider du futur de l'Internet », a écrit dans un blog Kent Walker, avocat-conseil de Google.