La « révolution de Jasmin » secoue la Tunisie. Les conséquences politiques ou géopolitiques complexes de la crise ne concernent pas les DSI dans leur fonction mais ceux-ci doivent malgré tout tenir compte de la situation. Pays où le personnel qualifié reste bon marché, la Tunisie a attiré certaines externalisations IT. De plus, la contagion au reste du Maghreb n'est pas à écarter alors que l'ensemble de la zone, (surtout le Maroc), est appréciée pour les centres de contact des entreprises françaises, comme le groupe France Télécom.

« Nous n'avons pas de chiffre mais l'externalisation IT vers le Maghreb reste modeste » juge Jean-Paul Binot, président de la commission Global Sourcing de l'EOA (European Outsourcing Association France). Pour lui, « l'exposition aux risques locaux des entreprises françaises est marginale. Le Maghreb est surtout une destination pour les centres de contact B2C et il y a très peu, dans ces pays, de développement ou de BPO [Business Process Outsourcing, externalisation globale de processus métier, NDLR]. » Les risques sont donc limités et les solutions de replis aisées. Il en serait tout autrement en cas de crise majeure en Inde (comme une guerre avec le Pakistan par exemple). Les risques liés à la Tunisie semblaient être connus depuis des années, tant des entreprises françaises que du gouvernement aujourd'hui renversé. Jean-Paul Binot se souvient d'une conversation qu'il avait eu avec un officiel qui lui avait avoué : « le défi de la Tunisie est de fournir des emplois pour occuper une main d'oeuvre abondante, jeune et qualifiée ».

Des leçons à retenir pour l'off-shore, à commencer par le global sourcing

Doit-on fuir la Tunisie pour toute externalisation et trouver des solutions de replis ? Pour Jean-Paul Binot, la situation va rapidement se stabiliser et, surtout, « aider la Tunisie passe par l'encouragement au vrai near-shoring dans ce pays ». La crise tunisienne aura au moins l'avantage de rappeler que tout off-shore, même le near-shore, comporte une part non-négligeable de risques. « Des pays comme l'Ile Maurice ont su tirer parti de leur stabilité politique, du fait que c'était un état de droit, pour attirer les investissements » rappelle Jean-Paul Binot. Pour lui, « le risque politique est associé à l'off-shore car les pays de destinations sont des pays à bas coût, par nature peu stables politiquement ou socialement. Même l'Inde, la plus grande démocratie du monde, connait ses crises... » (...)

Quand, en France, quelques centimètres de neige peuvent paralyser le pays, il faut aussi se rappeler que les pays à bas coût sont soumis à des phénomènes naturels sans commune mesure : tremblements de terre, raz-de-marée, mousson, ouragans... « Le global sourcing [une politique d'acquisition répartissant les achats au niveau mondial, NDLR] repose d'ailleurs sur la prise en compte des différents risques, la répartition des investissements entre les zones afin de diminuer l'exposition à un incident localisé et enfin sur la prévision de plans de secours en cas de problème » rappelle Jean-Paul Binot. Comme toujours, le moins-disant en terme de prix n'est pas toujours le meilleur choix. Un moins-disant dans une zone à forts risques peut, au final, coûter très cher.

Mais tout conserver en France ne réduit pas forcément tous les risques à zéros. Jean-Paul Binot indique ainsi : « quand on fait une analyse de risques sérieuse en France, ce n'est pas triste. Une simple crue majeure de la Seine aurait bien plus de conséquences sur l'économie française que les évènements en Tunisie. »

Illustration principale : Jean-Paul Binot, président de la commission Global Sourcing de l'EOA (European Outsourcing Association France), crédit photo D.R.