Création et Internet est désormais une loi. Le Journal Officiel daté du 13 juin consacre ainsi la promulgation et la publication de la loi n°2009-669 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet. Malgré tous les efforts déployés par les membres du gouvernement pour convaincre de l'utilité de ce texte, la version publiée au JO est loin de produire les effets escomptés au sortir de l'examen par le Parlement. Entre temps, le Conseil constitutionnel est en effet passé par là et a censuré les principales dispositions de la loi. Alors que la mouture initiale prévoyait la suspension de l'abonnement à son FAI de l'internaute dont la connexion aurait servi à télécharger des contenus illicites, les Sages ont retiré à l'Hadopi - une autorité administrative - tout pouvoir de sanction. Selon les gardiens de la norme suprême, seul le juge judiciaire est apte à prononcer ce type de sanction, qui vient contrarier une liberté individuelle. Il ne reste donc plus à l'Hadopi qu'un pouvoir d'admonestation. De quoi irriter les plus ardents défenseurs du texte originel, dont le patron des députés UMP, Jean-François Copé. Interrogé, hier, sur RTL, il s'étonne de la décision des Sages : « Je n'avais jamais lu nulle part que l'accès à Internet était un droit fondamental au point que le droit d'auteur, le droit de propriété intellectuelle, doive s'y plier ». Le Parlement européen a pourtant, à plusieurs reprises, adopté des amendements lors de son examen du Paquet télécom pour intégrer l'accès au Web dans le corpus des libertés fondamentales. Pour Henri Guaino, la décision du Conseil constitutionnel semble tellement peu légitime que le conseiller spécial du président de la République ne se prive pas pour la qualifier de « déroutante », voire la moquer : « Je trouve assez curieux que le droit d'accès à Internet soit plus fortement défendu que le droit d'accès à l'eau ou l'électricité », a-t-il indiqué, hier, sur Europe 1, arguant de ce qu'il est possible de couper l'eau et l'électricité « très facilement » mais pas l'accès au Web. La semaine dernière, plusieurs autres membres de la majorité étaient montés au créneau pour minimiser la portée - pourtant très importante - de la censure opérée par les Sages, dont Christine Albanel et Frédéric Lefebvre, selon lesquels la loi promulguée correspondait « à 90% » à celle adoptée par le Parlement. En dépit de cette soi-disant proximité entre les différentes versions de la loi, Jean-François Copé estime qu'il faut « absolument continuer le combat ; la protection des artistes et créateurs, c'est une chose majeure ; le téléchargement illégal, c'est la mort de notre création ». C'est dans cette optique que la loi dite Hadopi devrait être complétée prochainement. Le Parlement devrait ainsi avoir à se pencher, dès le mois de juillet, sur un volet complémentaire, prévoyant l'attribution au juge judiciaire de la partie répressive de la loi. Une mesure rendue certes obligatoire après la censure opérée par le Conseil constitutionnel, mais qui ne viendra au final que compléter un arsenal répressif déjà en place pour sanctionner les internautes en délicatesse avec le droit d'auteur. En imaginant Hadopi, le gouvernement avait rêvé un dispositif capable de sanctionner à la chaîne les contrevenants. Contraint de revoir sa copie, il accouche simplement d'une infraction supplémentaire - le défaut de sécurisation de la connexion - tout juste susceptible d'engorger davantage des tribunaux judiciaires déjà combles.