Pour réussir à s'imposer sur le marché des ardoises électroniques, les analystes pensent que le TouchPad, prévu pour juin, doit être aussi bien compétitif au niveau du prix que proposer des caractéristiques différentes de celles que l'on trouve sur la plupart des tablettes Android et la Playbook de RIM. « La plupart des tablettes Android concurrentes de l'iPad ont été incapables de se démarquer, y compris pour se différencier les unes des autres.

D'autres plates-formes concurrentes, comme la Playbook de RIM, ont été mollement accueillies par les utilisateurs, faute d'offrir des fonctionnalités essentielles, » a déclaré David Daoud, directeur de recherche chez IDC. « Au premier trimestre de cette année, sur les 6 millions de tablettes commercialisées, l'iPad d'Apple a capté 74% des parts de marché, » indique l'étude publiée le mois dernier par Canalys Research. Le reste du marché est revenu à des concurrents,  notamment la Galaxy Tab de Samsung, qui tourne sous Android.

Un OS pour plusieurs dispositifs

Annoncé en février, le TouchPad tourne sous la plateforme webOS mobile, acquis par HP avec le rachat de Palm l'an dernier pour 1,2 milliard de dollars. Le TouchPad est un élément clef de la stratégie à long terme de Hewlett-Packard, qui compte livrer son webOS avec de nombreux produits, depuis les PC jusqu'aux smartphones, afin de faciliter le partage de fichiers et de contenus entre les différents dispositifs. « HP prend un risque important en introduisant une tablette tactile non-Windows qui a nécessité un investissement majeur, » a déclaré Sarah Rotman Epps, analyste senior en stratégie produit grand public chez Forrester Research.

« En cas de succès, HP pourrait devenir un concurrent d'Apple, seul constructeur à posséder également son propre système d'exploitation, » a déclaré l'analyste de Forrester. Selon d'autres analystes, le TouchPad permettrait aussi d'atténuer l'impact lié au retard de ventes de PC. Cette semaine, HP a fait savoir que les recettes du Personnal Systems Group (PSG), un département responsable pour les ordinateurs PC, avaient baissé de 5 %, un glissement déjà constaté l'an dernier, tiré par une baisse de 23 % du chiffre d'affaires consommateurs.

Un produit indispensable pour contrebalancer la baisse des ventes de PC

Face à des ventes de PC décevantes, Dell et Acer, principaux concurrents de HP, ont mis en place des stratégies autour de la tablette tactile. « Dell prévoit de livrer plusieurs dispositifs au cours des 10 à 20 prochains mois dans la région Asie-Pacifique, » comme l'a déclaré un responsable de l'entreprise lors d'une téléconférence. De son côté, Acer a récemment annoncé ses propres tablettes Iconia tournant à la fois sous Android et sous Windows 7.

Quoi qu'il en soit, « un échec de la commercialisation du Touchpad serait embarrassant, mais pas rédhibitoire pour HP, » estiment encore les analystes. Le constructeur californien reste le plus grand fabricant mondial de PC, et il aurait la capacité de revoir son dispositif et de réorganiser sa stratégie, y compris par rapport au système d'exploitation. « Un échec assombrirait les perspectives de l'ensemble de sa stratégie reposant sur webOS, » a déclaré Charles King, analyste principal chez Pund-IT. « Si elle échoue, il faudra admettre que sa tablette n'est qu'un dispositif de plus à se frotter contre l'iPad d'Apple et qu'il a été mis, comme les autres, sur le carreau, » a-t-il ajouté.

Seule originalité technique, le Touchstone

Sur le plan technique, le TouchPad affiche un écran de 9,7 pouces, intègre un processeur ARM dual-core Snapdragon cadencé à 1,2 GHz, avec une capacité de stockage de 16 Go ou 32 Go. Le premier modèle offrira le WiFi et la 3G. La 4G étant prévue pour des versions ultérieures. La tablette sera vendue sur plusieurs boutiques en ligne - elle apparaît déjà dans les listings -  dont Amazon, Best Buy et Staples, mais son prix n'est pas encore connu. 

Lors de la présentation du TouchPad en février, HP avait insisté sur certaines caractéristiques qui pourraient donner à sa tablette un avantage sur ses rivaux : il est compatible avec Flash et intègre la technologie sans fil Touchstone d'HP qui permet aux dispositifs mobiles sous webOS de communiquer entre eux. HP a également fait l'éloge de sa suite logicielle Synergy, qui comprend une messagerie et sait gérer dans une même application les informations de comptes Twitter ou Facebook.

La clef du succès sera bien logicielle

Mais, l'autre défi auquel HP doit faire face, selon les analystes, c'est le soutien limité dont bénéficie son OS auprès des développeurs d'applications. « Par ailleurs, il faudra peut-être aussi un certain temps aux utilisateurs pour s'habituer à un dispositif doté d'un nouveau système d'exploitation, » a déclaré Ezra Gottheil, analyste senior chez Technology Business Research. «Je crois que HP dispose d'un ticket gagnant avec webOS, mais il peut démarrer lentement auprès du grand public, dans un marché où c'est la notoriété d'Apple et d'Android qui domine, » a ajouté l'analyste.

Comme le souligne Ezra Gottheil, la guerre de la tablette n'est pas sans rappeler celle du PC au début des années 1980, quand IBM, Apple, Commodore et Atari étaient en concurrence sur les prix et les caractéristiques, pour gagner la plus grande part de marché possible. « L'industrie de la tablette en est à peu près au même point celle des ordinateurs en 1980. Apple avait la plus grande part du marché, et HP était un acteur mineur. Je ne pense pas qu'Apple fera avec l'iPad les mêmes erreurs qu'il avait faites alors avec les PC. Mais HP est certainement là pour le long terme, » a estimé l'analyste.