Le parquet de Paris a décidé d'ouvrir une information judiciaire sur la série de suicides - 48 cas depuis 2008 - de salariés de France Télécom. La procédure judiciaire porte sur le harcèlement moral et la mise en danger de la vie d'autrui. Elle fait suite à une plainte déposée en décembre dernier par le syndicat Sud et à un volumineux rapport de 82 pages remis en février par l'inspection du travail. Le document pointe la politique de réorganisation  et de management de l'entreprise, ainsi que de ses effets sur la santé physique et mentale des salariés. Il met en cause, à travers l'examen de 17 cas de suicides et de situations de mal-être au travail, le caractère pathogène que pourrait avoir l'organisation du travail décidée au sein de France Télécom et déclinée au niveau de ses directions territoriales et métiers.

Le rapport de l'inspection du travail établit, en outre, un lien explicite entre le plan « Next », proposé par l'ex-PDG Didier Lombard, ayant pour objectif le départ de 22 000 salariés (sur 120 000) au cours de la période de 2006 à 2009 et de 14 000 mobilités forcées. Il estime, en conclusion, que les atteintes à la santé mentale et l'absence de prise en compte des risques psychosociaux liés aux réorganisations sont le résultat d'une politique mise en oeuvre nationalement entre 2006 et 2009. Le rapport constate aussi que la responsabilité de cette politique et ses effets n'incombent pas à chaque directeur d'unité qui n'ont fait qu'appliquer des décisions et des méthodes prises au plus au niveau du groupe, mais directement aux principaux dirigeants du groupe, Didier Lombard, actuel président (sans pouvoir exécutif), Louis-Pierre Wenes, ancien directeur délégué, et Olivier Barberot, DRH du groupe.

Dans le cadre de cette instruction judiciaire la CFE-CGC/UNSA a, pour sa part, décidé de se constituer partie civile. « L'ouverture d'une instruction par le parquet de Paris marque un tournant par son ampleur, a indiqué son président Sébastien Crozier puisqu'elle concerne la stratégie nationale de l'entreprise et par les personnalités visées, à savoir ses dirigeants. En effet, le parquet peut opter pour deux alternatives, soit décider de classer l'affaire, soit contraindre les personnes morales responsables à comparaître devant le tribunal correctionnel ».