La BSA exulte : elle a trouvé une PME strasbourgeoise dont 62% du parc logiciel serait « en situation irrégulière ». Un niveau extrêmement élevé, donc, sur un parc de... neuf ordinateurs. La Business Software Alliance est un syndicat privé d'éditeurs de logiciels (Microsoft, Avid, Symantec, Apple, Adobe...) qui cherche principalement à faire prendre conscience aux entreprises de la nécessité d'acheter les licences des logiciels qu'elles utilisent. Cependant, ses méthodes sont sujettes à controverse : communiqués alarmistes (« en France, 47% des logiciels utilisés par les entreprises sont des copies illégales »), menaçants (« jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende »)... Et il est très difficile de savoir comment elle en vient à avoir suffisamment d'éléments d'information sur un possible cas de piratage pour obtenir une ordonnance du tribunal de Grande instance, indispensable pour opérer la vérification sur site. Le problème initial : un achat d'occasion Au final, ce sont surtout des revendeurs (tel Macway) qui sont sanctionnés par la justice, mais rarement une entreprise utilisatrice. C'est en tout cas ce qui est arrivé fin 2004 à Advisa, une petite société spécialisée dans le graphisme et la conception de sites Internet, qui a reçu la visite inopinée d'un expert et d'un huissier - sans même un courrier d'avertissement. « Je n'ai pas compris pourquoi nous avons été contrôlés, explique Olivier Kubler, gérant d'Advisa. Nous avons créé l'entreprise suite au dépôt de bilan de la société qui nous employait en 2002, et nous avons racheté les 9 ordinateurs sur lesquels nous travaillions au liquidateur - sans se douter que les licences n'étaient pas cessibles. J'avais prévu un plan sur trois ans pour avoir un parc à jour, à la fois sur le plan matériel et le plan logiciel. Nous avons été contrôlés au bout de deux ans et demi. Ce n'est vraiment pas de chance. » "Un faisceau d'indices concordants" Pourquoi le couperet est-il tombé là ? "D'une façon générale, j'ignore comment les membres de la BSA sélectionnent les entreprises", explique Thomas Limousin-Lamothe, avocat du cabinet De Gaulle Fleurance et associés, mandaté par la BSA. Et d'indiquer qu'il n'y a pas besoin de démontrer au juge l'existence du piratage, puisque c'est justement ce que la saisie par l'huissier doit prouver. "Cela repose sur un faisceau d'indices concordants, qui se vérifie d'ailleurs à 90% lors des saisies-contrefaçons." Accord sur le fond, pas sur le décompte En tant que concepteur de produits logiciels, Olivier Kubler ne conteste pas la démarche de la BSA. « Je les comprends, je suis pour la protection du droit d'auteur, mais je trouve étonnant d'avoir été contrôlé. » Par ailleurs, le gérant d'Advisa n'est pas d'accord sur le nombre de logiciels en infraction (essentiellement du Windows et des outils de la suite Macromedia) : « Pour nous, il n'y en avait que 30%. » Menacé de procès, Olivier Kubler a préféré la solution à l'amiable proposée par BSA France : payer toutes les licences au prix fort, autoriser la BSA à publier un communiqué, et lui fournir pendant une période probatoire de deux à trois ans un listing de son parc logiciel. « J'ai une entreprise à gérer, une famille, je ne voulais passer du temps dans les tribunaux, payer des avocats, etc. » D'autant que les moyens de la BSA sont sans commune mesure.